Retour sur le parcours ambitieux du « plus grand designer de baskets au monde » (selon Donatella Versace)
Enfant de la « sneakers culture », il rêve déjà à dix ans « d’offrir ses services à Nike ». Salehe Bembury étudie alors le design industriel au sein de la prestigieuse université de Syracuse. Il intégrera par la suite la société Payless, un discounter de mode, dans l’optique de créer des modèles de chaussures, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Après cette première expérience, il travaillera durant trois années consécutives, la société Cole Haan où il rencontrera Jeff Henderson, designer « old school » de Nike, qui deviendra un de ses mentors. Sous la direction de la marque, il y développera la technologie « Lunarlon », une semelle intermédiaire composée d’une mousse ultra légère. Avant de plonger dans le grand bain de la haute couture en intégrant des Maisons, il travaille pour le fameux label américain : Great.
Grâce à Jeff Henderson, il rencontrera Kanye West (Ye), qui lui promettra de « changer le monde ensemble » : la carrière de Bembury prend inévitablement un nouveau tournant. Il travaillera sur les œuvres de Ye en 2015, notamment sur la Yeezy Boost 350 V2 ainsi que sur la 750 des collections « Seasons 3 et 4 ». En 2016, il quitte le label après une année à ses côtés, un nouvel objectif en tête.
En 2017, en envoyant un message sur Linkedin au directeur du design de Versace, il devient quelques jours plus tard le directeur artistique du footwear, chargé de concevoir leur première sneaker. La Trigreca, la Apple et tout particulièrement la Chain Réaction sont les modèles conçus par Bembury, devenus incontournables dans le street luxe et de la chunky sneakers. Bembury ira même jusqu’à déclarer: « la Chain Réaction a changé ma vie ».
Il devient lauréat du prestigieux titre « Footwear designer de l’année 2020”, et quitte la maison italienne Versace pour créer sa marque SPUNGE, « éponge », référence à ses expériences et aux personnalités dont il s’est imprégné et inspiré. Il collabore avec de prestigieuses enseignes telles que Anta Sports, Canada Goose, et plus récemment Crocs. Son travail séduira New Balance, qui l’enrôle pour revisiter les modèles 574 et 2002R, relançant ainsi le prestige de la marque bostonienne et attisant la convoitise de Nike. Dernièrement, il intègre le label UNINTERRUPTED fondé par le joueur des Lakers Maverick Carter, et ce n’est pas sans raison…
Salehe Bembury, un moderniste authentique
…En effet, Salehe Bembury, malgré la créativité qui l’habite et le désir de marquer son temps, il reste fidèle à ses origines ancrées dans le quartier new yorkais de Tribeca. C’est de là qu’il s’inspirera de son autre passion, le basketball, essence de la mode de l’époque. L’oversize, les chaînes massives et les cheveux tressés ou décolorés inspirent le jeune designer. Jason Williams ou encore Michael Jordan seront ses icônes.
Salehe se démarquera en étant un « sneakershead » anti-hype, de par l’intérêt qu’il porte aux paires de baskets plus techniques : la matière et les détails, des points importants à ne pas négliger selon l’artiste. La Merell Jungle Moc était, selon lui, une paire unique par sa « semelle extérieure vraiment organique et articulée », tout comme la AND1 Too Chillin, ancêtre de la Yeezy qu’il qualifiait de « révolutionnaire ». Contribuant à la conception de la Combat boot, on retrouvera sa technicité et sa fonctionnalité en s’inspirant des matériaux, formes et teintes des vestiaires militaires.
Sa signature est la corrélation entre modernisme et purisme. Pour Versace, il s’inspire à la fois des archives de la Maison italienne, et agrémente la Chain Réaction d’une touche moderne pour se tourner vers l’avenir. L’originalité, affirmant sa contemporanéité, se manifeste à travers ses créations: le modèle 574 de New Balance sera greffé d’un sifflet. Il la promouvra à l’aide d’une vidéo saugrenue où il souffle sur la paire au sommet d’une montagne.
Sa revisite de la Crocs sera, de même, anticonformiste. Celle-ci, de par son design, ressemble à la Yeezy Foam RNNR, et ce n’est sûrement pas une coïncidence. Il métamorphose le modèle original en implantant une empreinte digitale sur l’ensemble de la paire. Selon lui, « l’humour est un excellent moyen d’attirer l’attention des gens, de les amener à comprendre son univers, et même à se moquer de vous ».
Son intérêt pour la Nature montre son authenticité sur un thème à la fois très actuel. Féru des parcs nationaux et des balades quotidiennes à vélo, il devient un designer engagé. La revisite de la 2002R aux couleurs chaudes est un hommage à l’antilope Canyon et le coloris « Water », de par son intitulé fait référence à la nature.
Pur, ingénieux et talentueux, Bembury est aujourd’hui une figure du streetwear comparable à certaines légendes telles que Virgil Abloh. Suivi par 450 000 followers sur Instagram, il ne manque pas de soigner son feed qu’il considère comme sa “vitrine”. Il influence aussi bien les sneakershead qu’une audience plus large, et attire nombre de célébrités, telles que Teyana Taylor, Aminé ou encore Maluma.