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Saint Omer, d’Alice Diop

Sorti fin novembre, Saint Omer est le premier long métrage de la réalisatrice française Alice Diop. Il a été récompensé à la Mostra de Venise.

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Rama est une écrivaine qui a un rapport conflictuel avec sa mère et le futur enfant qu’elle porte. Elle assiste au procès de Laurence Colly qui a tué sa fille en la laissant sur la plage à marée montante, dans le but d’écrire un livre. C’est un film qui a un rythme très lent et contemplatif et qui nous place dans la peau du public qui assiste au procès, nous mettant sur un pied d’égalité avec Rama. Nous sommes spectateurs avec elle.

On pense qu’Alice Diop rend hommage au cinéma avec ce film : Rama est touchée par la tranche de vie d’une femme qui lui est exposée durant un laps de temps déterminé (le procès) et qu’elle ne connaît absolument pas. C’est d’ailleurs grâce à cette histoire qui l’a bouleversée qu’elle va réussir à se soigner, à pardonner, à comprendre peut-être aussi. Et c’est tout ce à quoi le cinéma aspire. D’ailleurs lorsque l’on atteint la fin du procès, A.D nous montre la salle d’audience vide, puis la rue et la ville : comme pour marquer cette temporalité si spéciale qui pourtant aura marqué la vie de Rama, et notre journée.

Le travail sonore isole les sons des objets, des vêtements, de la respiration ou même de la peau des personnages principaux très distinctement ce qui fait que leur présence traverse l’écran et inscrit ce drame dans un cadre très intimiste alors même que le sujet est d’ordre social.

On parle ici de la difficulté d’allier la maternité à sa vie à soi. Dans cette histoire, la mère est atteinte d’une folie douce, mais à la barre elle n’en montre rien. Elle est présente et s’exprime bien, n’a pas de moments d’absence et défend sa version des faits avec dignité et charisme. Elle tombe enceinte alors que son existence est fade, qu’elle n’arrive pas à chasser les nuages noirs installés dans sa tête, qu’elle se sent inconsidérée, délaissée, qu’elle en veut au père de son enfant. Elle est abandonnée par son père, sa mère, et n’a plus que son compagnon qui ne semble, dans son récit, pas la considérer. Un infanticide est le pire des crimes, et ce procès ne résout pas ce « Pourquoi ? » laissé en suspens. Mais il répond plus ou moins, au « Comment ? » Laurence Colly en est arrivée là.

A l’image de Médée, c’est comme, si en tuant son enfant elle reprenait un peu la main sur cette vie qui a été ruinée, volée. Et en parallèle, sauver son enfant chéri, la partie la plus belle et pure d’elle-même, d’un malheur qu’elle connait au présent et dont elle savait qu’il  était menacé. Dans la plaidoirie de l’avocate de la criminelle, on apprend qu’il existe des cellules chimères lorsqu’une mère tombe enceinte d’un enfant : leurs cellules s’inter-changent et s’inscrivent dans l’ADN l’une de l’autre. Il y’a cette notion de possession qui est exprimée par la mère : « Elle est à moi, elle n’est qu’à moi. » Elle n’explique pas pourquoi elle a tué son enfant, mais témoigne de sa souffrance quotidienne : c’est comme si elle s’était punie elle-même par ce meurtre. Peut-être même que ce geste irréparable a permis de la sortir de cette inconsidération qui semblait la détruire à petits feux.

« Nous sommes toutes des monstres, mais des monstres terriblement humains. »

Ce qu’on retient c’est qu’une mère et sa fille restent inextricablement liées : lorsqu’une mère souffre c’est comme si sa peine s’ancrait dans l’ADN de sa fille. C’est d’ailleurs peut-être de ça qu’il s’agit à travers ce meurtre. En tout cas, ce film d’une douceur amère nous berce de réflexions sur le passé, le devenir, et met en lumière un sujet évité. 

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