Éléments de contexte : Qu’est-ce que EACOP ?
Depuis 2006, les réserves abondantes d’or noir, sous le lac Albert en Ouganda, suscitent un vif intérêt. On estime la quantité totale de pétrole brut à environ 6,5 milliards de barils, dont 2,2 milliards sont récupérables. Les entreprises TotalEnergies et Cnooc (China National Offshore Oil Corporation), entreprise chinoise, ont obtenu les droits d’exploitation de cette précieuse ressource. Ce projet porte le nom d’EACOP.
Le pipeline est un tuyau permettant le transport de fluides sur de longues distances. Il sera chargé de transporter du pétrole brut entre l’Ouganda et la Tanzanie. Il devrait relier les gisements du lac Albert, dans l’Ouest de l’Ouganda, à la côte tanzanienne sur l’océan Indien. Ce pipeline massif s’étendra sur une distance de 1 443 km. Il nécessitera un chauffage constant à 50 °C, en raison des caractéristiques physiques du pétrole. En effet, cette matière à besoin d’une certaine température pour circuler. Il s’agira ainsi du plus long oléoduc chauffé au monde.
Destruction de la faune et la flore
Le tracé du pipeline EACOP traverse des zones écologiquement sensibles. Notamment seize aires naturelles protégées dont des parcs nationaux, des réserves naturelles et des habitats fauniques. La construction du pipeline EACOP entraînera inévitablement une déforestation considérable. Des milliers d’hectares de forêts tropicales, abritant une biodiversité unique et des écosystèmes fragiles, seront détruits.
La perte d’habitats naturels pourrait conduire à l’extinction de certaines espèces animales et végétales. Ceci perturberait ainsi l’équilibre écologique délicat de la région. D’après l’itinéraire de l’oléoduc, la faune sauvage (144 espèces de mammifères et 500 espèces d’oiseaux) serait durement impactée. « Le tracé du pipeline semble presque avoir été dessiné pour mettre en danger le plus grand nombre d’animaux possible » constate Bill McKibben, écologiste américain.
Des animaux emblématiques et menacés, tels que des lions, des élans, des petits koudous, des buffles, des impalas, des hippopotames, des girafes, des antilopes rouannes, des sitatungas, des sables, des zèbres, des oryctéropes et des singes colobes rouges verraient leur survie compromise.
Impact sur les ressources en eau
Le pipeline représente un risque imminent pour les ressources en eau et les zones humides en Ouganda et en Tanzanie. En effet, il traversera plus de 200 rivières, y compris le bassin du lac Victoria. Ce dernier est essentiel pour plus de 40 millions de personnes. Ces individus dépendent de celui-ci pour leur approvisionnement en eau potable et leur production alimentaire. La moindre incidence telle qu’un déversement ou une fuite pourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur ces sources d’eau douce vitales. Mais cela aurait également un impact sur les millions de personnes qui en sont tributaires.
Risque de déversements de pétrole
Les pipelines sont sujets à des fuites et des déversements de pétrole. Ici, le projet EACOP ne fait pas exception. Le transport du pétrole brut sur une distance de 1 443 km augmente considérablement le risque de déversements. Il est fortement probable qu’il y ait des fuites en raison de dommages accidentels ou d’un manque d’entretien. Mais également en raison du passage de l’oléoduc à travers une zone sismique active. Dans ces zones, des tremblements de terre surviennent régulièrement. Tout incident de ce type aurait des conséquences dévastatrices, sur les écosystèmes aquatiques et les terres agricoles, pour les communautés riveraines dépendantes de ces ressources.
L’impact sur les communautés locales
L’aboutissement du projet engendrerait le déplacement de plus de 100 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie. Parmi ces individus, des milliers de familles, d’agriculteurs et d’éleveurs. En réalité, le projet a déjà perturbé les moyens de subsistance de nombreux individus concernés. Le forage de 400 puits a déjà commencé. Les propriétaires locaux qui s’opposent à ce processus ont été soumis à des intimidations et à des manœuvres manipulatrices. Ce qui les a poussé à céder leurs terres en échange d’une indemnisation dérisoire. Les populations autochtones et les agriculteurs locaux sont déjà en train de perdre leurs terres et leurs modes de vies traditionnels. Ce qui est accompagné de conséquences considérables.
À terme, ce déplacement forcé des communautés locales pourrait causer des conflits socio-économiques.
Amplification des émissions de gaz à effet de serre
Censé faciliter l’exploitation et l’exportation de pétrole brut, le projet EACOP entraînera aussi une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Chaque année, l’oléoduc transportera 10,9 millions de tonnes de pétrole. Lorsque l’or noir sera brûlé, il entraînera des émissions de gaz à effet de serre émettant jusqu’à 34,3 millions de tonnes de CO2 par an. Cela représente une quantité bien supérieure aux émissions de gaz à effet de serre combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie.
S’il voit le jour, ce projet multipliera par sept les émissions de gaz à effet de serre de l’Ouganda. Cela va à l’encontre des efforts mondiaux et des objectifs fixés par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Le GIEC et la communauté scientifique s’accordent à dire que pour lutter contre le changement climatique, il est impératif de ne plus engager de nouveaux projets d’extraction de pétrole et de gaz. Cela permettrait d’avoir une chance de limiter l’augmentation de la température mondiale à +1,5°C.
Bien que le projet Total Energies EACOP puisse représenter une avancée économique pour la région, il est crucial de prendre en compte les graves conséquences environnementales qu’il entraîne. Les risques liés à la biodiversité sont conséquents. Tout comme ceux liés aux déversements de pétrole, à la déforestation et aux émissions de gaz à effet de serre. L’impact sur les ressources en eau ne doivent pas être négligés également. Dans une tribune au « Monde », un collectif de 188 scientifiques et experts dénonce et alerte sur la « bombe carbone » qu’est ce projet d’oléoduc.
Pour arrêter EACOP, il est essentiel que les décideurs politiques, les entreprises et plus globalement la société civile évaluent attentivement les risques et les bénéfices. Une solution demeure : explorer des alternatives plus durables pour répondre aux besoins énergétiques de la région sans compromettre l’environnement et les communautés qui en dépendent. Nul ne peut et doit rester indifférent, face aux menaces écologiques découlant du projet EACOP.
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