De la Maison-Blanche aux coulisses de l’Europe : l’émergence d’un stratège du populisme
Steve Bannon n’est pas un simple idéologue de l’ombre. Ancien banquier d’affaires chez Goldman Sachs, puis producteur de films et dirigeant du site ultraconservateur Breitbart News, il a été le grand architecte de la victoire de Donald Trump en 2016. En tant que stratège en chef de la Maison-Blanche, il a théorisé et appliqué une politique nationaliste et anti-élites qui a profondément marqué la première présidence Trump.
Cependant, son influence à Washington fut de courte durée : en août 2017, il est évincé du cercle rapproché du président après des tensions avec Jared Kushner et d’autres membres de l’administration. Plutôt que de disparaître, Bannon a alors réorienté son combat vers l’Europe, voyant dans le Vieux Continent un terrain propice à l’essor du populisme.
Dès 2018, il lance The Movement, un projet visant à fédérer les forces populistes européennes autour d’un programme commun. Il s’emploie à rencontrer les leaders d’extrême droite, de Matteo Salvini en Italie à Viktor Orbán en Hongrie, en passant par Marine Le Pen en France. Son message est clair : l’Europe est à un tournant, et la droite populiste doit se structurer pour prendre le pouvoir.
Son implication a été particulièrement marquée en France, où il voit un pays clé dans sa stratégie de conquête culturelle et politique. Dès 2018, il intervient lors d’un congrès du Rassemblement National (RN) à Lille, déclarant aux militants :
« Vous êtes l’avant-garde de ce mouvement historique. L’histoire est de notre côté et elle est de votre côté. »
Ces mots, qui sonnent aujourd’hui comme une prophétie, trouvent un écho particulier en 2025, alors que la droite radicale française n’a jamais été aussi influente.
L’offensive de Bannon sur la politique française : une stratégie de long terme
Si Steve Bannon s’est d’abord contenté d’un rôle de conseiller occasionnel, il a progressivement renforcé son emprise sur la droite française. Son influence ne repose pas seulement sur ses apparitions publiques, mais surtout sur sa capacité à structurer un réseau puissant qui regroupe plusieurs mouvances du nationalisme français.
Depuis son exil stratégique en Europe, Bannon a compris que la France était un pays clé dans l’équation populiste mondiale. Avec sa tradition républicaine et la force de ses mouvements souverainistes, elle représente une opportunité majeure pour l’essor du projet bannonien.
- 1. Une connexion avec le Rassemblement National (RN)
Le RN, sous la présidence de Marine Le Pen puis de Jordan Bardella, reste le parti d’extrême droite le plus puissant de France. Bannon a depuis longtemps tissé des liens avec certains cadres du mouvement, notamment ceux qui prônent une ligne plus radicale sur l’immigration et l’identité nationale.
Toutefois, Marine Le Pen, soucieuse de crédibiliser son parti auprès des institutions françaises et européennes, a toujours gardé une certaine distance avec Bannon en public. Elle sait que son image de « stratège américain » peut autant séduire qu’effrayer une partie de l’électorat français.
- 2. L’alliance avec Éric Zemmour et Reconquête !
Si Bannon a longtemps courtisé Marine Le Pen, il a trouvé en Éric Zemmour un allié plus naturel. Le journaliste et essayiste d’extrême droite, devenu homme politique, porte une vision du populisme proche de celle de Bannon : un mélange de nationalisme identitaire, de conservatisme culturel et de rejet de l’islam politique.
En 2025, après l’échec de Zemmour à s’imposer en 2022 et 2024, Bannon cherche à réconcilier les droites radicales sous une même bannière. Il encourage une fusion entre le RN et Reconquête !, espérant ainsi créer une force politique capable de rivaliser avec la droite traditionnelle et de menacer le macronisme en crise.
- 3. Le rôle des réseaux conservateurs et catholiques traditionalistes
Bannon a également infiltré des cercles catholiques conservateurs, où il est perçu comme un défenseur des valeurs chrétiennes face à la montée du progressisme et de l’islamisme. Son influence s’étend aux sphères de l’Opus Dei, aux réseaux liés à Marion Maréchal et aux mouvements anti-LGBTQ+ et anti-avortement.
Ces réseaux jouent un rôle clé dans la diffusion de ses idées et permettent d’élargir la base électorale du populisme en France.
2025 : Une année clé pour Bannon en France
L’année 2025 marque une intensification des activités de Bannon sur le territoire français. Plusieurs événements attestent de cette montée en puissance :
- Un grand rassemblement nationaliste à Paris en janvier 2025, où Bannon a prononcé un discours enflammé contre « les élites bruxelloises et mondialistes » et appelé à une révolte populiste.
- La multiplication des think tanks et médias influencés par sa pensée, qui façonnent le débat public et diffusent une vision ultra-conservatrice.
- Un rôle stratégique dans les élections européennes de 2029, où il espère voir émerger un bloc d’extrême droite suffisamment puissant pour perturber le Parlement européen.
Bannon cherche à transformer la colère sociale en un vote contestataire structuré, sur le modèle de ce qu’il a réussi avec Trump en 2016.
L’ombre américaine sur l’Europe : le soutien de Trump à la droite radicale
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025 renforce la position de Bannon en Europe. Contrairement à son premier mandat, où la politique étrangère américaine oscillait entre isolationnisme et pragmatisme, le second mandat Trump semble ouvertement soutenir les forces nationalistes européennes.
L’administration américaine n’hésite plus à courtiser des figures de l’extrême droite française, et certains analystes voient dans cette dynamique un véritable axe Washington-Paris-Rome-Budapest. Trump et Bannon partagent une vision : affaiblir l’Union européenne pour renforcer le poids des États-nations.
Cependant, cette proximité avec Trump peut aussi être un frein pour certains électeurs français, encore méfiants vis-à-vis d’une ingérence américaine dans leur politique nationale.
Un pari risqué mais ambitieux
Steve Bannon est aujourd’hui l’un des architectes les plus influents du populisme en France. Son action dépasse le simple soutien idéologique : il œuvre activement à une recomposition du paysage politique français, visant à unir l’extrême droite sous un même étendard.
Mais son influence reste un pari risqué. Les divisions entre Marine Le Pen, Éric Zemmour et d’autres figures de la droite radicale rendent difficile la création d’un front uni. De plus, l’électorat français, bien que réceptif à certaines idées de Bannon, n’est pas totalement aligné sur la vision trumpiste du monde.
Reste à voir si, en 2025 et au-delà, la stratégie de Bannon portera ses fruits ou si elle se heurtera aux réalités d’un paysage politique français encore attaché à ses propres dynamiques.
