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Proche-Orient : Paris, Le Caire et Amman montent au front diplomatique

Alors que la guerre à Gaza continue de ravager l’enclave palestinienne, les efforts diplomatiques tentent de faire entendre une voix différente : celle de la désescalade, de la reconstruction, et d’un avenir politique viable. Le lundi 7 avril, la France, l’Égypte et la Jordanie ont tenu un sommet trilatéral au Caire, au cœur d’un Proche-Orient à vif. À l’issue de cette rencontre, un communiqué commun a été publié, posant les bases d’une feuille de route politique ambitieuse et volontariste. Le message est sans détour : il faut un cessez-le-feu immédiat, une aide humanitaire massive, une relance du processus de paix, et un rôle central pour l’Autorité palestinienne dans l’après-guerre.

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Emmanuel Macron reçoit le Président égyptien Al-Sissi à PARIS, le 22 juin 2023. (Photo by Christian Liewig - Corbis/Getty Images)
Emmanuel Macron reçoit le Président égyptien Al-Sissi à PARIS, le 22 juin 2023. (Photo by Christian Liewig - Corbis/Getty Images)

Le contexte : une guerre qui s’enlise

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, et la riposte militaire israélienne déclenchée dans la foulée, la bande de Gaza est plongée dans une guerre d’une intensité inédite. Près de 33 000 morts côté palestinien, majoritairement des civils selon les données des Nations unies, et plus de 1 200 morts côté israélien.

L’enclave, déjà sous blocus depuis 2007, est aujourd’hui en ruines. Le nord de Gaza est presque entièrement détruit, les hôpitaux débordent ou ont cessé de fonctionner, et la famine menace plus d’un million de personnes. Dans ce contexte d’urgence extrême, l’appel à la trêve lancé par la France, l’Égypte et la Jordanie sonne comme une tentative de rupture face à l’impasse militaire actuelle.

Un cessez-le-feu humanitaire comme priorité absolue

Le premier objectif des trois capitales est clair : mettre un terme aux combats, pour permettre l’accès humanitaire et préserver ce qui peut encore l’être. Dans le communiqué de presse diffusé par l’Élysée, on peut lire :

« Les trois pays appellent à une cessation immédiate des hostilités dans la bande de Gaza, pour permettre l’acheminement urgent et massif de l’aide humanitaire à la population civile. »

Une demande qui rejoint celle de l’ONU et de nombreuses ONG, confrontées à un mur logistique et politique : les convois sont rares, filtrés ou bloqués, et la population civile, notamment les enfants, est la première victime de cette inaction.

Les dirigeants demandent également l’application de l’accord du 19 janvier, incluant un échange d’otages israéliens contre des prisonniers palestiniens, et la sécurisation d’un cadre de négociation encadré par des acteurs régionaux.

L’après-guerre : redonner un rôle central à l’Autorité palestinienne

Au-delà de l’urgence, le sommet du Caire se veut aussi porteur d’une vision à moyen et long terme. Et cette vision passe par le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza.

Depuis l’éviction du Fatah par le Hamas en 2007, Gaza est gouvernée de facto par le mouvement islamiste. Mais pour Paris, Amman et Le Caire, cela ne peut plus durer. La stabilité future de Gaza doit, selon eux, être assurée par une entité légitime, modérée, et reconnue par la communauté internationale.

« La gouvernance, l’ordre public et la sécurité dans Gaza et dans tous les territoires palestiniens doivent être confiés à une Autorité palestinienne renforcée. »

Cette position implique un processus de réforme interne pour l’Autorité palestinienne, jugée inefficace et discréditée auprès d’une partie de la population palestinienne. Mais elle reste, pour les diplomates, la seule alternative viable à l’anarchie ou à une occupation prolongée.

Des lignes rouges : non au déplacement, non à l’annexion

Les trois pays tiennent aussi à établir des limites claires à ne pas franchir, pour empêcher toute dérive du conflit.

Dans leur communiqué, ils réaffirment leur opposition à tout déplacement forcé de population palestinienne, une crainte largement relayée depuis les débuts du conflit, notamment vers l’Égypte voisine. Ils rejettent également tout plan d’annexion de territoires palestiniens, une hypothèse régulièrement évoquée par l’aile droite du gouvernement israélien.

Ce positionnement vise à préserver la géographie d’un futur État palestinien, et à empêcher toute tentative d’ »expulsion douce », à travers des couloirs humanitaires ou des zones de rétention temporaires.

Jérusalem et la Cisjordanie, autres foyers de tension

Si Gaza attire l’attention du monde, la situation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ne cesse de se dégrader. Depuis octobre, les incursions de l’armée israélienne dans les villes palestiniennes sont quasi-quotidiennes, et les violences de colons se sont intensifiées.

Les trois pays condamnent cette escalade, et appellent à l’arrêt immédiat des mesures unilatérales : extensions de colonies, destructions de maisons palestiniennes, restrictions d’accès aux lieux saints.

Particulièrement préoccupant : le sort de l’esplanade des Mosquées, site religieux explosif situé à Jérusalem. La Jordanie, qui en est la gardienne historique, demande le respect du statu quo religieux, régulièrement remis en cause ces derniers mois.

Une paix juste et durable : le retour de la solution à deux États

Au cœur de ce sommet se trouve une ambition plus large : remettre sur la table l’idée d’une paix durable, fondée sur la création de deux États.

« Une paix juste, globale et durable ne peut être atteinte que par la création d’un État palestinien indépendant, vivant côte à côte avec Israël, dans des frontières sûres et reconnues. »

Cette position, largement défendue par la diplomatie française depuis des décennies, semble aujourd’hui marginalisée face à la realpolitik actuelle. Israël n’a jamais été aussi éloigné d’un compromis, et la fragmentation du camp palestinien complique toute relance sérieuse du processus de paix.

Mais pour les dirigeants réunis au Caire, il n’existe pas d’alternative sérieuse à cette voie politique. Les solutions militaires ont toutes échoué. L’extrémisme s’alimente du désespoir. Et seule une solution politique pourrait offrir un horizon crédible.

Un sommet utile… mais entendu ?

Reste une question : quel poids ont réellement ces déclarations dans le jeu diplomatique mondial ?

Israël rejette catégoriquement l’idée d’un cessez-le-feu “unilatéral”, et les négociations indirectes via le Qatar, l’Égypte et les États-Unis piétinent. Le Hamas, de son côté, exige un retrait total des troupes israéliennes de Gaza pour envisager un accord.

Et si les voix françaises, égyptiennes et jordaniennes sont claires, elles manquent pour l’instant d’un relais fort côté américain pour espérer infléchir les positions israéliennes.

Pourtant, dans ce chaos, ce sommet marque un tournant stratégique : celui d’une volonté partagée, non pas d’imposer une solution, mais de rappeler que la paix reste possible, à condition d’en poser les fondations dès maintenant.

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