Un pouvoir politique propice aux pleins pouvoirs
Pour rappel, le pouvoir politique de la République Populaire de Chine s’organise de deux manières. Premièrement, le gouvernement divisé en trois Chambres : l’Assemblée nationale populaire, le Conseil des affaires d’Etat et la Cour populaire même. La seconde accouchant des ministres et des postes provinciaux.
De son côté, le Parti Communiste Chinois (PCC) se divise de manière pyramidale, avec trois rôles principaux, dont deux aujourd’hui occupés par Xi Jinping. Il découle ensuite du Secrétaire général du Comité central, le comité permanent du Bureau politique, grand objet des changements après le Congrès. Celui-ci est composé de 7 à 9 membres, dès lors plus proches conseillers du président. Un Bureau politique permet également une gestion plurielle du Parti Communiste Chinois (PCC).
Point important, le PCC prévaut sur les organes de la République. Celui qui détient la présidence du PCC est le maître du pouvoir en Chine. Il est à même de prendre les décisions finales. C’est en ce sens que l’on parle de pleins pouvoirs.
Un homme tout puissant ?
C’est la première fois depuis Mao Zedong qu’autant de pouvoir réside dans les mains d’un seul dirigeant chinois. Depuis son élection en 2013, Xi Jinping règne d’une main de fer sur la superpuissance. Cela devrait s’accentuer dans les années à venir après les annonces du 20ème Congrès du PCC le 22 octobre.
Comme attendu, Xi Jinping a été élu pour un troisième mandat. En effet, le dirigeant chinois avait révisé la Constitution en 2018, lui permettant de régner au-delà de son second mandat. Ainsi, s’il le souhaite, ce qui tend à être le cas pour le moment, Xi Jinping pourrait rester chef du PCC jusqu’à sa mort.
Si ces prédécesseurs ont respecté l’obligation du départ à la retraite à 68 ans, Xi Jinping, 69 ans, n’a pas l’intention de se plier aux règles. Cette obligation, instaurée par Deng Xiapong, successeur de Mao, permettait de contrôler les tentatives de gestion à vie.
Xi Jinping acquiert donc un peu plus de pouvoir. Pour rappel, le dirigeant chinois n’est pas seulement président de la RPC (République Populaire de Chine). Il remplit également les fonctions de chef militaire, et de Secrétaire Général du PCC, le Parti Communiste Chinois. Ces trois casquettes, corrélées avec une possibilité de diriger à vie, font de lui l’homme d’Etat chinois le plus puissant depuis Mao Zedong.
Celui dont le “rêve chinois” se réalise toujours un peu plus aura au minimum 5 ans de plus pour réaliser ses objectifs, édictés durant son discours au Congrès.
Un important remaniement politique
Outre les pleins pouvoirs obtenus par Xi Jinping, le Congrès a bouleversé l’ordre politique chinois. La composition du gouvernement est remaniée. Cela fait très longtemps que la Chine n’a pas connu telle homogénéité au Comité permanent. Tous sont acquis à la cause de Jinping, et marchent dans la même direction. Les derniers « résistants » ont été écartés.
Ainsi, les « modérés » Li Kegiang et Wang Yang ont été poussés vers la sortie. A l’instar de l’ancien président du PCC, Hu Jintao. Symboliquement, celui-ci à dû quitter la cérémonie avant la fin, escorté par la sécurité.
Cette sortie prématurée interroge. Nombre de spécialistes y voient le symbole de la prise de pouvoir totale de Xi Jinping. Il est désormais seul maître à bord, entouré de partisans acquis à sa cause.
Au contraire, quatre personnalités proches du secrétaire général ont été promus dans le bureau politique, Li Qiang, Li Xi, Ding Xuexiang ainsi que Cai Qi. Leur rôle au sein de ce comité n’a pour le moment pas été précisé. Mais leur promotion n’est pas anodine. Seule leur complicité avec Xi Jinping leur a permis de rentrer au Bureau politique. Cela est notamment le cas pour Li Qiang après une gestion de la crise sanitaire jugée désastreuse par une grande partie de la population chinoise.
Ces grandes manœuvres politiques à peine dissimulées permettent à Xi Jinping de ne pas être entravé dans ses choix politiques.
Les objectifs du prochain mandat
L’annonce du nouveau mandat se fait dans un contexte particulier, entre politique zéro covid, tentative d’expansion dans le Pacifique et ralentissement économique.
Lors de son discours d’ouverture, le chef d’Etat est revenu sur les cinq années précédentes et a fait un bilan de sa gestion politique. Pour faire court, la Chine va bien. Il aurait été étonnant d’entendre le contraire. Le discours a également permis de dégager des sujets brûlants pour le quinquennat à venir. Premièrement, la crise sanitaire avec une politique intensive qui tend à rester en place.
Pour les dirigeants chinois, la politique “zéro covid” est un succès malgré les quelques cafouillages initiaux. Xi Jinping se vante même d’être l’un des seuls pays à vraiment protéger sa population. Bien qu’il omette de parler des nombreuses manifestations contre la gestion de la crise sanitaire.
Dans les affaires internes toujours. Xi Jinping devra gouverner avec les pressions internationales sur le cas des Ouïghours. En effet, un rapport publié par l’ONU et présidé par Michelle Bachelet (Haut commissaire sortante de l’ONU aux droits de l’Homme) estime que de possibles crimes contre l’humanité sont commis dans les camps de détention Ouïghours. L’opinion internationale est contre la Chine, dont les dirigeants vont devoir jongler entre volonté nationale et géopolitique.
Viennent ensuite les problèmes extérieurs, notamment liés à Taïwan et à l’Ukraine. Alors, un renforcement des pouvoirs de Xi Jinping peut-il entraîner un renforcement de la politique étrangère ?
Un durcissement de la politique étrangère ?
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le positionnement de la Chine est assez flou. Alliée historique de la Russie, l’amitié entre les deux pays s’est avérée solide au début du conflit. Seulement, la Chine est l’un des premiers partenaires économiques de l’Occident. Alors, la position a légèrement évolué depuis. Le 21 septembre, Pékin a même appelé la Russie à accepter un cessez-le-feu. Assez distant du conflit, XI Jinping n’en reste pas moins attentif aux changements européens.
Seulement, l’Europe n’est pas le terrain qui inquiète le plus Xi Jinping. Le pacifique et surtout Taïwan reste au coeur des préoccupations chinoises. En effet, le président espère une « réunification » de l’île avec la Chine continentale. Cependant, il assure qu’il « ne renoncera jamais à l’usage de la force » et est prêt à prendre « toutes les mesures nécessaires ». Peut-être a-t-il en tête l’horizon 2049, date des 100 ans de la création de la Chine moderne. Le symbole serait grand de voir le pays « réunifier » avant cette date. Ce discours n’est donc pas pour rassurer les Taïwanais, ni la communauté internationale, qui craint une escalade des tensions dans le Pacifique.
Sur ces velléités internationales, le dirigeant chinois estime quant à lui que « la Chine poursuit résolument une politique étrangère indépendante et pacifique ». Le flou règne quant à l’attitude future de la Chine, dont les sorties nucléaires fréquentes peuvent inquiéter le reste du monde.
Une chose est pourtant sûre. Xi Jinping n’a aucune envie de céder le pouvoir. Son « rêve chinois » est en marche, plus que jamais.
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