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Réforme sur l’asile et la migration : le défi européen

Le 8 Juin, les ministres européens de l'intérieur se sont accordés sur deux textes pour une réforme de la politique d'immigration et d'asile européenne. Depuis la grande crise migratoire de 2015, et avec les récents évènements, le système actuel est vivement remis en cause. Quels sont alors les enjeux de la réforme, ses causes et conséquences ?

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Le système actuel

L’immigration est, depuis les ébauches de la construction européenne, un sujet central. Pour rappel, dès 1951 un droit d’asile est mis en place par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Selon elle, toute personne qui fuit la guerre ou les persécutions dans son pays peut demander l’asile dans un autre pays. Cette convention a également instauré le principe de « non-refoulement », qui stipule que personne ne peut être renvoyé dans son pays d’origine si sa vie y est en danger. Au fil de la construction européenne, les négociations sur le sujet s’intensifient. En point d’orgue, la mise en place de l’espace Schengen dans les années 1990 qui aboli le contrôle aux frontières des pays membres de l’Union européenne.

Ce sont les années 2000 qui vont marquer le retour de la question migratoire. En 2008, l’Union européenne signe deux textes. Tout d’abord, un pacte sur l’asile et la migration par le Parlement européen. Puis une directive dite de “retour” par le Conseil européen. Cette dernière a pour but d’harmoniser les législations nationales afin de créer un droit européen en matière d’immigration.

Le droit d’asile et d’immigration, défini aujourd’hui par le règlement de Dublin III adopté en 2013 fait l’objet de la tentative de réforme. Ce dernier est déjà issu d’une réforme du règlement de Dublin II, qui redéfinissait lui-même la Convention de Dublin de 1990. Dublin III vise à déterminer quel pays de l’UE est responsable du traitement d’une demande d’asile. Mais ce règlement et son utilisation actuelle sont vivement remis en cause ces dernières années.

Un droit d’asile controversé

L’un des plus gros problèmes du système actuel, et objet de la réforme, est que les demandes d’asiles ne peuvent être acceptées que dans le premier pays d’accueil des migrants. Ainsi, un demandeur d’asile qui continu son chemin vers un autre pays d’Europe, a de grandes chances de se voir renvoyer vers le pays où il a effectué sa demande.

Cette situation est à l’origine « d’inégalités » dans la répartition des demandeurs d’asile et des migrants. En effet, l’affluence migratoire est plus forte dans les pays européens avec des frontières extérieures. L’Italie, l’Espagne ou encore la Grèce sont les plus « touchés » par les vagues migratoires, de part leur exposition maritime.

L’autre grand problème du droit d’asile européen est la disparité des situations selon les pays. Chaque Etat membre étant libre de mettre en place le droit d’asile et les lois en matière d’immigration de la manière dont il le souhaite. Certains pays comme le Danemark ont donc des restrictions plus fortes aux entrées, ce qui accentue un peu plus le phénomène de concentration dans certains pays.

Bien que l’Union européenne cherche depuis des années à renforcer la coopération des États membres sur les sujets de l’asile et de l’immigration, certains pays tentent tout de même de réguler le nombre d’entrée sur leur territoire, ce qui fragilise la coopération européenne en la matière.

Une Europe qui érige des murs …

Depuis les années 2010, l’Europe a connu plusieurs vagues de migrations importantes. Elle est devenue de fait, une terre d’accueil privilégiée par les demandeurs d’asile. Mais nombreux sont les pays européens qui ne voient pas cette immigration d’un bon œil, et qui tentent de freiner au maximum l’arrivée de migrants dans leurs pays.

La preuve en est la construction d’une série de murs érigés aux frontières, afin de se rendre hermétique aux migrations. Cette tendance voit le jour à la suite des Printemps Arabes et de la vague migratoire en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, transitant en majorité par la Turquie et la Grèce. La crise migratoire suite au début de la Guerre en Syrie en 2015 à renforcée cette tendance au protectionnisme. Ainsi, les pays situés sur la « Route des Balkans » ont tous ou presque érigés des murs.

Aujourd’hui, ce sont 12 pays européens qui ont érigé des murs à leurs frontières pour un total de 1200 km. Ces constructions posent questions sur l’utilité de l’Espace Schengen. Plus récemment, d’autres pays ont suivi le mouvement avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. La Pologne, la Lituanie, mais aussi et surtout la Finlande, et son projet de mur de 200 km le long de sa frontière avec la Russie.

Au delà de ces constructions, les pays membres de l’UE sont en train d’opérer un virage à droite, et tendent à réduire l’immigration au maximum, par voie légale.

Anatomy of a Refugee WAve: Forced Migration on the Balkan Route

… et des protections légales

L’exemple le plus récent est celui du gouvernement italien de Georgia Meloni qui a fait passer une loi entravant le secours en mer des ONG.

