« Il y a 3 ans de cela on n’entendait pas parler des Américains, maintenant ils sont là, la Nouvelle-Zélande à une équipe de Béhourd, de même pour l’Australie, on est dans une période d’extension mondiale qui se forme petit à petit », énonce Jehanne Dering, capitaine de l’équipe féminine Korventenn An Ermin. Quel est donc ce sport qui se développe de plus en plus à l’international ? Avez-vous déjà rêvé étant enfant de devenir chevalier, de porter une armure en combattant avec une épée ? Ce rêve peut se réaliser avec le Béhourd. Des hommes et des femmes qui se battent vêtues en armures d’époque, comme l’impression d’un voyage dans le temps, c’est l’effet que peut faire le Béhourd lorsqu’on le découvre.
Un sport de combat réglementé
Le Béhourd ce n’est pas seulement des combattants qui se frappent dessus en armure. Il y a une vraie réglementation comme dans tous les autres sports. L’objectif est simple, faire tomber l’adversaire au sol, si trois appuis touchent le sol alors il est éliminé. Ainsi, l’équipe qui gagne est celle qui arrive à terminer la manche avec le plus de combattants debout. Bien que la plupart des coups sont permis, avec son épée, son bouclier, ses pieds ou encore ses poings, il existe des coups interdits comme la nuque ou évidemment les parties génitales. Les béhourdeurs sont encadrés par plusieurs arbitres habillés en jaune, qui veillent au respect des règles et aux combattants éliminés. Les combats s’effectuent dans des « lices » qui sont entourées de barrières rectangulaires pour limiter la zone. Plusieurs formats de combats existent, le plus connu est sous lequel le championnat de France effectue son classement, est le cinq contre cinq. Selon les tournois des combats en un contre un, en douze contre douze sont possibles. Lors de grande compétition notamment à l’internationale, il existe un plus gros format avec des trente contre trente qui mélangent plusieurs pays pour une équipe.
Une exigence de plus en plus présente
Ce sport n’est pas juste un défouloir, il demande une certaine rigueur physique déjà d’un point de vue du cardio : porter une armure entière, un bouclier, une hache ou une épée pèse un certain poids. De plus, se battre avec, encaisser les coups demandent d’avoir une endurance comme dans tous les sports de combat classiques.
D’ailleurs, avec le temps ce sport est de plus en plus exigeant comme le mentionne Jehanne Dering : « Avant les entraînements, il y en avait un seul par mois, on vient on fait mumuse, après on mange ensemble, on passe un bon temps avec les copains. Alors que maintenant, on arrive, on met en place l’entraînement, on s’entraîne, on mange le midi ensemble, on se réentraîne vraiment jusqu’à pousser, c’est vraiment devenu plus exigeant. » Cette volonté de progresser sportivement et d’élever son niveau se fait ressentir aussi chez Benjamin Béziel, champion de France de Béhourd 2022-2023 avec son équipe les Comtois. Il évoque le rythme de ses entraînements : « Nous c’est plusieurs entraînements par semaine, notre but c’est vraiment de rester champion de France. » De plus, le Béhourd qui est une passion non rémunérée en France demande beaucoup de temps et donc une certaine organisation pour allier vie professionnelle et vie de famille. En effet, aller aux entraînements, partir dans d’autres pays peut être contraignant. Ainsi, comme le mentionne Jehanne Dering : « Si tu veux vraiment faire ce sport, il faut te bouger les fesses ! » Finalement, cette organisation illustre l’exigence que tend à prendre le Béhourd.
Et les femmes dans tout ça ?
« Moi lorsque j’ai fait venir des filles dans mon équipe, elles ne connaissaient pas l’existence du Béhourd, encore moins que c’était ouvert aux femmes », énonce Jehanne Dering. Le Béhourd tend à se développer en France, il n’y a pas encore de classement national féminin dans notre pays par manque d’équipe.
