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Voter, toute une histoire

Les 10 et 24 avril 2022, les Français se rendront une nouvelles fois aux urnes pour élire le prochain ou la prochaine Président.e de la République. Un acte de citoyenneté, certes, mais dont le symbolisme n’a pas toujours été le même. Alors, voter, pourquoi en faire toute une histoire ?

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Les 10 et 24 avril 2022, les Français se rendront une nouvelles fois aux urnes

Voter il y a 230 ans…

En 1792, nous sommes en pleine Révolution française. Le suffrage universel masculin, déjà installé très brièvement en 1791, est mis en place.

Une large partie de la population est mise de côté : les femmes, d’abord, mais également les plus pauvres. Le droit de vote n’est plus censitaire, mais certains ne savent ni lire, ni écrire, et ne peuvent donc s’investir dans un devoir de citoyen nouveau. Le contexte politique instable, la Terreur, rend le vote d’autant plus complexe. Lors des premières élections législatives, seul 11,9% du corps électoral se déplace aux urnes dans les départements.

Le vote ne satisfait pas et est rapidement abandonné. En effet, en 1795, le suffrage censitaire indirect est remis en place avec l’émergence du Directoire. Les électeurs se distinguent par degrés. D’une part ceux du premier degré doivent, pour accéder au droit de vote, payer des impôts, avoir participé à une campagne militaire. Ceux du second degré, d’autre part, doivent être titulaires de revenus plus élevés, calculés en centaines de journées de travail.

En 1799, le suffrage universel masculin est restauré par la Constitution, en même temps que le Consulat. Trois degrés viennent le définir : tout d’abord, les électeurs de chaque canton choisissent 10% d’entre eux pour constituer une liste d’arrondissement, qui choisit par la suite 10% de ces élus d’arrondissement pour former une liste départementale. Puis les membres de la liste départementale désignent 1/10e d’entre eux pour former la liste nationale, qui permettra par la suite au Sénat de choisir ses fonctionnaires nationaux. Un système électoral en entonnoir, en quelque sorte !

Un droit bien sélectif

L’arrivée de Napoléon Bonaparte au pouvoir en tant qu’Empereur des français en 1804, dans la continuité de ce système électoral, est révélateur d’une chose. Le pouvoir électoral des citoyens est en réalité bien faible, et peu exercé.

La Restauration achève de limiter cet accès au vote, en 1815, en rétablissant un système censitaire très sélectif. En 1820, le système du double-vote renforce cette exclusion d’un large pan de la population : les électeurs les plus riches peuvent désormais voter à deux reprises, une mesure en faveur de l’aristocratie qui renaît de ses cendres, une fois la menace Napoléon éloignée du pouvoir.

Voter, ou se battre ? Les révolutions du XVIIIe siècle et le droit de vote

En 1830, le roi Charles X tente de limiter le pouvoir des députés libéraux par les ordonnances de Saint-Cloud. En réponse, la révolution et l’émeute naît dans les rues de Paris. Portée par le peuple et largement soutenue par les bourgeois que les dernières lois instituées venaient mettre en difficulté, cette révolution s’achève en 3 jours. Parmi les revendications populaires, le droit de vote, le suffrage universel masculin. Parmi les revendications bourgeoises, l’abaissement du seuil du cens.

La dernière de ces revendications sera écoutée. C’est ainsi que le 30 juillet 1830, le duc d’Orléans est nommé « Roi des Français » dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle libérale. Le seuil du cens est alors abaissé. Mais une nouvelle fois, le droit de vote est hors de portée d’une large partie de la population française et la révolution n’aura pas engendré le changement attendu.

La révolution de 1848, davantage populaire, amène de nouvelles revendications, et de nouveaux espoirs. L’avènement du suffrage universel masculin semble augurer l’émergence de droits et devoirs citoyens. Le corps électoral passe de 246 000 personnes, à 9 millions. Pourtant, une nouvelle fois, les oubliés sont de la partie. Le droit de vote n’est élargi ni aux femmes, ni aux militaires, aux détenus, aux membres du clergé et largement aux « Indigènes » dans les colonies françaises. D’autre part, pour voter, il faut désormais résider au même endroit pendant 6 mois. Cette mesure réduit le corps électoral constitué des classes populaires, au sein desquelles la mobilité, notamment pour l’emploi, est plus importante. La loi du 31 mai 1850 se veut aussi excluante à cet égard, en élargissant la durée de domiciliation à 3 ans.

Napoléon III, ami du peuple ?

Deux ans plus tard, Napoléon III abolit cette restriction. Le suffrage masculin est bien universel, quoique restreint aux militaires en activité jusqu’en 1871. Pourtant, les femmes, moitié de la population, non considérées comme citoyennes mais femmes et mères de, restent privées de tout droit de vote.

Le journal La Voix des Femmes, en 1848, peine à se faire entendre. Ridiculisées, dévalorisées, les femmes ne sauraient alors être vues comme des citoyennes.

Voter il y a 66 ans…

66 ans. C’est peu, et pourtant, c’était il y a 66 ans que chaque personne française majeure, quelle que soit son sexe, son origine, pu enfin avoir le droit de vote. En 1945, les femmes et les militaires de carrière peuvent enfin voter. La loi Lamine Gueye du 25 avril 1946, quant à elle, élargit le droit de vote à tous les Français d’outre-mer. La représentation des populations dites autochtones reste cependant profondément inégalitaire.

Mais depuis 66 ans, chacun peut voter. Un droit, qui est également un devoir, mais qui ne saurait, désormais, être remis en question.

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