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Soumission chimique : un fléau qui sort de l’ombre

Le procès Pélicot, ou procès des viols de Mazan, s’ouvrait en septembre dernier pour juger ce dossier hors norme où un homme est accusé d’avoir drogué, violé et fait violer sa femme tout en filmant les sévices pendant une dizaine d'années. Avec cette affaire, c’est la question de la soumission chimique qui éclate au grand jour. Un sujet qui jusqu’alors n’avait été que très peu débattu dans la sphère publique bien qu’il s’agisse d’un enjeu de santé publique majeur.

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La médiatisation du procès Pélicot libère la parole autour de la soumission chimique dans la sphère privée @pixabay
La médiatisation du procès Pélicot libère la parole autour de la soumission chimique dans la sphère privée @pixabay

On avait déjà entendu parler des agressions sexuelles commises dans les milieux festifs à l’aide de substances chimiques, glissées dans un verre ou injectées sous forme de piqûres. Ces modes opératoires étaient craints car redoutablement efficaces et difficilement traçables. Mais ce problème de taille ne constituait en réalité que la partie visible de l’iceberg. Le fait de droguer une personne à son insu se retrouve aussi dans la sphère privée. Tout comme les agressions, c’est à cet endroit qu’il se déroule en majorité. Pourtant, avant que le procès Pélicot ne le propulse sous les feux des projecteurs, le sujet de la soumission chimique par des proches restait tapi dans l’ombre.  

La fin d’un silence médiatique 

Cette exposition médiatique soudaine pourrait laisser penser à un phénomène récent. Mais il n’en n’est rien. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’en est saisi depuis longtemps. “La soumission chimique n’a rien de nouveau. Le premier cas répertorié remonte à 1992. C’est cette médiatisation qui est inédite”, avance Arnaud Gallais du collectif “M’endors pas”. Victime d’un double inceste dans son enfance, il est depuis devenu une figure dans la lutte contre les abus sexuels et les violences faites aux enfants. C’est avec Caroline Darian, la fille de Gisèle Pélicot, qu’il cofonde ce collectif en 2022. Cet anthropologue de formation est aussi le fondateur de Mouv’Enfants, une association qui lutte contre les violences faites aux enfants.

Cette médiatisation récente est une opportunité pour faire évoluer tant le regard du grand public que la façon dont cette thématique est prise en charge. 

Un besoin de formation 

Dans ce dossier inédit, le choc des révélations a rapidement laissé la place à de nombreuses questions. Comment cela a pu se dérouler autant d’années sans que personne ne finisse par s’en apercevoir ? 

Problèmes gynécologiques, absences ou confusions mentales ont, entre autres, composés le tableau clinique de Gisèle Pélicot sur la période où elle subissait des viols à répétition. Des problèmes de santé bien présents mais qui n’ont pas suffi à faire le rapprochement. Les proches de la septuagénaire craignaient une forme de démence. “Il y a un défaut de formation”, déplore Arnaud Gallais. “Bien souvent on reste face à un ensemble de symptômes sans en chercher la causalité. Pourtant, quand certains signes s’accumulent, il faut creuser. L’errance pour repérer les victimes à un prix. Ça s’appelle le coût du déni”, ajoute-t-il. 

Depuis, des formations ont été mises en place, notamment par la Maison des femmes de Saint-Denis, pour mieux comprendre et traiter ce phénomène. Caroline Darian et Leïla Chaouachi, pharmacienne au centre d’addictovigilance de Paris, ont également lancé la campagne #Mendorspas pour lutter contre. Pour repérer la soumission chimique, il faut commencer par prendre conscience de son existence et de son ampleur.

D’ici peu, des kits de détection pour identifier la présence de substances chimiques dans l’organisme vont également être proposés dans certains départements à titre expérimental. Ils contiendront « des flacons pour recueillir l’urine », et « des adresses utiles comportant toute la marche à suivre ». Un véritable « parcours fléché pour accéder aux preuves », indiquait la députée MoDem Sandrine Josso. De quoi éclairer plus rapidement les victimes présumées dans les situations de doute. Ces kits seront remboursés par l’Assurance maladie s’ils sont prescrits.

“On parle plus de kits d’informations car la difficulté de la soumission chimique c’est de la repérer.  Il existe de nombreuses substances donc il faut multiplier les recherches de produits pour déterminer si oui ou non, il y a eu soumission chimique”, complète Arnaud Gallais.  A ce jour, tous les laboratoires n’ont pas la capacité de mener ces analyses. Une difficulté supplémentaire dans le parcours de détection.

Un travail à mener sur la prise en charge 

La mise en lumière de cette problématique questionne également l’accompagnement des personnes touchées. Les femmes et les enfants sont les principales victimes. Une fois la situation identifiée, c’est un parcours complexe qui débute. Un soutien est nécessaire tant d’un point de vue psychologique que juridique. Les membres du collectif “M’endors pas” souhaitent y contribuer en recueillant et en orientant la parole des concernés.   

« On veut se servir de l’onde de choc du procès pour dire que c’est très présent, et qu’il faut accompagner les citoyennes et citoyens qui en sont victimes”, détaille son cofondateur.  

Les bénévoles reçoivent les appels et voient en fonction des besoins exprimés quelles suites il est possible de donner. Il n’existe pas d’accompagnement type car les demandes sont variées. Il peut s’agir de personnes qui en sont au début du parcours de reconnaissance comme de personnes qui ont déjà été victimes et qui sont confrontées au système judiciaire ou à jugement classé sans suite. 

Ceux qui pensent avoir subi une soumission chimique peuvent se tourner vers le Centre de Référence sur les Agressions Facilitées par des Substances Chimiques (CRAFS).

Ces organisations ont un rôle salvateur car entre les difficultés à se faire entendre et celles du système juridique, le parcours des victimes est encore semé d’embuches.

Plus largement, c’est un meilleur traitement des cas de violences sexistes et sexuelles qui est nécessaire. C’est aussi l’un des messages qui veut être passé au travers de ce procès. « C’est un procès pour l’avenir, un procès pour l’espoir : maintenant il faut que ça change », déclare Anne Bouillon, avocate pénaliste en droit des femmes spécialiste des violences conjugales.

Il est encore trop tôt pour en dresser un bilan définitif, mais ce jugement est déjà historique à bien des égards. Au cours de ces quatre derniers mois, des milliers de paires d’yeux étaient rivés sur la cour criminelle d’Avignon, bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Par son refus du huis clos, et sa volonté de dénoncer haut et fort les atrocités dont elle a été victime, Gisèle Pélicot s’est imposée comme une figure d’influence tant en France qu’à l’étranger. De quoi présager un « avant » et un « après » procès Pélicot. Le verdict sera rendu le 20 décembre prochain.  

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