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Récupération politique : comment maîtriser l’art d’une pratique en expansion ? 

On entend souvent parler de récupération politique ces dernières années, avec la médiatisation de nombreux faits divers. Quelle est réellement cette pratique ? Et surtout comment passer maître dans l’art de la récupération ? Mode d’emploi non exhaustif d’une bonne récupération politique.

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Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée Nationale, haut-lieu de la politique nationale. Crédits: pixabay
Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée Nationale, haut-lieu de la politique nationale. Crédits: pixabay

Le terme de récupération politique renvoie à la prise de position d’un élu, ou d’un parti sur un événement ou débat, tel que les faits divers, qui l’exploite afin de mettre en avant une idée politique. Ce phénomène est évidemment un outil politique, qui permet d’occuper la place médiatique, et de faire circuler certaines idées. La récupération politique est majoritairement allouée à la droite et l’extrême droite, mais la pratique s’étend sur tout le spectre politique français. 

Les exemples de cette pratique sont nombreux ces dernières années. Parmi eux, les réactions politiques après l’attaque au couteau d’Annecy ou l’Affaire Lola. 

Alors, comment devenir maître dans l’art de la récupération ? Peu importe votre orientation politique, cela peut servir. Plusieurs étapes sont à retenir, si vous parvenez à les exécuter parfaitement, votre message sera entendu. L’idée ici n’est pas de prendre position, mais d’aider à comprendre comment bien instrumentaliser un évènement.

Choisir son évènement 

C’est peut-être l’étape la plus importante. Selon le parti auquel on adhère, les idées que l’on défend et le public que l’on veut cibler, il faut choisir consciencieusement son sujet.  

Récemment, les deux principaux partis d’opposition, soit le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI), ont donné un exemple parfait. 

Si vous êtes partisan du RN, la mort de Thomas à Crépol le 19 novembre dernier, est du pain béni. Pour le parti, l’attaque est synonyme de l’irruption des banlieues et de la violence dans les villages français. La vidéo postée par Jordan Bardella sur son compte Youtube et intitulée “Justice Pour Thomas” le montre. Dans celle-ci, il passe le message suivant : “il est possible de contrôler drastiquement l’immigration en France et en Europe, pour ne plus laisser rentrer chez nous, des individus sans aucune limite morale”. Se détacher de l’évènement afin de l’englober dans une idée plus générale. En somme, utiliser l’évènement opportun pour faire passer votre message. 

Si par contre, vous soutenez la France insoumise, ne prenez pas la peine de commenter cet événement, il serait difficile d’en faire ressortir un message. Choisissez donc quelque chose d’autre. C’est pourquoi la France insoumise n’a pas ou presque commenté la mort de Thomas. Cela ne sert pas son discours. Trouvez donc un débat, ou un événement pour mettre en avant vos idées. C’est ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon, qui s’est indigné de l’agression au cutter d’un jardinier du Val-de-Marne le 17 novembre, et des insultes (“sale bougnoule”) proférées à son encontre. Un exemple de plus du racisme latent et de l’augmentation des actes “arabophobes” dans la société française pour le chef de parti. Dans ce cas, c’est au RN de s’abstenir de commenter l’agression, chacun son terrain de jeu.  

Pour le gouvernement, les enjeux sont tout autres. En effet, les événements tombent, de fait, sous votre responsabilité. Commenter peut revenir à s’exposer un peu plus, mais ne pas le faire revient à laisser le champ libre aux oppositions. Si l’on prend l’Affaire Lola, par exemple, il paraît nécessaire que le gouvernement condamne le meurtre et son autrice, tout en assurant que des décisions fortes seront prises. En somme, répondre à des situations exceptionnelles par des mesures exceptionnelles. 

Avoir le sens du timing 

Lorsqu’un événement survient, assurez-vous de réagir dans le bon tempo. Le faire trop tôt peut être mal vu, et cela peut desservir. Trop tard, et le train sera déjà passé, et d’autres se seront chargés de commenter l’affaire. Le timing est important. Les heures, les jours suivant un évènement doivent être exclusivement consacrées à cela. Pour ce faire, utilisez tous les moyens à votre disposition : radio, télévision, communiqué, réseaux sociaux. Le réseau social X est l’outil de prédilection. Il permet de réagir vite, et d’occuper l’espace. Car en plus des leaders politiques, dont la voix est écoutée, X permet à tous ceux qui le souhaitent de s’exprimer. Chaque tweet peut devenir viral, et servir votre message. Mieux encore, cela renforce l’opinion de vos partisans. Marine Le Pen twittait le lendemain de la mort de Thomas, Jordan Bardella postait une vidéo sur Youtube le 23 novembre. 

Maintenir la pression pendant les quelques jours, voire semaines suivant l’événement est primordial. Jean-Luc Mélenchon suit le même schéma en réagissant à l’agression du jardinier en tweetant le 20 novembre dernier, soit 3 jours après l’agression.  

Et même si les conclusions des enquêtes ne sont pas encore publiques, prenez le pari. Dans ce cas, il est préférable d’utiliser le conditionnel, pour éviter tout reproche “les auteurs auraient déclaré “on veut planter du blanc”. Dans ce cas, on ne peut vous reprocher vos propos. 

Employer les bons mots 

L’art de la récupération politique réside aussi dans le choix des mots. Pour faire passer votre message, employer le champ lexical adéquat. Les mots forts sont préférables. Le 20 novembre, Marine le Pen évoquait la mort de Thomas en parlant de “razzias”, de “brutalité inouïe” sur son compte X.

Faire abstraction de l’événement en particulier pour le ranger dans un thème plus grand, le mettre dans une liste. Pour le Rassemblement national ou Reconquête! (parti d’Eric Zemmour), ce sont les thèmes de sécurité et d’immigration qui s’imposent. 

Utiliser la corde sensible, même celle de l’affect peut également servir. Dans une vidéo Youtube intitulée, “Justice Pour Thomas”, Jordan Bardella déplore la mort de “celui qui aurait pu être un ami, un frère, un enfant” venant “de la France ordinaire. Celle qui ne casse pas, qui se lève tôt et travaille dur”. De fait, le message cible un électorat, l’art de la récupération est aussi de savoir à qui s’adresser. 

À droite, certains mots reviennent, car l’idée est la même, celle du danger de l’immigration qui pèse sur la France. 

Mais il est possible d’aller encore plus loin. C’est ce qu’a fait Marion Maréchal Le Pen dans une vidéo publiée sur son compte Youtube le 21 novembre dernier dans laquelle elle évoque un “racisme anti-blanc décomplexé”, qui conduira “à une guerre civile”. N’ayez pas peur d’être alarmiste, voire d’utiliser un vocabulaire apocalyptique, cela peut séduire votre électorat. 

De l’autre côté de l’échiquier politique aussi, il faut choisir ses mots avec soin. L’agression du jardinier est pour Jean-Luc Mélenchon l’expression du racisme latent de la société. “L’ignoble tentative d’égorgement arabophobe du Val-de-Marne est le résultat du laisser-aller raciste dans la sphère publique. La classe médiatico-politique doit se ressaisir.” (compte X de Jean-Luc Mélenchon)

Renvoyer la faute sur les autres 

Si l’on vous critique, c’est bon signe. Votre message est en train de faire son chemin. Pas la peine alors de nier la récupération. Non, renvoyez plutôt la faute sur l’autre et ses erreurs, lorsque vous êtes de l’opposition bien entendu.

Une bonne récupération est celle qui apporte des solutions à un problème récurrent, celle qui, au nom des Français (différent selon les idéologies), va de l’avant. La récupération politique n’existe pas lorsque l’on a raison. 

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