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Résistance démocrate ou domination républicaine aux États-Unis ?

Depuis son retour fracassant à la Maison Blanche, Donald Trump ne cesse d’attiser les clivages et de bousculer les institutions américaines. Sa méthode reste inchangée : même rhétorique incendiaire, même défi aux institutions, même capacité à électriser une base radicalisée. Tandis que le 47e président des États-Unis galvanise sa base et ébranle les équilibres traditionnels du Parti républicain, la dynamique démocrate multiforme s’est déclenchée en réaction au conservatisme dominant l’arène politique états-unienne, déterminée à contrer ce qu’elle perçoit comme une menace pour l’État de droit et les fondements mêmes de la démocratie. 

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Le boycott, un mécanisme utilisé par la population pour montrer son mécontentement à propos de certaines politiques. L'administration Trumpiste en fait aujourd'hui les frais. @Pixabay
Le boycott, un mécanisme utilisé par la population pour montrer son mécontentement à propos de certaines politiques. L'administration Trumpiste en fait aujourd'hui les frais. @Pixabay

Des couloirs feutrés du Congrès aux mobilisations collectives, en passant par les prétoires et les gouvernances locales, la riposte s’organise, tant sur le plan judiciaire et institutionnel que politique. Une Amérique démocrate et progressiste se dresse — parfois en ordre dispersé — pour faire barrage à celui qui s’érige en “guerrier solitaire”. Mais la question de cette résistance se pose : peut-elle réellement contenir l’ascension d’un trumpisme qui semble, à nouveau, vouloir façonner l’Amérique à son image ?

De l’offensive trumpiste envers l’institution judiciaire à la riposte démocrate

Des « juges très politisés » cherchant à « ralentir » ou « arrêter » son administration, ou bien en les qualifiant de « militants de gauche », voire  d’ « agents du deep state », telle est la perception que Trump se fait de l’organe judiciaire, notamment sur son réseau Truth Social. C’est en effet dans un premier temps, principalement devant les tribunaux, saisis par des associations et syndicats ainsi que par des procureurs démocrates, que s’est jouée la contestation contre le milliardaire de 78 ans. Entre les enquêtes sur les pressions exercées sur les responsables électoraux en Géorgie, les documents confidentiels stockés à Mar-a-Lago, les accusations liées à l’insurrection de 2021 ainsi que ses actions inédites contre les professions juridiques aux États-Unis depuis son investiture, Donald Trump fait face à une cascade de procédures. Dans l’ombre, les juristes affûtent leurs armes dans l’optique de montrer qu’aucun président — actuel, ancien ou aspirant — n’est au-dessus des lois.

L’affrontement ne s’arrête pas là. Mercredi 19 mars, l’exécutif a également accusé les juges d’ « usurper » l’autorité présidentielle, en réponse à la suspension d’une opération d’expulsion de migrants vers le Salvador par un juge fédéral. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré que ces juges « sapent la volonté du peuple américain » .

Face à ces attaques, les démocrates expriment leur inquiétude. Le sénateur Chris Murphy a déclaré que « l’idée centrale de notre démocratie est que nous obéissons aux décisions de justice », soulignant que « ce que nous contemplons ici, c’est la mort de la démocratie » . Dans la même visée, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de décisions fracassantes du républicain ont été bloquées ou suspendues par des juges, au nom du respect de la constitution, des lois et de l’équilibre des pouvoirs.

L’équation demeure néanmoins délicate : plus Trump est attaqué en justice, plus il crie au complot, et plus sa base le soutient. Dans les sondages, les inculpations successives n’ont pas entamé sa position de favori. Au contraire, elles nourrissent son storytelling préféré : celui d’un homme seul contre un système corrompu.

L’Amérique démocrate contre-attaque

Dans les rues, les campus ou encore les médias, l’opposition se diffuse à grande échelle. Les manifestations pour le droit à l’avortement ou contre les interdictions de livres dans les écoles sont autant de fronts où les progressistes perçoivent le spectre d’un autoritarisme rampant. Face à lui, la société civile veut incarner un autre récit : plus inclusif, plus démocratique, plus égalitaire.

