Après avoir vécu dans un orphelinat de l’Ile du Prince Edward au Canada et avoir servi plusieurs familles nombreuses, Anne Shirley se trouve adoptée par erreur chez une vieille dame sans enfants et son frère. Bavarde et solaire, l’esprit de Anne est empli de littérature et de mots alambiqués qui ont été pour elle la seule échappatoire à ses souffrances. En arrivant à Avonlea, Anne trouve dans chaque aspect de son environnement une forme de poésie ou une matérialisation d’un monde fantastique. C’est cette vive intelligence et cette imagination débordante qui la feront braver les regards moqueurs et qui la pousseront à tisser de nombreux liens d’amitié avec les gens autour d’elle.
“Anne with an E” est une série télévisée canadienne rendue populaire par Netflix s’inscrivant dans le genre “coming of age”. Inspirée du classique de la littérature “Anne of Green Gables” de Lucy Maud Montgomery, cette histoire est une ode à la femme et est appréciée par les petits comme par les grands.
Personnellement, je suis tombée sur « Anne with an E » par hasard en famille lorsque j’avais 13 ans. N’attendant pas grand chose d’une série qui se déroule en 1890, moi qui préférait regarder les films dystopiques, j’ai pourtant immédiatement accroché. J’ai trouvé en Anne une réflexion de moi : une jeune fille qui se plonge dans ses livres, qui n’a pas de limites à son imagination, qui navigue dans la vie malgré les problèmes d’une adolescente de 13 ans. Et en observant la réaction de ma mère, de ma grande tante et de ma petite soeur, j’ai vite compris que je n’étais pas seule dans ce cas. Anne parle à tout le monde et même à mon père, qui préfère largement les séries sur les Vikings et les Guerres médiévales et qui n’a pas détourné son regard de l’écran. C’est une série touchante et drôle qui mérite le détour pour son histoire comme pour son contexte.
Pourquoi utiliser le terme « renouveler » ?
Après trois saisons sur Netflix, le canal canadien CBC et Netflix ont subitement annoncé que Anne ne reviendrait plus pour la suite de son histoire. Les fans furent dévastés et je continue moi-même de me demander qu’elle aurait été la suite si l’histoire n’avait pas été abandonnée.
La série ne fut pas arrêtée pour manque de popularité. Ecrite par Moira Walley-Becket (qui a aussi écrit « Breaking Bad » et qui a remporté un Emmy) la série a remporté 7 des 17 nominations aux Canadian Screen Awards. En effet, le jeu d’Amybeth McNulty (Anne) et la cinématographie de la série ont reçu les prix de “Meilleure Actrice dans un rôle principal” et “Meilleure série dramatique” en 2019.
La réelle cause qui a poussé CBC et Netflix à nous priver d’une suite serait les négociations budgétaires. Moira Walley-Beckett écrit sur Instagram : “Nous avons essayé de trouver une nouvelle maison (production, ndlr). Nous avons essayé de conclure l’histoire en film […] Il nous est impossible d’argumenter avec des mots tels que Economie, Algorithmes, Démographies etc… Mais ces mots et leurs semblables sont la raison pour laquelle le Canal ne veulent plus continuer”.
Suite à cette annonce, de nombreuses célébrités ont mobilisé leur influence pour rendre à « Anne With An E » la suite qu’elle mérite. Parmi elles, Ryan Reynolds a twitté “Vous devriez renouveler Anne with an E. A part si “saison finale” est une manière comique de dire “à mi-chemin”. Pour que la série soit renouvelée, une autre entreprise devrait acheter les droits d’auteurs à la CBC, ce qu’aucune maison de production n’a voulu faire, malgré les pétitions et les plaintes des fans.
« How I love being a woman » : la représentation dans « Anne with an E »
À titre personnel, j’ai signé ces pétitions, j’ai recommandé la série à tout le monde (ils ont adoré) et j’ai lu le livre de Lucy Maud Montgomery en guise de consolation. Il ne me reste plus qu’à écrire et à expliquer en quoi « Anne With An E » est surement l’une des meilleures productions de Netflix et pourquoi vous devriez la regarder.
Si la série s’inscrit dans le genre “dramatique” c’est aussi pour son aspect “coming of age”. Le « coming of age » est un genre médiatique ou littéraire dans lequel le spectateur voit les personnages principaux évoluer et grandir. Ce genre définit bien « Anne with an E » dans la mesure où, au fil des saisons, Anne se défait de ses complexes et apprend à travailler sur ses défauts. À titre d’exemple, lors de la saison 1, nous avons affaire à une Anne de 11 ans, complexée par ses cheveux roux, sa minceur et ses taches de rousseurs. Au sortir de la saison trois, Anne porte de belles robes et apprend à aimer ses cheveux. Plus qu’une acceptation de son physique, Anne fait aussi face à des défis quant à sa personnalité, jugée trop extravertie, trop tête en l’air, pas assez bonne pour la société d’Avonlea. En grandissant avec Anne, le jeune spectateur comprend qu’il faut s’accepter tel que l’on est et rester fidèle aux caractéristiques qui nous sont propres sans se soucier du regard des gens.
De plus, l’histoire se sert du contexte social du XIXe siècle dans la campagne du Canada pour proposer une ode à la représentation. LGBTQ+, indigènes, féminisme et racisme font partie intégrante de la storyline, permettant à toutes les minorités d’être représentées et d’y avoir une place.
D’un point de vue féministe, « Anne with An E » passe haut la main le test de Bechdel. Ce test stipule que, pour qu’une oeuvre ne soit pas sexiste, au moins deux personnages doivent être des femmes avec un nom, qu’elles discutent ensemble en parlant de quelque chose qui est sans rapport avec un homme. La célèbre citation de la série, “How I love being a woman” (Que j’aime être une femme, ndlr), fut d’ailleurs largement reprise sur les réseaux sociaux pour mettre en avant une certaine sororité. Cette représentation féminine se trouve aussi au sein du groupe de personnes qui ont rendu « Anne with an E » possible. En effet, tous les écrivains de la série étaient des femmes, tout comme la plupart de l’équipe de tournage.
Plus que les relations féminines, c’est aussi le thème de la romance et de l’amour qui y est abordé. La relation entre Anne et son “love interest” va bien au-delà d’une simple série à l’eau de rose. Les spectateurs suivent la naissance d’un amour qui va plus loin que la simple attirance physique, comme on peut le voir dans plusieurs séries modernes. L’intelligence, l’audace, la joie de vivre, la gentillesse sont les principales raisons qui poussent un des personnages à tomber amoureux d’Anne, et ce malgré son statut chez les habitants d’Avonlea. Une représentation de l’amour inconditionnel malgré les défauts de l’autre est mise à l’honneur et c’est un souffle d’air frais pour Netflix.
En conclusion…
Finalement, il est bien dommage qu’une série si qualitative soit supprimée, malgré son succès. « Anne with an E » est une série qui rassemble une très grande base de fans (les “kindred spririts” ou “âmes soeurs” en français, ndlr). C’est une histoire qui plait à tout le monde, jeunes et plus âgés, femmes et hommes, dans le monde entier. Au Japon d’ailleurs, l’influence de Anne est si immense qu’elle a inspiré des parcs à thèmes et des établissements à son nom.
