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“Réarmement démographique” : la France en a-t-elle vraiment besoin pour sauver son système social ?

Lors de la conférence de presse menée par le président de la République il y a une semaine, les Français découvraient le terme de “réarmement démographique”. Avec David Cayla, enseignant-chercheur en sciences économiques, et Théodora Barreau-Pottier, membre de la coordination nationale du collectif féministe Nous Toutes, CSactu décrypte ce discours nataliste derrière ce coup de communication bien placé.

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Emmanuel Macron a récemment parlé de "réarmement démographique", mais de quoi s'agit-il et pourquoi ? ©Pixabay

Pourquoi parle-t-on de “réarmement démographique” ?

Au début de l’année, l’INSEE a dévoilé les chiffres de l’évolution démographique française. C’est avec cette étude que les premières inquiétudes se sont fait ressentir. L’année dernière, la France n’a compté que 700 000 bébés, c’est le chiffre le plus bas jamais enregistré. Depuis plus d’une décennie, le taux de naissance est en constante baisse. 

Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a axé son discours sur la jeunesse. Il a notamment annoncé des nouveautés pour l’éducation ou encore le Service National Universel. Il a fini par s’attaquer à ce qui s’apparenterait au “tabou du siècle”. 3,3 millions de foyers seraient touchés par un problème d’infertilité. Le président de la République a donc annoncé deux grandes mesures dans le cadre d’un “réarmement démographique”. Premièrement, il souhaite engager une réforme du congé de naissance; les deux parents pourraient prendre un congé de naissance de 6 mois ensemble. Ensuite, il compte engager un grand plan de lutte contre l’infertilité. 

Pourquoi observe-t-on de telles craintes autour de la démographie ? 

Quand on étudie les cas de nos voisins européens, la France fait exception avec un taux de fécondité dans les plus haut d’Europe. Le nombre d’enfants par femme en 2021 était de 1,84, alors qu’en Allemagne, en Belgique ou encore en Espagne, celui-ci avoisinait les 1,5. Pendant de longues décennies, le taux de natalité était largement scruté dans le cadre des guerres en cours, dans un besoin militaire. Aujourd’hui, l’inquiétude est tournée vers des questions économiques et notamment sur la viabilité de notre système par répartition.

David Cayla, enseignant-chercheur en sciences économiques à l’Université d’Angers, donne deux raisons pour lesquelles le système de retraite français n’est pas mis en danger par la démographie actuelle. Tout d’abord, “ce ne sont pas les enfants d’aujourd’hui qui vont avoir un effet sur le système de retraite sur les 10 à 20 ans. Ils n’auront un impact que dans 50 ans et pour les politiques publiques, cet horizon est trop lointain”

Ensuite, il explique que le taux de natalité n’est pas le point le plus important dans la longévité du système de retraite, ce qu’il faut regarder c’est “la durée de vie et la stabilité de l’espérance de vie”. Aujourd’hui, “ce qui pèse sur le système c’est le fait que l’on passe plus de temps en retraite”. Pour financer nos retraites, il faut regarder la “croissance de la productivité”.

Pour l’enseignant-chercheur en sciences économiques, l’angle d’attaque pris par le gouvernement n’est pas le bon. Il explique que que le problème social important serait “l’écart grandissant entre le nombre d’enfant par femme pendant sa vie fertile et le nombre d’enfant désiré”. Il faut s’interroger sur “les conditions de vie des jeunes adultes qui sont de plus en plus difficiles. Pour se projeter, il faut un logement décent, un emploi stable, de bonnes conditions de travail, un service de petite enfance et un service de santé qui fonctionnent”. La baisse de la natalité serait donc un symptôme montrant que les conditions objectives de vie des 20-40 ans régressent considérablement. 

Ces annonces ne peuvent donc pas être qualifiées comme des politiques natalistes, mais plutôt comme un grand coup de communication.

Un discours nataliste synonyme de retour en arrière pour le féminisme

Pour l’une des coordinatrices nationales de Nous Toutes, collectif féministe, le discours mené par Emmanuel Macron nous ramène des décennies en arrière. Théodora Barreau-Potier explique, “il utilise le mot réarmement 7 à 8 fois, c’est une technique de rhétorique : l’idée c’est de montrer une France forte, prête au combat. Le corps des femmes est lui aussi militarisé. Elles pondent des bébés et font tourner la France.” 

L’axe choisi par le président de la République ne répondrait pas du tout aux attentes sur le terrain. Pour l’association Nous Toutes, “pour la problématique de la santé, d’accès à l’emploi, le fait qu’il y ait actuellement 2 000 enfants à la rue en France, ces annonces paraissent décorellées de toute réalité”. 

Le problème réside dans le fait que les associations féministes sont aujourd’hui en attente d’actions pour la santé des femmes. Théodora Barreau-Potier rappelle que “sur la santé des femmes, un rapport de la Haute Autorité de Santé a demandé à ce que les tests de diagnostic de l’endométriose soit 100% remboursé, c’est ici qu’est l’urgence: l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques”.

Elle continue en affirmant que s’il y a une baisse de la démographie, il faut penser aux raisons pour lesquelles les jeunes couples ne souhaitent pas avoir d’enfants. Comme David Cayla, elle évoque la “précarisation des foyers”, mais elle exprime aussi l’importance “d’agir concrètement et radicalement dans la crise climatique”, ne pas faire d’enfants résulterait donc de “choix économiques mais aussi de choix politiques”.

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