Trump et Netanyahu : le plan de la discorde

Washington, D.C. – La Maison-Blanche | Mardi 4 février 2025 – Une conférence de presse conjointe s’est tenue dans la salle Est de la Maison-Blanche, réunissant le président Donald J. Trump, de retour au pouvoir depuis un mois, et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis de la Cour pénale internationale (CPI)

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Donald Trump et le Premier ministre israélien le 4 février 2025. ©Getty
Donald Trump et le Premier ministre israélien le 4 février 2025. ©Getty

Gaza : l’illusion américaine

Les négociations entre le Hamas et Israël pour finaliser la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu — signé le 15 janvier 2025 — ont récemment repris. Cette phase vise à assurer la libération de tous les otages israéliens et le retrait total des forces israéliennes de Gaza.

Cependant, l’intervention du président Trump a compliqué ce processus. Il a annoncé que les États-Unis allaient « prendre le contrôle » de la bande de Gaza, une idée qui, pour l’instant, ne séduit qu’Israël. « Nous allons en être propriétaires et être responsables du démantèlement de toutes les bombes non explosées et autres armes présentes sur place », a-t-il déclaré aux journalistes. Washington prévoit de « raser » les bâtiments détruits et de développer l’économie locale afin de créer un nombre illimité d’emplois et de logements pour les habitants de la région.

La population exacte que Trump envisage pour cette reconstruction de Gaza reste floue, mais une chose est certaine : elle n’inclut pas les presque deux millions de Palestiniens qui y vivent actuellement. Dans une déclaration controversée, le président américain a suggéré que la population palestinienne de Gaza devrait être relogée dans les pays voisins ayant, selon lui, « un cœur humanitaire » et « une grande richesse ».

Cependant, cette proposition se heurte à un obstacle majeur : ni la Jordanie, ni l’Égypte ni les riches monarchies du Golfe n’ont manifesté de volonté d’accueillir les Palestiniens déplacés. Historiquement, ces nations ont systématiquement résisté à des réinstallations à grande échelle, craignant des troubles politiques et une déstabilisation de la région.

Malgré ces réalités, la vision de la Maison-Blanche pour Gaza propose une transformation spectaculaire : d’un « symbole de mort et de destruction » à une « Riviera du Moyen-Orient », une destination de luxe où « les gens du monde entier » pourraient venir s’installer. « Nous allons transformer ce qui a été un désastre pendant des décennies en quelque chose d’incroyable », a affirmé Trump avant d’ajouter : « Imaginez de magnifiques hôtels, des plages, des entreprises florissantes… Cela pourrait être le nouveau Dubaï. »

Ce projet, qui semble ignorer les droits ainsi que les aspirations des habitants actuels de Gaza, suscite de vives inquiétudes quant à un déplacement forcé de la population et ses conséquences sur l’avenir de la région. Bien que Trump présente ce plan comme une opportunité pour les Palestiniens de « repartir à zéro ailleurs », ses détracteurs dénoncent un nettoyage ethnique déguisé en développement économique.

La dimension militaire : des troupes américaines à Gaza ?

Le président Trump n’a pas exclu l’envoi de troupes américaines pour sécuriser l’enclave palestinienne, laissant entendre qu’une présence militaire américaine à Gaza pourrait être envisagée. « En ce qui concerne Gaza, nous ferons ce qui est nécessaire. Si c’est nécessaire, nous le ferons », a-t-il déclaré aux journalistes, laissant la porte ouverte à une intervention directe des États-Unis.

Trump a également annoncé qu’il se prononcerait le mois prochain sur la souveraineté israélienne en Cisjordanie, signalant un possible changement de politique qui pourrait bouleverser encore davantage le paysage politique de la région. De plus, il a révélé son intention de visiter Gaza, Israël et l’Arabie saoudite dans les semaines à venir, une démarche visant probablement à renforcer l’influence américaine au Moyen-Orient.

Ses déclarations, notamment son soutien au déplacement forcé de la population de Gaza et à une possible reconnaissance de la souveraineté israélienne sur les territoires occupés en Cisjordanie, marquent une rupture nette avec la position traditionnelle de Washington. Malgré l’alliance historique entre les États-Unis et Israël, les administrations successives, républicaines comme démocrates, ont maintenu un cadre diplomatique basé sur la solution à deux États, conformément à la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette approche envisage un État palestinien avec des frontières essentiellement basées sur les lignes d’avant 1967, y compris Jérusalem-Est comme capitale.

Pourtant, le Président Trump a écarté ces engagements d’un revers de main et a déclaré :

« Ça n’a rien à voir avec un État à deux États, un État unique ou tout autre État. Ce que nous voulons, c’est donner une chance à la vie. Ils n’ont jamais eu de chance parce que la bande de Gaza a été un enfer pour ceux qui y vivent.»

Cette déclaration, qui élude les réalités politiques fondamentales du conflit israélo-palestinien, soulève des inquiétudes quant à un éventuel abandon du paradigme des deux États par les États-Unis sous l’administration Trump. Si cela se confirmait, ce serait l’un des changements les plus radicaux de la politique américaine au Moyen-Orient depuis des décennies.

Une réprobation internationale généralisée

Alors que le plan de Trump pour Gaza a été chaleureusement accueilli par les responsables politiques israéliens, il a provoqué une indignation quasi unanime sur la scène internationale.

Lors de la conférence de presse conjointe à Washington, Netanyahu a salué un plan « susceptible de changer l’histoire » et a remercié Trump pour son soutien indéfectible à Israël. Les figures de l’extrême droite israélienne ont applaudi le projet, le qualifiant de « seule solution au problème de Gaza », tandis que Benny Gantz, chef de l’opposition, a jugé la proposition « créative et intéressante », illustrant un rare consensus en Israël.

Pourtant, les réactions à l’étranger ont été bien différentes. Le Hamas a immédiatement rejeté le plan, le qualifiant de « ridicule». En Europe, le rejet a été rapide : David Lammy, secrétaire britannique aux Affaires étrangères, a affirmé depuis Kyiv que les Palestiniens devaient « vivre et prospérer dans leurs terres, à Gaza et en Cisjordanie ». La France a dénoncé toute tentative de déplacement forcé comme une “grave violation du droit international”, et l’Allemagne a rappelé que Gaza “appartient aux Palestiniens et constitue la base d’un futur État palestinien”

Dans le monde arabe, l’Arabie saoudite a clairement indiqué qu’aucune normalisation avec Israël ne serait possible sans un État palestinien indépendant. L’Égypte et la Turquie ont exprimé leur opposition catégorique au projet. La Russie et la Chine ont réaffirmé leur soutien à une solution à deux États, Pékin a déclaré que « la gouvernance de Gaza devait être assurée par les Palestiniens eux-mêmes ».

Face à cette levée de boucliers internationale, une question demeure : ce plan controversé a-t-il la moindre chance d’être appliqué ?

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