De manière générale, l’Europe est en train de se mouvoir à droite, et de nombreux gouvernements font de l’immigration et du droit d’asile leur cheval de combat politique. Que ce soit en Italie avec Meloni, en Hongrie avec Orban ou encore en Pologne sous la houlette de Andrzej Duda, la question de l’immigration est plus que présente ces dernières années dans les débats. On voit une volonté de certains gouvernements de se prévaloir des directives européennes au profit de leur droit interne.

Ces dernières semaines ont accéléré le processus de négociations au sein de l’UE, à la lumière de deux événements tragiques.

Un dernier mois sous tension

Les tensions liées au droit d’asile en Europe se sont cristallisées ces dernières semaines avec deux évènements marquants. Tout d’abord l’attaque au couteau d’Annecy survenue le 8 juin. L’auteur des faits, Abdelmahisch H, 31 ans, d’origine syrienne a obtenu le droit d’asile en Suède en 2013. Depuis, il avait fait une autre demande en France, refusée, car il est de coutume que seul le pays d’accueil puisse accepter une demande d’asile. Ce refus est intervenu quelques jours seulement avant l’attaque. Plus que l’événement tragique en lui-même, c’est le profil de l’auteur qui a ravivé les tensions sur le sujet de s’asile. La droite et l’extrême droite française ont réagi en masse à l’instar de Éric Ciotti qui a déploré une « gestion catastrophique de l’asile en Europe ».

L’autre événement tragique est le naufrage d’un bateau de pêche rempli de migrants en direction de l’Italie en mer Méditerranée. Les 750 passagers cherchaient à rejoindre l’Europe. Plus de 70 corps ont été retrouvés, mais on estime les morts à près de 600.

Ces deux événements ont mis en lumière les difficultés de la politique d’asile en Europe, mais également l’incapacité des différents acteurs (ONG, Gouvernements, UE …) de marcher dans la même direction. Le timing était le bon pour l’Union européenne de se prévaloir d’une question brûlante actuelle, et de tenter de réformer un système d’asile très controversé. Une réforme sur le droit d’asile et l’immigration pourrait donc permettre d’harmoniser les politiques nationales et européennes.

Une tentative de réforme

Le projet de loi, élaboré il y près de 4 ans par la Commission européenne et approuvé le 8 juin est une tentative de réforme du pacte sur l’asile et l’immigration. Il a fallu convaincre les derniers ministres de l’Intérieur des pays réticents à l’instar de la Grèce et de l’Italie. La Pologne et la Hongrie ont voté contre tandis que quatre pays se sont abstenus. Mais la décision étant à la majorité qualifiée, c’est-à-dire 55 % des pays ou 65 % de la population totale européenne, ces réticences n’ont pas empêchées l’accord de voir le jour.

L’objectif des membres du Conseil européen est de mettre en place la réforme avant les prochaines élections européennes, prévues en juin 2024. Les mandats n’étant pas renouvelables, les membres devront quitter leurs fonctions à ce moment. Quels changements apporte alors la réforme ?  

Cette dernière mettrait en place un système de solidarité entre les pays d’Europe, afin d’apaiser le poids de l’immigration sur certains pays du sud comme l’Italie ou la Grèce. Certains pays seront tenus d’accueillir des demandeurs d’asile pour soulager un autre pays « surchargé ». En cas de refus d’accueil de ces demandeurs, une compensation financière de 20 000 euros par demandeur non accueilli sera reversé au pays soumis à une tension migratoire.

De plus, les Etats membres seront obligés de mettre en place un système de procédure accélérée du traitement de demande d’asile des personnes ayant le moins de chances de pouvoir entrer. Cette méthode permettrait à l’UE, de faciliter le rapatriement vers les pays d’origine, et de « désencombrer » les camps de transit.

Le pacte sur l’asile et l’immigration divise. Certains y voient un progrès dans le sens qu’il balaye les clichés sur une Europe à porte ouverte. En effet, le pacte laisse moins de place à l’immigration forte par un contrôle extérieur plus fort des demandeurs d’asile. Les demandes seront désormais traitées avant l’entrée sur le territoire, pendant que les demandeurs attendront dans des camps de réfugiés.

Pour l’heure, la procédure n’en est qu’à la première étape. Il reste encore à convaincre le Parlement européen, qui ne semble pas forcément favorable à la réforme. Mais la présidente de la Commission de l’Union Européenne félicite déjà les membres du Conseil européen qui se sont accordés sur le sujet.

“La migration est un défi européen. En travaillant ensemble, nous pouvons parvenir à une solution commune”

Compte twitter d’Ursula Von Der Leyen
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