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Rémunération des artistes : la fausse note des plateformes de streaming musical

Les plateformes de streaming musical sont aujourd’hui des actrices majeures de l’industrie musicale qui génèrent d’importants bénéfices. Pourtant, elles sont régulièrement accusées de ne pas suffisamment rémunérer les artistes. Alors, pourquoi la rémunération des artistes est-elle si problématique ?

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Plateforme de streaming de musique
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Avant l’avènement d’Internet, un artiste disposait de peu de moyens pour se faire connaitre et diffuser sa musique. Il pouvait passer à la radio ou encore participer à une émission de télévision. Seulement, ces moyens restaient limités et étaient souvent conditionnés à la signature de l’artiste dans une maison de disques ou un label. Désormais, cette période est révolue !  En 2024, il est évident que, pour se faire remarquer et partager sa musique, un artiste peut utiliser Internet, notamment les réseaux sociaux ou les plateformes d’écoutes en streaming. Ces dernières ont d’ailleurs révolutionné l’industrie musicale. En effet, en 2020, plus de la moitié des revenus mondiaux de la musique provenaient des plateformes de streaming. Parmi toutes ces plateformes, on pense évidemment au leader mondial, Spotify. Ce géant de la musique digitale générait, en 2020, 20% de l’ensemble des revenus de l’industrie des enregistrements musicaux. Un chiffre énorme qui démontre à quel point la plateforme de streaming suédoise est un acteur majeur dans le monde de la musique.

Des plateformes souvent critiquées pour ne pas rémunérer suffisamment les artistes  

Si l’inscription sur des plateformes de streaming permet aux artistes de toucher des auditeurs aux quatre coins du globe, ces plateformes ont aussi été fortement critiquées ces dernières années. En effet, il leur est surtout reproché de ne pas verser une rémunération suffisante aux « petits » artistes, c’est-à-dire à ceux dont les morceaux génèrent le moins d’écoutes.

Ainsi, d’après le site Loud&Clear, en 2020, les artistes dont les stream sur Spotify génèrent au moins 100 000 dollars sont peu nombreux. Cela ne concerne que 7 800 artistes sur plus de huit millions inscrits. Concrètement, cela signifie que seulement 0,1% des artistes inscrits sur Spotify génèrent au moins 100 000 dollars sur la plateforme. De plus, en 2020, il n’y avait que 870 artistes qui généraient au moins un million de dollars grâce aux écoutes sur Spotify. On comprend donc que les revenus touchés par les artistes grâce aux écoutes en ligne sont maigres et leur permettent rarement de toucher un salaire décent.

Les ayants-droits, des intermédiaires jouant un rôle crucial dans le rapport entre les plateformes et les artistes

Alors, pourquoi, malgré les importants revenus générés par les plateformes de streaming, la majorité des artistes est peu rémunérée ? Tout d’abord, cela s’explique par le fonctionnement même des plateformes de streaming musical. En effet, il est important de souligner que ces plateformes ne rémunèrent pas directement les artistes mais leurs ayants-droits. Par exemple, lorsque Deezer verse des royalties à Beyoncé, la plateforme ne verse pas directement l’argent à l’artiste mais remet la somme à une maison de disque, un label ou une société d’auteurs avec lequel Beyoncé a signé un contrat. Ensuite et en fonction de ce qui a été prévu contractuellement, l’ayant-droit reversera une partie des royalties à l’artiste. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un artiste génère 100 000 dollars sur une plateforme que ces 100 000 dollars iront directement dans sa poche, les ayants-droits touchant aussi une partie des revenus générés sur les plateformes de streaming.

Il est d’ailleurs assez complexe de connaitre avec précision les royalties effectivement touchées par un artiste puisque cela dépend de ce qui été prévu dans le contrat et que chaque contrat est différent. Si on prend l’exemple de Spotify, on s’aperçoit qu’elle ne conserve qu’un tier des revenus générés par sa plateforme, le reste étant reversé aux ayants-droits. A titre d’exemple, en 2021, le leader suédois du streaming musical a versé 7 milliards de royalties aux ayants-droits, un record !   

