Victoire écologiste: interdiction des polluants éternels

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La niche parlementaire des Écologistes a remis au centre de l’actualité le sujet de PFAS. Comment en sommes-nous arrivés à un projet de loi interdisant leur utilisation ? Quelles influences sur le processus législatif ? Mais surtout, quel impact sur notre santé ? Dans cet article, en co-rédaction entre les rubriques Politique et Société et Environnement, nous vous proposons une rétrospective sur le combat écologiste engagé depuis plus d’un an.

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Le site industriel de Konin en Pologne. Selon le Forever Pollution Project, ce site rejetterais des PFAS. En France, le plus grand site reconnu se situe à Pierre-Bénite. Crédits : Pexels

Les PFAS, c’est quoi ?

Les PFAS (de leur nom complet alkyls perfluorés et polyfluorés) sont un groupe de plus de 10 000 produits chimiques retrouvés dans la composition de nombreux produits de la vie quotidienne. Nous les retrouvons dans divers objets en raison de leurs propriétés résistantes à l’eau, la graisse et les tâches. Ils sont par exemple utilisés dans la fabrication d’ustensiles de cuisine, d’emballages alimentaires, ou de vêtements imperméables. Ils sont même présents dans notre eau potable et nos aliments, d’où l’urgence d’un débat écologiste sur son utilisation en France. 

Ces produits, pourtant connus des chimistes 3M et DuPont pour leur toxicité depuis les années 1960, n’ont pas été déclarés comme tels. En 2023, une étude menée par des scientifiques de l’université de Californie à San Francisco est paru. Elle révèle les dangers que l’utilisation de ces substances représente suite à l’analyse de documents édités par ces deux fabricants. Les effets néfastes identifiés auparavant lors d’enquêtes menées auprès des employés dans les usines sont restés confidentiels. Pourtant, les conclusions tirées révélaient expressément des dangers potentiels. 

Les spécialistes dressent un portrait inquiétant de ces molécules sur différents aspects

En effet, ces substances qui se retrouvent au cœur du débat actuel en France causent de nombreux problèmes de santé. En s’absorbant par voie orale principalement, mais aussi par voies cutanées et respiratoires, elles peuvent notamment causer des cancers. Les études révèlent également un impact sur la fertilité chez les femmes, ainsi que sur la formation des foetus. Les bébés nourris au lait maternel sont d’ailleurs particulièrement exposés aux risques sanitaires. La mauvaise réponse aux injections de vaccins est aussi un effet remarqué. De nombreux sites sont aujourd’hui fortement pollués en Europe, exposant les habitants à une haute probabilité de contamination.

De plus, ces produits sont un danger significatif pour l’environnement. Ils sont désormais présents dans le monde entier et représentent une véritable menace pour la biodiversité. En raison de leur forte résistance, il faut compter des milliers d’années avant que les PFAS ne se décomposent, d’où le nom de polluants éternels. Les usines rejettent des particules dans les airs et dans l’eau, les laissant s’accumuler et se disperser dans la nature. Cette propagation engendre également la contamination de la faune et la flore.

Un enjeu écologique et sanitaire majeur encore peu pris en charge malgré les avertissements

Globalement, la situation est préoccupante et nécessite de lourds moyens pour dépolluer les aires contaminées. L’Europe nécessiterait un montant de 100 milliards d’euros par an pour y remédier. Les frais de santé s’élèveraient 80 milliards d’euros par an, selon le chimiste Hans Peter Arp. Pour limiter la multiplication des dommages ainsi que de ces chiffres, une solution technique est nécessaire et urgente.

Divers acteurs en Europe ont déjà travaillé sur la régulation de l’utilisation des PFAS. Par exemple, L’Union Européenne, en 2020, a imposé un seuil limite de leur présence dans l’eau potable et les emballages alimentaires. Le Danemark l’a interdit dans certains produits de consommation en juillet 2020. Des pays comme l’Allemagne, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et la Norvège militent pour interdire totalement les PFAS en Europe. Malgré les premières initiatives, aucune action concrète de l’ampleur de la nouvelle loi française n’a encore été mise en place. On peut donc constater que la France est pionnière dans le combat contre les PFAS.

La France adopte la loi la plus avancée en matière de protection contre les PFAS

La France va se doter d’une des lois les plus avancées dans le domaine de la pollution au PFAS. Comment en est-on arrivé à ce vote historique le 20 février dernier ? C’est d’abord le combat de plusieurs associations pour faire reconnaître la pollution importante dans de nombreux attributs du quotidien des Français : l’eau, les ustensiles de cuisine, les cosmétiques… 

Ce combat s’est politisé avec la proposition de loi des Écologistes lors de leur niche parlementaire. Le député Nicolas Benoît, rapporteur du texte, a alors permis de mettre en lumière ce qui s’apparenterait au “scandale sanitaire de ce début de 21ème siècle”. Les débats avaient abouti à un texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale et le Sénat. 

Suite à l’adoption d’un amendement sur l’exclusion des ustensiles de cuisine, le texte n’était pas forcément à la hauteur de ce que les Ecologistes auraient souhaité. Cependant, la consigne de ce jeudi était claire, adopter le texte tel qu’il était coûte que coûte. Le texte était le premier à être débattu. C’est un choix assumé pour leur deux niches parlementaires. Pourquoi ? Si le débat parlementaire avait duré plus d’une journée: le texte aurait été ajourné et non-voté. C’est donc un choix politique fort pour le Groupe Ecologiste et Social pour assurer un vote sur le sujet.

Un combat d’influence : la santé publique doit-elle primer sur les bénéfices économiques ?

L’Assemblée Nationale s’est finalement retrouvée embourbée dans un combat d’influence. D’un côté, les députés écologistes ont pu compter sur le soutien de l’activiste Camille Etienne, de personnalités médiatiques comme le présentateur télé Nagui. De l’autre, les lobbys de l’industrie pour qui les PFAS semblent indispensables, ont lancé une campagne de lobbying en direction des députés du Rassemblement National. 

Cependant, cette campagne de lobbying va beaucoup plus loin. C’est le projet The Forever Pollution Project qui s’est attelé à démanteler tous les arguments des lobbies de l’industrie. 45 journalistes dans plus de 16 pays ont entrepris de récupérer le plus de données possible sur ce sujet de santé publique. 

Ils avaient notamment remarqué l’influence exercée sur les institutions européennes quand la loi qui souhaitait interdire les PFAS dans l’Union Européenne avait été proposée il y a un an. Il semblerait que le même processus soit mis en place en France. C’est d’ailleurs grâce à ces techniques de lobbying que les ustensiles de cuisine ont pu être écartés de la proposition de loi. 

Quels arguments sont avancés par les lobbys ?

  • « Il n’y a pas d’autre alternative »
  • « Les émissions de PFAS peuvent être gérées »
  • « L’interdiction des PFAS mènerait à des relocalisations et des pertes d’emplois »

Pour tous ses exemples, le Forever Project Pollution propose une méthodologie d’analyse scientifique. Tous les arguments avancés par les lobbys sont discrédités par le travail de journalistes et scientifiques européens.

Néanmoins, la victoire des Écologistes montrent bien qu’une campagne médiatique impactante sur un sujet de santé publique peut toucher toute la population. La réussite de cette proposition de loi réside aussi dans l’urgence de protéger les zones les plus polluées. Enfin, l’adoption du texte montre bien que des consensus sont possibles sur des sujets de société si la proposition de loi est bien formulée.

Plus d’informations sur les lieux de contamination sur cette carte du journal Le Monde, pour le Forever Pollution Project

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