Une contestation massive et réprimée
Depuis mercredi, des dizaines de milliers de manifestants descendent chaque soir dans les rues d’Istanbul, d’Ankara et d’Izmir. Les manifestants dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir en place. Les rassemblements ont été marqués par des affrontements avec la police, qui a recours aux gaz lacrymogènes. En conséquence de cela, le gouvernement a interdit les manifestations jusqu’à mercredi soir et restreint les accès à la métropole. Cette mobilisation rappelle le mouvement de protestation de Gezi en 2013. Les jeunes manifestants se revendiquent comme des « maraudeurs », terme jadis utilisé par Erdogan pour qualifier les contestataires.
Une mobilisation à l’échelle nationale et internationale
La contestation ne se limite pas qu’aux grandes métropoles. Elle s’est étendue à 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays. Cela est un signe du mécontentement profond au sein de la population. Sur le plan international, plusieurs dirigeants européens, ainsi que des maires de grandes villes comme Paris et Berlin, ont condamné l’arrestation d’Imamoglu.
The Europe of mayors, the Europe of cities stands with Ekrem Imamoglu, stands for democracy and freedom in #Türkiye.@EUROCITIES @imamoglu_int pic.twitter.com/Ml52743pqF
— Dario Nardella (@DarioNardella) March 20, 2025
En parallèle, le gouvernement turc a durci sa répression numérique en exigeant la fermeture de plus de 700 comptes sur le réseau social X. Ces comptes sont accusés de diffuser des critiques contre le régime. Parmi eux figurent des journalistes, des opposants et des étudiants.
Un enjeu politique et électoral crucial
Ekrem Imamoglu était en passe de devenir le candidat officiel du Parti républicain du peuple (CHP) pour la présidentielle de 2028. Sa popularité a été confirmée dimanche lors d’une primaire symbolique, où il a recueilli 15 millions de voix, dont 13,2 millions de non-membres du CHP.
Son arrestation est donc perçue par ses partisans comme une manœuvre politique destinée à l’écarter de la course électorale. Pour autant, cette décision pourrait renforcer sa stature d’opposant numéro un au régime d’Erdogan, en mobilisant encore davantage ses soutiens.
La stratégie d’Erdogan : entre répression et préservation du pouvoir
Ancien maire d’Istanbul lui-même, Erdogan a fait de la métropole turque un enjeu politique majeur. Son accession au pouvoir avait été marquée par des réformes pro-européennes et une modernisation du pays. Cependant, son virage autoritaire s’accentue depuis quelques années. En réprimant l’opposition et les manifestations, il cherche à préserver son autorité.
Cependant, cette politique répressive pourrait se retourner contre lui, alors que la Turquie fait face à une crise économique persistante et que la population exprime un mécontentement croissant. La multiplication des arrestations et des restrictions pourrait renforcer le rejet du régime par une partie de l’opinion publique. De nombreux acteurs internationaux observent que la Turquie s’enfonce de plus en plus dans un régime autocratique.
Une Turquie à un tournant
L’arrestation d’Imamoglu et la réaction populaire qui en découle révèlent la fragilité du pouvoir en place. Alors que la crise économique s’intensifie et que la pression internationale augmente, Erdogan fait face à l’un des plus grands défis de son règne. Reste à savoir si cette contestation marquera le début d’un véritable basculement politique en Turquie.