Sommet de défense : le rôle clé de la Pologne pour l’Ukraine

les ministres de la défense français (Sébastien Lecornu), polonais (Wladyslaw Konisiak Kamysz), italien (Guido Crosetto), allemand (Boris Pistorius) et britannique (John Healey) qui forment le groupe E5 se sont réunis ce jeudi 13 janvier afin de discuter d’une nouvelle coopération militaire.

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Photo de Szymon Shields: Pexels.com
Photo de Szymon Shields: Pexels.com

Alors que la crainte du désengagement militaire des États-Unis envers l’Ukraine est de plus en plus présente, les pays européens tentent de mettre en place des coopérations militaires afin de compenser l’amenuisement de l’engagement américain. Ainsi, les ministres de la défense français (Sébastien Lecornu), polonais (Wladyslaw Konisiak Kamysz), italien (Guido Crosetto), allemand (Boris Pistorius) et britannique (John Healey) qui forment le groupe E5 se sont réunis ce jeudi 13 janvier afin de discuter d’une nouvelle coopération militaire.

Les atouts polonais

Alors que la Pologne vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union Européenne (le 1er janvier), mettre en avant les dossiers de sécurité et défense est un enjeu majeur pour ce pays qui se trouve aux portes du conflit russo-ukrainien.

En effet, les accords avec Varsovie deviennent de plus en plus importants dans une Europe qui craint une baisse d’aides américaines à Kyiv. La Pologne représente un atout majeur au sein de l’OTAN dans le conflit russo-ukrainien. En effet, si elle est à la frontière occidentale avec un grand nombre de pays de l’OTAN, elle se trouve également à la frontière orientale avec l’Ukraine, permettant un accès direct aux lignes de front ukrainiennes dans le cadre d’un envoi de troupes ou d’acheminement d’équipements et d’armes. 


Des accords en bonne voie de construction

Avant ce 13 janvier, les ministres de la défense italien, allemand, britannique, polonais et français s’étaient déjà réunis lors d’un sommet à Berlin le 25 novembre 2024 pour discuter de la défense et du soutien à l’Ukraine dans un contexte de durabilité de la guerre qui pourrait mettre en péril l’Ukraine face à une possible baisse d’aides militaires de la part des États-Unis avec l’arrivée de Donald Trump. 

Par ailleurs, Emmanuel Macron s’est déplacé en Pologne le 12 décembre 2024 afin de s’entretenir avec le Premier ministre Donald Tusk afin de donner une nouvelle impulsion à la relation bilatérale entre la France et la Pologne, mais également afin d’assurer un soutien européen à l’Ukraine, alors que les perspectives de négociation de paix entre Kiev et Moscou semblent être plus proches que jamais. 

Néanmoins, les coopérations entre la France et la Pologne sont d’ores et déjà actives puisque l’entreprise française Naval Group construit actuellement des sous-marins d’attaque conventionnelle pour la Pologne, et la France a également convaincu la Pologne de rejoindre l’initiative Elsa qui vise au développement commun avec Londres, Rome et Berlin dans l’élaboration d’un missile sol-sol à longue portée. C’est ainsi que la France et la Pologne se sont engagées dans la renégociation d’un accord de coopération qui prendra la forme d’un traité signé lors d’une prochaine rencontre à Nancy. De cette manière, la France place sa coopération avec la Pologne au même niveau que celles qu’elle maintient avec l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. 

Une politique de défense à mettre en place urgemment

Avant de se rendre au sommet des ministres de la défense ce 13 janvier à Varsovie, Sébastien Lecornu a déclaré “Dans un monde en mouvement rapide et face aux menaces qui se multiplient, la France doit tenir son rang. Notre réarmement dépasse la question purement militaire, c’est un enjeu global de choix à faire pour notre souveraineté.”. Ainsi, à la veille du sommet, le ministre de la défense français a tenté de poser ses exigences afin de mettre la pression à ses homologues polonais, italien, allemand et britannique dans un but de conclusion d’accords. 

De son côté, Wladyslaw Konisiak Kamysz, le ministre de la défense polonais a expliqué que “aucune question n’est plus importante que les dépenses de sécurité”, montrant son désir de poursuivre sa politique de défense, alors qu’il souhaite accorder 4,7% de son PIB à la défense en 2025.

Une asymétrie des politiques désirées

Tout d’abord, la Pologne, contrairement à ses alliés français, allemand, britannique et italien, avance un avis opposé à l’envoi de troupes sur le territoire ukrainien. Bien que la Pologne souhaite que l’Ukraine ne cède rien face à la Russie et qu’elle conserve l’entièreté de son territoire, elle ne souhaite pas y envoyer de troupes. En effet, la Pologne se trouve à la frontière de l’Ukraine et pourrait se trouver en danger dans le cas d’un envoi de troupes.

Par ailleurs, s’il devait y avoir un déploiement de troupes sur le territoire ukrainien, la Pologne souhaite que ces derniers soient effectués dans le Donbass, loin de ses frontières, et non pas dans l’ouest, ce qui pourrait mettre en danger la Pologne, mais également raviver les mémoires quant aux massacre des polonais en Volhyrie durant la Seconde Guerre Mondiale. 

Toutefois, si l’armée polonaise a peu d’expérience hors de son territoire, les règles onusiennes stipulent qu’une force d’interposition ne contient généralement pas de soldats d’un pays frontalier au conflit, ce qui pourrait conclure le non engagement en capacités humaines sur le territoire ukrainien de Varsovie. 

D’un autre côté, la Pologne détient des conditions précises et strictes quant à la création d’accords et de contrats. Varsovie exige un offset industriel, c’est-à-dire que pour tout contrat d’armement, une partie de la fabrication doit être localisée en Pologne, alors que sa principale entreprise publique d’armement PGZ s’est retrouvée en grande difficulté durant ces dernières années. Néanmoins, cela pose problème à la France notamment qui souhaite également préserver ses intérêts nationaux en faisant participer sa base industrielle de défense. Dans un second temps, la Pologne demande des contreparties à ces accords, à savoir le stationnement de troupes sur leur sol, leur permettant une garantie en cas d’attaque russe, c’est pourquoi 10 000 soldats de l’US Army sont actuellement stationnés en Pologne. 

La politique polonaise de réarmement massif

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Varsovie tente de consolider le rôle de sa base arrière en acheminant des livraisons militaires et en entraînant les forces ukrainiennes. 

Par ailleurs, la Pologne est le pays hôte de la Mission d’assistance militaire de l’UE en soutien à l’Ukraine et de ce fait investit dans des infrastructures ferroviaires et routières, et a mis en place un soutien logistique pour l’Ukraine. 

Depuis 2022, Varsovie travaille beaucoup avec Séoul dans l’acquisition d’armes telles que des chars Black Panther (un millier), des obusiers (700) et des lance-roquette (290). 

Ainsi, le sommet organisé le 13 janvier a pour objectif de renforcer les liens de coopération industrielle de défense par la mise en œuvre d’une production de munitions par la France qui possède l’un des rares sites européens de fabrication de poudre, alors que la Pologne, grâce à son développement militaire croissant, pourrait bientôt disposer de l’armée de terre la plus puissante d’Europe. 

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