La mobilisation états-unienne se veut massive et coordonnée. Le 5 avril 2025, plus de 1 400 manifestations ont eu lieu simultanément dans les 50 États américains, rassemblant entre 3 et 5 millions de personnes selon les organisateurs. Sous la bannière « Hands Off! » (“Pas touche!”), des millions de citoyens, soutenus par plus de 150 organisations progressistes telles que 50501, Indivisible, Women’s March, ainsi que des syndicats et des associations de défense des droits civiques, ont manifesté en réaction à l’administration Trump. Un des principaux rassemblements s’est déroulé au National Mall, immense esplanade entre le Capitole et l’obélisque du Washington Monument, à quelques encablures de la Maison Blanche, dans une atmosphère bon enfant. Cette journée fut considérée comme la plus grande mobilisation depuis le retour du républicain au pouvoir.

Leurs objectifs ? Dénoncer les coupes budgétaires dans les programmes sociaux (orchestrées par le milliardaire Elon Musk), les politiques migratoires restrictives, les attaques contre les droits des minorités, et les tentatives de concentration du pouvoir exécutif.

Concernant l’avenir de cette opposition citoyenne et collective, des actions sont prévues tout au long de l’année, avec pour objectif de maintenir la pression sur l’administration Trump et de défendre les principes démocratiques. Les organisateurs appellent à une résistance durable ainsi qu’à une participation continue et à une vigilance accrue face aux politiques gouvernementales jugées autoritaires.

Une légitimité démocrate plongée dans un doute constant

Si la riposte est réelle, elle n’est pas sans failles. Demeurant minoritaire dans les deux chambres, l’opposition n’a pour l’heure pas réellement trouvé de stratégie efficace pour contrer la politique de réduction massive du gouvernement fédéral et porter un message commun. En l’absence de leviers politiques, les démocrates, désarmés, en sont réduits à des manœuvres dilatoires tels que user des tribunaux pour contester les décrets de Trump et enclencher des modes d’action contestataires dans les rues états-uniennes.

Au sein du pays, en particulier dans les capitales des États, les démocrates tentent à de multiples reprises de séduire les électeurs, mais convaincre les nombreux déçus de la campagne de la sénatrice Kamala Harris ou les soutiens démocrates à la guerre génocidaire d’Israël reste une étape cruciale et complexe à franchir afin d’uniformiser la résistance bleue. Pire encore, certains stratèges redoutent un effet boomerang : à trop vouloir diaboliser Trump, on risque de le renforcer auprès de ses partisans, puisque le trumpisme se nourrit de la colère qu’il provoque.

Certes, syndicats, États fédéraux ou citoyens se sont mobilisés pour attaquer le nouveau gouvernement devant les tribunaux, dans un effort pour essayer de freiner la violente frénésie transformatrice de ce dernier, et cela a évidemment eu quelques effets. Il n’en demeure pas moins que les démocrates au Congrès se font excessivement discrets et que les mobilisations populaires ou les associations liées au parti ont fait preuve d’une faible combativité.

De nombreux autres motifs de discorde ont récemment éclaté au grand jour. Gavin Newsom, gouverneur démocrate de Californie, considéré comme présidentiable, a lancé un podcast où il s’entretient avec des républicains MAGA parmi les plus extrémistes, tel que Steve Bannon, et où il assume lui-même des positions relativement conservatrices. L’objectif affiché est de tendre la main aux électeurs ayant voté pour Trump, mais cette stratégie ne parvient pas à trouver un écho chez l’ensemble des démocrates et s’est fait violemment attaquer sur les réseaux sociaux par de nombreux groupes démocrates pour avoir mené cette initiative.

Dans cette Amérique fracturée, la résistance démocrate avance sur une ligne de crête. Ces manifestations ont constitué une avancée majeure mais les syndicats peinent à perdurer dans la bataille, sans compter l’absence de leader­ship commun et de consensus sur la question de savoir si les démocrates ou les manifestations de masse représentent l’avenir. L’opposition sait que l’enjeu dépasse l’homme Trump : il s’agit de défendre des institutions, des principes, une certaine idée du vivre-ensemble. Face à un adversaire qui a déjà bousculé toutes les règles du jeu, la vigilance ne suffit plus. Il faut désormais convaincre, embarquer, incarner. Car résister, ce n’est pas seulement dire non — c’est offrir une alternative crédible.

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