Le Qatargate : l’affaire de corruption de trop
« L’Europe décide, Bruxelles autorise et l’UE interdit ». C’est souvent ce qu’on dit des instances d’élites bruxelloises. Jugée comme trop peu représentative des peuples européens, l’Union européenne est souvent considérée comme éloignée de la réalité. Ce scandale peut donc paraître comme la goutte d’eau qui fait déborder ce vase que représente l’opinion publique. Alors que les institutions européennes ont du mal à être légitimes et sont accusées de perpétuer un déficit démocratique, ce scandale rebat les cartes et remet de nouveau en question la place de l’Union européenne.
Ce 9 décembre 2022, la police belge réalisait une série de perquisitions à Bruxelles. Ce scandale impliquerait non seulement le Qatar, mais également le Maroc. Dans ce scandale, certains eurodéputés auraient été payés afin de mettre en avant les intérêts du Qatar. De cette manière, des proches du Parlement européen « auraient été soudoyés par les services secrets marocains, la DGED ». D’après les dires, « en retour, ces suspects influenceraient secrètement des déclarations et les résolutions du Parlement européen. Ils seraient même parvenus à faire nommer des députés dans certaines commissions ».
La vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, a été arrêtée à la suite de ces perquisitions. Elle a été ensuite démise de ses fonctions. C’est un véritable séisme qui secoue l’institution. Près de 1,5 million d’euros en liquide ont été saisis. Mais cette dernière n’agissait pas seule. Aujourd’hui, quatre acteurs principaux ont pu être identifiés. Aux côtés de l’ancienne vice-présidente, Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé et président de l’ONG Fight Impunity, Francesco Giorgi, assistant parlementaire et Niccolo Figa-Talamanca, secrétaire général de No Peace Without Justice (NPWJ) ont été condamnés.
La légitimité des eudéputés remise en cause
C’est un coup de massue en plus pour les eurodéputés. Alors que certains tentent de faire valoir leur légitimité et la contribution qu’ils peuvent apporter à l’Union européenne pour le peuple et au nom de la démocratie, voici que cette affaire éclate ! De quoi remettre en cause les valeurs qu’ils défendent. Il est donc évident que le Parlement européen souhaite se pencher sur le rôle des lobbyistes.
Près de 40 000 au Parlement européen, ces lobbyistes, qui ont pour rôle principal d’influencer les décisions politiques et le processus législatif, peuvent parfois être considérés comme peu moraux. En effet, alors que certains d’entre eux défendent les intérêts de causes louables tels que les animaux, l’environnement ou encore l’écologie, certains profitent de leur statut pour influencer des politiques publiques aux retombées malhonnêtes.
La confiance est donc à rétablir, et d’urgence. Face à une telle ampleur de scandale, il est important de mettre en place de nouvelles mesures de contrôle. Au-delà des eurodéputés, il semble essentiel de contrôler également les ONG présentes à l’Union européenne. En effet, deux ONG sont impliquées dans cette affaire, mettant également à mal l’image de ces organisations à but non lucratif.
La volonté de sanctionner et de renforcer les règles internes
À la suite de cette affaire de corruption, la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a décidé de renforcer les règles internes. En effet, selon elle, il serait essentiel d’imposer davantage de transparence au sein de cette institution. Ces nouvelles règles concerneraient également l’intégrité des eurodéputés. Parmi les mesures évoquées, on retrouve les suivantes : régulation des conflits d’intérêts, interdiction des groupes d’amitié avec les pays tiers, renforcement du contrôle des lobbyistes, plus grande transparence des députés… Cette transparence se traduirait notamment par la publication obligatoire des rendez-vous des eurodéputés avec des tiers dans le cadre des résolutions du Parlement.
Alors que Eva Kaili, ancienne vice-présidente grecque a dû retourner à la prison d’Haren, au nord de Bruxelles, un communiqué d’un diplomate Qatari met en garde contre « l’impact négatif » des mesures prises par le Parlement européen. Le renforcement des contrôles internes ainsi que les sanctions décidées seraient-elles une menace pour le Qatar ? Cela pourrait-il provoquer un embargo sur les contrats gaziers avec lesquels l’Europe fonctionne ? Il est évident que l’influence que ces derniers peuvent avoir sur l’Europe est tout de même à prendre en considération.