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Scandales sanitaires en Turquie: le “gang des nouveaux nés”

Après la mort de dix nourrissons en Turquie, le procès du scandale du “gang des nouveaux nés” a débuté le 18 novembre à Istanbul. Ce “gang” est suspecté d’avoir placé, parfois sans motif valable, des nourrissons au sein d’unités de soins intensifs défaillants tenus pas des cliniques privées. 

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Le parlement turque à Ankara, le 1er octobre dernier. (Photo by Selahattin Sönmez/ dia images via Getty Images)
Le parlement turque à Ankara, le 1er octobre dernier. (Photo by Selahattin Sönmez/ dia images via Getty Images)

Les faits reprochés aux “gangs” des cliniques privées

De nombreux appels de familles turques qui s’inquiétaient quant à la santé de leurs enfants ont été détournés, mettant en danger la santé des nourrissons. 

En effet, ces derniers ont été envoyés vers une vingtaine de cliniques privées qui ont pris en charge des bébés, soit pour fausses raisons médicales alors qu’ils étaient en très bonne santé, ou alors ont pris en charge des bébés nécessitant des soins, mais dont le traitement administré n’était pas adapté. Tout cela a été effectué au sein d’infrastructures non adaptées, accompagnées d’un personnel n’ayant pas été assez formé, dans le but de gagner un maximum d’argent à l’insu des parents des nourrissons, mais surtout à l’insu de la Sécurité Sociale. 

Pour maîtriser cette affaire, le Parlement turc a mis en place une Commission chargée d’enquêter sur le scandale dans la mesure où l’acte d’accusation s’élève à 1400 pages avec plus de 350 plaintes déposées. Ainsi, vingt cliniques privées sont poursuivies pour “homicide involontaire par négligence”, mais également pour “fraude au détriment des institutions publiques”, et enfin pour “création d’une organisation dans le but de commettre un crime”. Par conséquent, les suspects risquent ainsi plusieurs centaines d’années de prison. 

Les suspects

Le procès met en cause 47 personnes dont 22 qui ont comparu détenues. Ce procès a pour but d’inculper des hommes d’affaires, des infirmiers et infirmières, des opérateurs de centres d’appel d’urgences médicales (le 112), ainsi que des ambulanciers.

Lors de ce procès largement couvert par les médias, un des infirmiers accusés, Hakan Dogukan Tasçi a expliqué que les infirmiers “se faisaient passer pour des médecins” auprès des familles durant la nuit, puisqu’aucun médecin n’était présent au sein des unités à cette période de la journée. De plus, il a expliqué que les cliniques déclaraient plus de jours de prise en charge que ce qu’ils faisaient vraiment, et revendaient aux familles des médicaments remboursés par la Sécurité Sociale. 

Néanmoins, ce sont aussi des patrons de cliniques privées qui sont poursuivis dans l’affaire du “gang des nouveaux nés”, dont deux d’entre eux qui ont été ministres de la santé sous le président Recep Tayyip Erdoğan. Le premier est Fahrettin Koca, le précédent ministre de la santé qui détient la chaîne hospitalière privée Medipol. Le second est Mehmet Müezzinoglu, ministre de la santé entre 2013 et 2016 qui a été interrogé lors de la Commission Parlementaire de la planification lors de la discussion du budget 2025. 

Les objectifs du “gang”

En prenant en charge des nourrissons qui ne nécessitaient aucun soin, l’objectif de ces cliniques privées était de remplir leurs unités néonatales qui leur rapportent 8 000 livres turques (220 euros) par jour et par bébé, en plus des sommes à la charge des parents. Ainsi, les rapports médicaux de ces bébés ont été falsifiés dans le but d’exagérer l’état de santé de ces derniers. Enfin, les profits des cliniques étaient partagées entre toutes celles concernées. 

Néanmoins, la lenteur des autorités à révoquer les licences des cliniques impliquées a été largement critiquée par l’opinion publique. De plus, certaines cliniques mentionnées dans les écoutes judiciaires n’ont pas été mentionnées dans les documents du procès, et certains patrons de clinique n’ont pas été inquiétés. 

Les antécédents de l’affaire

À l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdoğan et de son parti AKP en 2002 s’est démocratisée la privatisation du système de santé. En effet, depuis cette date, le nombre de cliniques privées a été multiplié par deux, alors que le nombre d’hôpitaux publics n’a augmenté que de 20%. Ainsi, à Istanbul, les cliniques privées représentent 70% des établissements du secteur de la santé. D’autre part, les versements de la Sécurité Sociale vers les cliniques privées n’ont fait que d’augmenter, notamment entre 2022 et 2023, passant de 20 à 34 milliards de livres turques. 

Cette démocratisation du secteur privé grâce au gouvernement a notamment permis à certains proches du pouvoir de faire fortune, comme les deux anciens ministres de la santé Fahrettin Koca et Mehmet Müezzinoğlu. 

Par ailleurs, en 2016, Mehmet Müezzinoğlu aurait clos une enquête sur des malversations dans les soins aux nouveaux nés, alors qu’il était à ce moment-là le directeur de la santé d’Istanbul. Ce dernier réfute ces accusations et affirme que l’enquête a été close suite à l’absence de preuve. 

Enfin, ce dernier a affirmé que le ministère aurait effectué 54 885 inspections de cliniques privées en 2024 et que des sanctions, des suspensions de licences et des poursuites judiciaires auraient été menées lorsque ces dernières ne respectaient pas les règles. Néanmoins, son discours reste controversé puisque ce ne serait pas la première fois que Mehmet Müezzinoğlu est impliqué au sein de scandales liés au domaine de la santé. 

Bien que Erdoğan ait promis le traitement “le plus sévère” possible aux “auteurs de cette barbarie”, ce scandale soulève des questions liées à la corruption et à la privatisation à grande échelle de la santé publique en Turquie, et pourrait bien remettre en question la parole des détenteurs du pouvoir quant à ces domaines de compétences au sein du secteur privé en Turquie. 

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