Un César pour Souleymane, mais combien restent oubliés ?

Meilleur scénario, meilleur second rôle féminin, meilleur montage et, surtout, meilleure révélation masculine. La 50e cérémonie des César, qui s’est tenue le 28 février dernier, a mis en lumière un film qui a profondément marqué critiques et spectateurs : « L’histoire de Souleymane », réalisé par Boris Lojkine.

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Césars du cinéma
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« L’histoire de Souleymane » : un César et une claque de réalité

Mais au-delà des récompenses, c’est surtout une performance qui bouleverse : celle d’Abou Sangaré, sacré Révélation masculine pour son interprétation de Souleymane Bagaré. Un rôle qui ne se contente pas d’être incarné, mais vécu.

Ce film poignant nous plonge dans le quotidien d’un jeune livreur à vélo guinéen, en quête d’un avenir meilleur. Alors qu’il s’apprête à être auditionné par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) dans le cadre de sa demande d’asile à Paris, on suit les 48 heures qui précèdent cet entretien décisif. Deux jours de course contre la montre, où chaque minute est arrachée à la précarité. Entre ses courses effrénées, la recherche d’un toit pour dormir et la nécessité de se nourrir, chaque instant est minutieusement calculé pour survivre et se préparer à convaincre qu’il mérite sa place ici.

Et puis, la claque

Parce que ce n’est pas juste une histoire de cinéma. Ce film, c’est le miroir d’une réalité que l’on croise sans jamais vraiment la regarder. Ce livreur qui pédale sous la pluie, celui qui vous tend votre commande sans un mot, il vit peut-être exactement ce que Souleymane traverse à l’écran.

Le film, dans sa mise en scène quasi-documentaire, nous place en spectateurs impuissants face à un engrenage implacable. L’injustice ne crie pas, elle écrase en silence. On voit un homme douter, s’user, être broyé par un système qui ne lui laisse aucune pause, et pourtant, s’accrocher à une dignité qu’on ne lui accorde jamais vraiment.

Souleymane n’a pas un instant à lui. Pas un moment de répit où il n’est pas en train de prouver qu’il mérite d’exister ici. Parce qu’ici, on ne lui laisse pas le droit à l’erreur.

Mais « L’histoire de Souleymane » n’est pas seulement celle de son personnage. C’est aussi celle de son interprète.

Abou Sangaré : d’exilé à étoile montante

Car derrière le visage de Souleymane, il y a celui d’Abou Sangaré. À 23 ans, ce Guinéen n’est pas acteur de formation. Il est mécanicien.

Selon Le Parisien, son histoire commence à 15 ans, lorsqu’il quitte son pays pour gagner de l’argent en Algérie, afin de soigner sa mère atteinte de violentes crises d’épilepsie. Trois mois plus tard, réalisant qu’il ne pourra jamais envoyer assez d’argent, il part en Libye, avec l’Europe en ligne de mire. Il embarque sur un bateau surchargé, frôle la mort et accoste finalement en Italie avant de rejoindre la France.
Son parcours en France n’est pas moins chaotique : il s’installe à Amiens, entame un CAP peinture, puis un bac pro de mécanicien poids lourds. Mais malgré son contrat d’apprentissage, ses demandes de titre de séjour sont rejetées. Lorsqu’il monte les marches du Festival de Cannes avec « L’histoire de Souleymane », il est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Il faudra que le producteur du film fasse appel à une avocate pour qu’il obtienne, le 8 janvier 2025, un titre de séjour salarié d’un an.

Une réalité qui dépasse la fiction

Selon le Ministère de l’Intérieur, en 2024, 153 596 demandes d’asile ont été enregistrées à l’OFPRA, soit une hausse de 7,7 % par rapport à l’année précédente. Selon Forum Réfugiés, 87 473 demandes ont été refusées. Derrière ces chiffres, ce sont des milliers d’histoires invisibles, qui n’auront jamais l’écho de celle de Souleymane.

La salle du cinéma est restée figée.

La fin laisse un silence lourd. Pas un vide, mais un poids. Un poids qui interpelle, qui nous oblige à regarder autrement.

Parce qu’on commande tous un repas sur une plateforme, sans jamais vraiment voir celui qui nous le livre.

Et pourtant, ces hommes existent.

Souleymane.

Et tant d’autres.

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