La technique problématique du « streamshare »

Ensuite, c’est le système de répartition des revenus entre les artistes qui pose problème. En effet, les plateformes de streaming musical utilisent la technique du « streamshare ». Concrètement, elles définissent chacune une zone de marché (par exemple, le marché français qui recoupe l’ensemble des écoutes qui ont lieu sur le territoire français et les outre-mer). Ensuite, les plateformes font un ratio entre le nombre de stream d’un artiste et le nombre total de stream sur le marché dans lequel se trouve l’artiste. Cela permet d’obtenir un pourcentage de royalties qui représente la contribution de chaque artiste dans l’ensemble des flux qui ont lieu sur la plateforme. Ces royalties seront ensuite reversées aux ayants-droits qui en reverseront une partie aux artistes.

Avec cette technique, on comprend vite que seuls les artistes qui génèrent de nombreux stream toucheront un véritable revenu. Les autres, moins connus, peineront à se faire une place sur le marché et donc à toucher un pourcentage de royalties important. S’ajoute à cela le fait que ces « petits » artistes n’ont généralement pas d’autres sources de revenus puisqu’ils ne se produisent pas en concert, n’ont pas de marchandising etc.

Des revenus qui ne correspondent pas toujours aux goûts musicaux de l’auditeur

Enfin, il faut préciser que les plateformes de streaming musical se rémunèrent de deux façons : grâce à la publicité si l’auditeur utilise la plateforme gratuitement ou grâce aux abonnements payés par les utilisateurs qui préfèrent ne pas avoir de publicité. Seulement, la répartition de ces revenus n’est pas faite en fonction des écoutes de chaque auditeur. Ainsi, si un utilisateur paye un abonnement mensuel et écoute uniquement des morceaux de rap, la plateforme de streaming ne va pas reverser l’argent perçu grâce à l’abonnement qu’à des rappeurs. En effet, une partie de cette somme sera conservée par la plateforme, ce qui lui permettra de générer un bénéfice et de financer ses coûts de fonctionnement et l’autre partie permettra de rémunérer, sous forme de royalties, les ayants-droits, peu important que ces derniers représentent des rappeurs ou des artistes d’autres genres musicaux.

Une majorité d’artistes est sous-payée

Tous ces éléments mènent à un seul constat : la majorité des artistes est sous-payée par les plateformes de streaming musical. D’après nos confrères du Monde, pour chaque écoute d’au moins 30 secondes, un artiste toucherait environ 0,0039 euros. Cela signifie que, pour toucher l’équivalent d’un SMIC, l’artiste devrait générer environ 410 000 stream par mois. Ainsi, en 2020, seulement 10% des artistes inscrits sur les plateformes parvenaient à toucher au moins le SMIC grâce aux écoutes générées par le streaming.

Des mesures concrètes pour lutter contre la précarisation des artistes

Pour lutter contre cette précarisation des artistes, les plateformes de streaming ont pris certains engagements. Par exemple, Spotify a lancé en 2020, le site Loud&Clear, afin de communiquer plus clairement sur les revenus générés par la plateforme. Le législateur européen veut également agir. En effet, il y a actuellement un vide juridique puisqu’aucun texte de l’Union Européenne ne vient encadrer la rémunération de artistes par les plateformes de streaming. Les députés européens ont voté mercredi 17 janvier dernier une résolution qui vise à obliger les plateformes de streaming, d’une part, à rémunérer plus équitablement les artistes et d’autre part, à être plus transparente sur les revenus qu’elles génèrent.

Un problème qui peine à être résolu

Si ces avancées sont bienvenues, il semble malheureusement que la problématique de la rémunération des artistes sur les plateformes de streaming ne soit pas encore résolue. Cela s’explique par le fait que mieux payer les artistes reviendrait pour les plateformes d’écoutes en ligne à augmenter le prix de leurs abonnements ou à accroitre le nombre de publicité. Seulement, les plateformes, craignant de perdre des utilisateurs, sont peu enclins à opérer ces changements. De plus, la résolution adoptée récemment par le Parlement européen n’est pas obligatoire puisque ce n’est pas une loi. Surtout, il faudrait également permettre aux artistes de mieux pouvoir négocier leurs contrats avec les ayants-droits qui les représentent ou leur permettre de pouvoir négocier directement avec les plateformes de streaming sans passer par l’intermédiaire de ces ayants-droits qui touchent une partie importante des revenus générés sur ces plateformes. Ainsi, si les nombre de stream ne cesse d’augmenter d’année en année, il est certain que les problèmes de rémunération qui se cachent derrière ces écoutes en ligne ne sont pas près de diminuer.      

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