Boutcha, le président Volodymyr Zelensky a déclaré que des crimes de guerre seront « reconnus dans le monde comme un génocide ». Le mot a paru trop excessif pour certains, ajoutant que les « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » ne suffisent pas à constituer un génocide.
Le 3 avril, l’agence d’information officielle russe RIA Novosti a publié une tribune, la signification du projet russe de « dénazification » de l’Ukraine. Ce texte contient de nombreuses phrases choquantes comme « nettoyage total des élites » qui seront alors réprimées par des moyens de « guerre ». La population sera soumise à une « rééducation ». La tribune se trouve ci-dessous :
Le concept de dénazification de l’Ukraine selon Timofeï Sergueïtsev
Cécile Dunouhaud
Il est juste de désigner cette tribune comme un appel au génocide au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée à l’unanimité par les Nations Unies en 1948. Cette Convention, qui stipule dans son article III que « l’incitation directe et publique à commettre le génocide » fait partie des actes qui doivent être punis, qui engage dans son article V ses parties contractantes – dont la Russie – à prévoir des « sanctions pénales efficaces » contre « les personnes coupables de génocide ou de l’un des quelconques autres actes énumérés à l’article III ».
La lexicologie du mot génocide
La notion de génocide a été inventée par Raphael Lemkin, juriste lvivien, aussi important pour l’histoire du droit pénal international. Le concept est né de l’observation du traitement subi par le peuple arménien de la part de l’empire ottoman et ensuite des évènements de la Seconde Guerre mondiale.
Dans la préface de son livre de 1944, La domination de l’Axe dans l’Europe occupée, Lemkin précise que le génocide est effectué par une attaque synchronisée sur des aspects différents de la vie des peuples attaqués : sur les champs politique, social, culturel, économique, religieux et moral.
Que se passe-t-il en Ukraine aujourd’hui ?
Le 12 avril, Joe Biden a repris le terme de « génocide » déjà avancé par le président ukrainien. Le lendemain, le président français a pris ses distances relativement à cette notion. « Je serais prudent avec les mots », a-t-il noté, en soulignant que des « crimes de guerre » ont bien été commis, mais que le génocide, qui devrait obliger les États qui utilisent ce terme à « devenir cobelligérants », « doit être qualifié par des juristes, pas par des politiques ».
Le 27 février, selon la procureure générale d’Ukraine, les corps sans vie de 410 civils ont été retrouvés dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes. Selon le maire, Anatoly Fedorouk, près de 300 personnes ont été enterrées dans des « fosses communes ».
Les actions de l’armée russe en Ukraine montrent l’intention de la destruction et de l’humiliation de la population civile, l’écrasement de leur identité et de leur intégrité, par les meurtres, viols et les mutilations.
Il s’agit tout d’abord d’opposer un rejet sans équivoque au récit poutinien qui accuse l’Occident et l’Ukraine de génocide au moment même où la Russie est seule à mener une guerre d’agression. Pour certains, on ne peut donc récuser simplement les déclarations de Zelensky. La question est bel et bien ouverte : assistons-nous en Ukraine à un projet génocidaire de la part du régime poutinien ? Si le projet russe est celui qu’annonce l’agence officielle russe alors la réponse semblerait être positive.
Pour aller plus loin, voici une vidéo illustrant les exactions et la volonté russe concernant un “génocide ukrainien” :
