Les Amandiers est une école de théâtre qui permet chaque année à 12 étudiants d’être formés aux métiers d’acteur. Ceux- ci sont pré-sélectionnés lors d’un stage d’une semaine avant d’être départagés. On suit la vie de 12 jeunes qui font du théâtre dans les années 1970-80. La liberté des acteurs et la désinvolture propre à cette époque font de leurs vies un bordel joyeux et intense. La sexualité est libérée, la parole est franche, ils se permettent tout mais l’intensité du bonheur fait que le malheur n’en est que plus tragique. Sans faire attention, ils consomment ce qui leur fait du bien sur le moment : le sexe, la drogue, l’amour ; sans aucune prévention ou protection, ce que nous pouvons, de nos yeux de jeunes vivants en 2022, trouver illogique au premier abord.
Oscar, le maître d’hôtel de Stella, une des 12 jeunes actrices dit à celle-ci lorsqu’elle s’inscrit pour le concours de l’école : « Lorsque vous faites le choix d’être acteur, vous faites le choix d’être fou et potentiellement de mourir seul et tristes en ayant brûler vos vies. » C’est ça ou une vie paisible et tranquille, sans trop de rebondissements.
Mais si c’était ça la vraie vie ? Vivre sous les injonctions du cœur plutôt que ceux de la raison. Pas de préventions sur ce qu’est une relation toxique : si Stella a envie de se pendre aux lèvres d’un gars instable qu’elle le fasse, elle verra bien. Il n’y’a pas de filles faciles quand tout le monde couche avec tout le monde sans arrières pensées. Mais le revers de la médaille se fait toujours ressentir au mieux par un chagrin d’amour au pire par des problèmes de santé (ici, avec l’émergence du SIDA). Ce qu’on veut dire par là, ce n’est pas qu’il faut de nouveau fermer les yeux sur les ravages de la drogue, tromper ses partenaires ou continuer inlassablement une relation toxique mais ce film pose la question de la liberté et des différences entre nos époques. Lorsque personne ne se protège de personne, ni de rien, les relations sont intenses. On ne vit rien à moitié, notre vie est plus risquée car nos cœurs sont plus exposés.
Ce film a été réalisé par Valeria Bruni-Tedeschi et met en scène de superbes acteurs. Notamment un, qui malheureusement est problématique : Sofiane Bennacer. L’homme sur l’affiche directe du film est accusé de viols par 4 de ses ex-compagnes. Il est d’ailleurs en couple avec la réalisatrice du film Les Amandiers qui a été entendue dans son procès et a en outre été placée sous le statut de témoin assisté dans le cadre d’une quatrième plainte dénonçant des faits de viols.
Qu’on le veuille ou non, ce film est inséparable de ce scandale. On a appris que la réalisatrice était au courant de ces affaires et qu’elle avait pris la décision de garder cet acteur dans son film. Beaucoup de programmateurs ont décidé de déprogrammer le film de certaines salles de cinéma. On ne pense pas que l’idée soit de censurer le film, mais plutôt de prendre du recul sur cette polémique pour mieux accompagner et contextualiser la réalisation de ce film auprès des spectateurs. Alors que Les Amandiers sort la même semaine que She Said, film qui retrace le scandale Weinstein et la libération de la parole des femmes, il est important de voir que la loi du silence continue d’être exercée sur certains plateaux.
On peut penser ce qu’on veut de sa présomption d’innocence, et beaucoup (dont nous) ne sont pas prêts à remettre en cause la parole de ces quatre femmes qui l’accusent des mêmes faits. Mais ce film est bien plus que lui : il ne s’agit pas de boycotter un auteur de livre, ou un chanteur, là il s’agit d’un film avec toute une équipe qui porte ce projet depuis plusieurs années maintenant. C’est un film très réussi qui ne mérite pas, à notre sens, de se faire censurer de l’opinion publique, à causes d’accusations sur un des comédiens. Ne punissons pas les métiers de l’ombre, et le travail des autres comédiens ! C’est pourquoi on vous invite tout de même à aller le voir, tout en étant au courant du contexte du film et des accusations à l’encontre du comédien.
Voilà, c’est tout pour cette semaine, on essaie un peu de changer de format, n’hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé !