Une mobilisation en réponse à un projet d’expulsion massive de réfugiés
Ce sont les révélations du média d’investigation allemand « Correctiv », en date du 10 janvier, qui ont conduit à cette mobilisation d’une inhabituelle affluence. Le média a divulgué la tenue d’une réunion secrète d’extrémistes, à Potsdam (près de Berlin), où un projet d’expulsions massives de deux millions de personnes étrangères ou d’origine étrangère, vers l’Afrique du Nord, a été discuté en présence d’élus de l’AfD.
Selon le média Correctiv, les personnes soutenant les réfugiés étaient aussi concernées par ce projet d’expulsions massives. Ce dernier a été présenté et impulsé par Martin Sellner, défenseur de la théorie du « grand remplacement », et fondateur du Mouvement identitaire autrichien, lequel prône un plan de « remigration massive ». « Ce projet n’est pas sans rappeler le projet des nationaux-socialistes de déporter quatre millions de juifs vers l’île de Madagascar en 1940 », souligne Correctiv.
L’AfD a de son côté, par voie de presse, confirmé la présence de certains cadres de l’aile radicale du parti, mais a minimisé son soutien au projet. Précisant être présents à la réunion à titre personnel, ils ont nié adhérer au projet porté par Martin Sellner.
Des rassemblements d’une rare ampleur…
Suites à ces révélations, plus de 1,4 million de personnes ont manifesté, entre le vendredi 19 et le dimanche 21 janvier, dans plusieurs dizaines de villes allemandes, contre l’AfD. La manifestation de Munich, qui a rassemblé quelque 50 000 personnes, a même dû être interrompue, le nombre d’individus présents étant deux fois supérieur au nombre d’inscrits. Dans la capitale, Berlin, ce sont 350 000 personnes qui sont descendues dans les rues pour protester contre l’AfD. Les pancartes « dehors les nazis », ou encore « pas de place pour les nazis » pouvaient être lues, notamment à Francfort, où 35 000 personnes ont manifesté, ainsi que des slogans tels que « plus jamais ça ».
Le débat concernant l’interdiction du parti d’extrême droite a ainsi été relancé. Une pétition en ce sens a obtenu plus de 750 000 signatures. Au Bundestag, le député démocrate-chrétien Marco Wanderwitz a démarré une campagne visant à réunir au moins 5% de signatures d’élus du Parlement pour lancer le processus d’interdiction. Plusieurs représentants religieux et sportifs, comme des entraîneurs de clubs de la Bundesliga, ont également appelé les Allemands à se mobiliser contre l’AfD.
À titre comparatif, la dernière manifestation contre l’extrême droite en France a eu lieu le 16 avril 2022, suite aux résultats du premier tour des élections présidentielles. 150 000 personnes étaient descendues dans la rue.
… à quelques mois des élections européennes
L’AfD, en dynamique depuis quelques années, ne cesse de progresser électoralement. Selon les derniers sondages d’opinion réalisés auprès d’échantillons de la population allemande, l’AfD était créditée de 23% d’intentions de vote, en date du 31 juillet 2023. Elle avait réalisé 11% des suffrages en 2019. L’AfD est en outre crédité de plus de 30% des voix, à huit mois d’élections régionales dans les régions Saxe, Thuringe et Brandebourg.
Cette dynamique de l’AfD n’est pas anodine et s’inscrit dans un contexte de dérive vers les partis d’extrême-droite au niveau européen. La récente victoire du Parti pour la liberté aux Pays-Bas en est la dernière illustration.
Une tendance aux alliances entre partis de droite, voire de centre-droite, avec l’extrême droite, s’observe également depuis quelques années. C’est le cas dans les pays scandinaves comme la Finlande ou la Suède qui sont en ce sens des exemples éloquents, tout comme certains pays d’Europe du Sud, comme l’Italie ou l’Espagne. En France, le vote de la loi Immigration en décembre dernier a relancé le débat sur ce sujet.