Comment ce pouvoir autoritaire s’est-il installé après les désirs de démocratie des Tunisiens ?
Les Tunisiens ont déjà connu un régime autoritaire. En effet, de 1987 à 2011 Zine el-Abidine Ben Ali a été au pouvoir. Il a mis en place une dictature qui a pris fin par des révoltes lors des printemps arabes en 2011.
Ce mouvement qui a traversé de nombreux pays arabes afin de mettre en place des régimes démocratiques, a touché la Tunisie et a déclenché d’importantes manifestations pour mettre fin à la dictature. Le régime dictatorial prend donc fin et une assemblée est formée de 2011 à 2014 pour écrire une nouvelle constitution.
A ce moment-là, Kaïs Saïed est un maître assistant de droit constitutionnel à l’université de Tunis. En 2011, comme beaucoup de personnes de son milieu, il va participer aux importantes manifestations pour mettre en place un régime démocratique. De plus, il apparaît souvent à la télévision nationale pour commenter les avancées de l’assemblée constituante et devient donc une personnalité politique importante.
En 2019, il est candidat aux élections présidentielles suite à la mort de l’ancien président. Le favori de cette élection est Nabil Karoui mais Saïed va apparaître comme son rival avec plus d’idées concrètes. C’est donc Saïed qui gagne les élections et il devient alors président.
A quel moment ce président va-t-il donner un tournant autoritaire ?
Depuis 2013 et les débats autour de l’écriture de la constitution, il a pris position contre le système des partis et la mise en place d’un régime parlementaire. Il ne croit pas du tout au gouvernement représentatif. Kaïs Saïed s’est présenté sans parti politique donc à l’assemblée il n’a pas de majorité. Il y a alors 4 partis politiques qui ont un poids à peu près égal dans cette assemblée. Cela mène à une situation où l’assemblée est complètement ingouvernable et Saïed va en profiter.
Il a aussi profité de l’arrivée du Covid. À ce moment-là, le régime parlementaire va être mis face à son incapacité à prendre des décisions rapides. Saïed va commencer à opérer seul pour un souci d’efficacité et de lutte contre la corruption. En effet, des scandales liés à la corruption dans tous les partis à ce moment-là.
Mais le 25 juillet 2021, il fait occuper le Parlement par l’armée et fait dissoudre le parlement. A partir de ce moment, c’est lui qui fait passer les lois sous forme de décret. Il démantèle également toute opposition, déclare l’État d’urgence qui lui confère les pleins pouvoirs, demande une nouvelle constitution. Puis, le décret 54 où il dénonce la propagation de rumeurs sera promulgué. Il réprime également les journalistes et la liberté de la presse, ce qui témoigne de la nature autoritaire de ce régime. Selon le journal militant Intifada, 89 journalistes ont fait l’objet de représailles pour leur engagement.
Pourquoi les tunisiens acceptent cette situation après s’être battus pour obtenir un régime démocratique ?
Selon Deborah Perez, les tunisiens ont une sorte de fatigue révolutionnaire. Ils veulent juste un retour à la normale. Aussi, la situation économique est de plus en plus catastrophique donc leurs préoccupations quotidiennes sont assez loin de la constitution, des libertés individuelles et des enjeux politiques. Cela leur parait assez déconnecté de leur vie du quotidien.
Les élections présidentielles 2024, un nouveau tournant autoritaire
Des élections ont été organisées ce dimanche 6 octobre 2024 afin d’élire le prochain président de Tunisie. Mais elles ont été qualifiées d’injuste par certaines personnes, il semble que ces élections ont été faites sur mesure pour le président sortant Kaïs Saïed.
Pour commencer, celui-ci a mis hors-course ses concurrents les plus populaires. Ceux-ci se sont retrouvés pour la plupart emprisonnés, harcelés ou forcés de quitter le pays. Ensuite, seulement 2 autres candidats ont été autorisés à se présenter. Le premier est nommé Ayachi Zammel, il est un industriel libéral purgeant sa peine de 12 ans de prison survenue juste avant les élections. Le second est Zouhair Maghzaoui, un ancien député de la gauche panarabe qui a soutenu Saïed lors de son coup d’État.
Finalement et sans surprise, Saïed a été réélu président avec 90,7% des voix. Cependant ce résultat peut être nuancé par un taux de participation de seulement 28,8%. Saïed a donc obtenu les suffrages de seulement de 2,4 millions d’électeurs sur 9,7 millions d’inscrits, a annoncé l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).
Ces élections ont donc confirmé le tournant autoritaire du régime tunisien.