Ainsi, les combattantes doivent faire des kilomètres et des kilomètres pour combattre à l’internationale : « On se donne les moyens pour pouvoir aller à l’internationale sur nos frais à nous, on ne nous offre rien. Limite on sacrifie notre porte-monnaie pour pouvoir aller combattre plusieurs équipes féminines d’un coup, pour montrer qu’on existe. » Cette situation illustre bien une passion débordante pour ce sport, l’objectif est donc de réussir à convaincre d’autres femmes que le Béhourd, n’est pas un sport d’homme, mais un sport ouvert à tous.
Un sport réservé au passionné d’histoire ?
La réponse est non. Évidemment à l’origine, il y avait potentiellement une grande majorité passionnée d’histoire étant donné que le Béhourd provient des reconstitutions historiques. Cependant, tous les béhourdeurs ne connaissent pas l’histoire médiévale par cœur. En effet, comme en témoigne Benjamin Beziel : « J’aime bien l’histoire, mais je ne pratique pas ce sport pour l’histoire. » D’ailleurs, le Béhourd a une spécificité qu’aucun sport en France ne possède et c’est pour cette raison que Benjamin Beziel le pratique comme il l’énonce lors de notre entretien : « Je pratique vraiment ce sport parce que c’est le seul sport de combat en équipe qui est autorisé en France. » Beaucoup de béhourdeurs sont des anciens pratiquants de sport de combat, mais il y a aussi des personnes qui manquent d’assurance et qui retrouvent une certaine confiance en eux grâce au Béhourd. Comme l’évoque Jehanne Dering : « C’est un sport qui transforme les gens, derrière une apparence d’armure métallique. » De ce fait, le Béhourd n’est pas réservé aux férus d’histoire, mais à tout le monde. Il permet d’être curieux et de se renseigner sur l’histoire médiévale pour porter une armure la plus authentique possible.
Un sport coûteux
Le Béhourd n’est pas le sport le plus accessible notamment en raison de son coût économique. En raison de l’armure qui doit être reproduite sur mesure selon le gabarit du combattant. Ainsi, faire une armure de très bonne qualité, validée pour entrer en lice est quasi impossible à constituer en France. Comme l’explique Jehanne Dering « en France actuellement avec les taxes, avec les délais minimums d’attente qui sont chez certains jusqu’à deux ans d’attente, c’est 12 000 euros pour une bonne armure reconstituée historiquement et apte pour la compétition. » C’est pourquoi, la plupart des béhourdeurs font faire leur armure en Ukraine ou en Russie avec des prix moins coûteux qu’en France. Par ailleurs, cela reste tout de même une certaine somme déboursée comme l’indique Jeanne Dering : « Le prix de base pour une armure en acier trempé, pour débuter, c’est au minimum 2500-2700 euros. »
Bien plus qu’un sport : un patrimoine immatériel
Dans les années 90, le Béhourd prend vie en Russie, féru de reconstitution historique, mais ennuyé par des reconstitutions sans combat : le Béhourd est né. Très présent dans les pays de l’Est, le premier tournoi voit le jour en 1996 et est intitulé « tournoi de Vyborg ». Le côté historique de ce sport fait son originalité par rapport aux sports de combat. Le Béhourd fait référence étymologiquement aux tournois, aux joutes que faisaient les chevaliers au Moyen-Âge. Les béhourdeurs utilisent les codes de l’époque médiévale, mais le but n’est pas de recréer les batailles historiques. En effet, c’est le côté sportif qu’ils recherchent et auxquels ils ajoutent les codes du Moyen-Âge. Comme le mentionne Jehanne Dering : « (…) après ça ne reconstitue pas du tout les batailles de l’époque, on est vraiment sur un sport avec des règles strictes, des stratégies. » En effet, les équipements : armure, épée, hache, bouclier ne sont pas fabriqués au hasard, mais doivent respecter une historicité. Dans le même sens, les endroits qui accueillent des compétitions de Béhourd sont très souvent des lieux historiques. Toutes ces allusions font du Béhourd un patrimoine immatériel* avec des combattants qui se battent en portant des armures, des armes d’époques, comme pouvaient le faire nos ancêtres lors de combats médiévaux.
*Edouard Eme, Le Béhourd : réémergence d’une pratique sportive et patrimoniale à influence culturelle, Fédération Française de Béhourd, années 2014-2015.