Samedi dernier, une semaine avant le Classique entre l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain au Stade Vélodrome, une centaine de supporters franciliens du Parc des Princes entonnait des chants homophobes contre leurs rivaux phocéens. Un jour plus tard seulement, des débordements entre groupes ultras montpelliérains et marseillais étaient recensés au Stade de la Mosson, durant la rencontre opposant le MHSC à l’OM. En bref, une nouvelle journée de Ligue 1 marquée par des violences verbales et physiques. De quoi faire réagir le gouvernement, et plus précisément son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. “Chants homophobes, affrontements de clubs de supporters, agressions des forces de l’ordre, on ne peut plus supporter que chaque semaine, le sport soit le théâtre d’agissements intolérables. Pour ma part, je ne le tolérerai pas”, écrivait-il, remonté, sur le réseau social X, dimanche soir dernier.
Quatre jours plus tard, à l’occasion d’une réunion Place Beauvau, Bruno Retailleau recevait sans attendre le ministre des Sports, la Fédération Française de Football, la Ligue de Football Professionnel et l’Association Nationale des Supporters. L’objectif de ces échanges : débattre autour des sanctions à infliger et des mesures à instaurer pour mettre fin à toutes les formes de violence dans les stades de foot.
Quelles “nouvelles” mesures ?
Jeudi après-midi, quelques heures après l’entrevue entre le gouvernement et les instances, le ministre des Sports, Gil Avérous, annonçait la première mesure forte en direct sur BFM TV : celle d’arrêter les matchs en cas de chants homophobes répétés, comme le prévoit déjà le protocole de la Fifa. Les sanctions monteraient alors crescendo, allant de la simple “suspension du match”, à son “interruption”, et jusqu’au match déclaré “perdu pour l’équipe qui reçoit”. Pourtant, Roxana Maracineanu et Amélie Oudéa-Castéra, les deux anciennes ministres des Sports sous la présidence Macron, avaient tenu le même discours lorsqu’elles occupaient leur fonction ministérielle. Mais le constat est le suivant, et il n’étonnera personne : rien n’a réellement changé. La preuve, la rencontre entre Paris et Strasbourg n’a pas été interrompue la semaine passée.
Signe que ce sujet divise jusqu’au cœur de l’équipe gouvernementale, Bruno Retailleau réfutait le même jour l’idée soutenue par son homologue des Sports. “C’est très compliqué d’arrêter des matchs, ce n’est pas la bonne solution. Mais il faut une interruption provisoire, éventuellement des exfiltrations, même si c’est difficile au sein d’une tribune”, expliquait, de son côté, le ministre de l’Intérieur, interrogé par RMC.
Des policiers déployés dans les tribunes
Afin d’identifier et de sanctionner indépendamment des autres les supporters récalcitrants, le locataire du ministère de l’Intérieur envisage également de déployer des agents en civil en plein coeur des tribunes : “Je placerai très régulièrement des policiers ou des gendarmes en tenue civile dans les stades pour repérer individuellement les fauteurs de troubles. Je veux des sanctions beaucoup plus personnalisées et individualisées”, exprimait Bruno Retailleau, toujours sur RMC. Mais cette mesure n’est pas une réelle nouveauté. En effet, des policiers sont régulièrement déployés sur certains matchs de Ligue 1 ou de Ligue 2, à l’image des policiers de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH). Toutefois, contrairement aux demandes du ministre de l’Intérieur, ces agents sont facilement identifiables à leur tenue. Contacté par RMC, un policier habitué à ces missions dans les stades comprend qu’il endossera “un rôle équivalent à celui qu’il peut avoir sur la voie publique”.
Ces moyens humains pourraient aussi être renforcés par des caméras algorithmiques, qui repèrent les comportements jugés suspects ou à risque à l’aide de l’intelligence artificielle, et alerte les membres de la sécurité présents sur place. Initialement expérimenté durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ce système pourrait donc être prolongé, comme le prévoyait le texte de loi.
Une billetterie nominative pour Paris, Marseille et Lyon
À partir du 31 décembre prochain, selon un arrêté signé par Gil Avérous, le Paris Saint-Germain, l’Olympique de Marseille et l’Olympique Lyonnais n’auront d’autres choix que de mettre en place une billetterie nominative. Autrement dit, chaque spectateur sera muni d’un billet à son nom. L’idée est “que l’on puisse repérer d’où viennent les chants et les propos, tout en identifiant ceux qui font l’objet d’interdictions de stade”, détaillait le ministre des Sports sur BFM TV, jeudi 24 octobre. Mais contrôler la carte d’identité de tous les spectateurs pourrait prendre énormément de temps, et les effectifs qualifiés pour répondre à ces vérifications ne seront jamais assez nombreux, estime le député Sacha Houlié, qui a co-écrit avec Marie-George Buffet un rapport sur le supportérisme en 2020.
Ces mesures suffiront-elles à rendre les stades français plus accueillants ? Difficile à dire tant les violences, autant physiques que verbales, semblent ancrées dans les habitudes des groupes de supporters. De nombreux gouvernements ont déjà essayé d’y remédier, en vain.