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« Porno : l’enfer du décor », le rapport inédit du Sénat

Mardi 27 septembre, quatre députées ont présenté un rapport inédit au Sénat. « Porno : « l’enfer du décor ». Quelques mois après le début des affaires French Bukkake et Jacquie et Michel, le rapport aborde de nombreux sujets opaques d’un milieu qui l’est tout autant.

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L'hémicycle du Sénat © Abaca Press
La présentation d’un rapport aussi inédit qu’inattendu

C’est une petite bombe dans l’amphithéâtre du Sénat, où a été présenté mardi dernier le premier rapport sur la pornographie, et son influence sur la jeunesse.

En effet, le rapport est le premier en la matière. Il s’inscrit dans le contexte d’une avancée pénale dans le cadre des violences pornographiques, en lien avec les affaires dites  » French Bukkake » et « Jacquie et Michel ».

Les sénatrices Laurence Rossignol, Alexandra Borchio Fantimp, Annick Billon et Laurence Cohen ont présenté ce rapport. Il est le résultat de 6 mois d’enquêtes minutieuses au travers notamment d’interview de victimes du système ou encore de l’épluchage de la plupart des contenues pornographiques accessibles sur Internet. Le rapport se veut précis, argumenté et matière de réflexion pour le Sénat.

Plus que des dénonciations fondées, il tente d’apporter des réponses. Une série de 23 recommandations politiques et juridiques est exposée en dernière partie.

Retour sur un rapport inédit, qui pourrait faire évoluer les moeurs et la loi en matière de pornographie.

L’affaires « French Bukkake »

L’affaire dite « French Bukkake  » (du nom d’un site internet) commence en fin d’année 2020 avec l’ouverture d’une information judiciaire. Deux ans plus tard, le vendredi 30 septembre 2022, 4 hommes sont mis en examen pour « traite d’être humain en bande organisée » et « viol en réunion ». Parmi eux, 2 réalisateurs et 1 acteur français amateurs.

Ce site français méconnu propose en plus des vidéos gratuites « classiques », un service pour les abonnés. En effet, un abonnement permet aux fidèles d’assister voire de participer à des tournages pornographiques. La frontière entre plaisir et travail n’est alors plus distincte.

Autres dessous de l’affaire, le recrutement des femmes utilisées dans les vidéos pornographiques. Le réalisateur Pascal O, un des hommes mis en cause utilise un mode opératoire précis. Les femmes, de profils similaires : manque financier, à peine majeure et avec des difficultés sociale ou psychologique sont approchées par des faux profils d’escortes. La plus connue se nomme « Axelle » et est en réalité un homme. Une fois les jeunes femmes convaincues, « Axelle » les met en relation directe avec Pascal O. Ce dernier se veut l’organisateur de tournage de films érotiques amateurs, destinés à ne pas être publiés en France.

Une déshumanisation des femmes

Les recruteurs du site se jouent de la fragilité émotionnelle des jeunes femmes. « C’est un lavage de cerveau. Ils ont su que j’étais une proie » déclare une victime pour les rapporteurs.

Certaines victimes rapportent les actes inhumains et de barbarie qu’elles ont subis. Des week-ends entiers de torture, avec des viols répétés pour le compte des abonnés, ou de vidéos publiées par la suite. Loin des débuts du porno sur les écrans, ces jeunes femmes deviennent des proies pour les abonnés de la plateforme.

Là encore le mode opératoire se répète. « Le premier viol (…) a fait de moi un robot qui ne fait qu’obéir à des hommes qui m’ont lobotomisée » déclare une autre victime.

Les hommes mis en examen sont en attente de leur procès.

L’Affaire Jacquie et Michel : la remise en cause d’un géant du porno

L’affaire Jacquie et Michel met quant à elle en cause le patron du groupe Arès – détenteur de Jacquie et Michel – Michel Piron. L’homme d’affaires a été mis en examen en Juin 2022 pour complicité de viol et traite d’être humain. Là encore, une enquête avait été ouverte dès 2020, après les témoignages de deux femmes pour Konbini et un signalement adressé par Osez le féminisme, les Effrontr-èes et le mouvement du Nid.

7 plaigantes se sont constituées parties civiles pour des faits similaires à ceux de l’Affaire « French Bukkake » : relations sexuelles non consenties, viol de soumission, violences psychologiques…

Une des questions que posent ses deux affaires porte sur le droit à l’oubli. En effet, il n’existe actuellement, aucune mesure ou presque sur la suppression de vidéos litigieuses. Avec le flux d’images continue de ces grandes plateformes, appelées tubes, il est quasiment impossible de supprimer des vidéos, l’enregistrement et le streaming n’étant pas contrôlés.

Une industrie d’ancien temps ?

C’est alors toute une industrie qui est remise en cause. Il est l’un de ces domaines qui semblent avoir laissé de côté liberté et éthique. Les grandes entreprises telles que Dorcel sont prises de court par ces tubes qui publient tout, gratuitement, et utilisent la publicité pour se faire de l’argent.

« Depuis sept à huit ans, des sites sauvages, notamment les tubes, diffusent des contenus pornographiques sans aucune restriction d’accès, pour des raisons purement commerciales » déclare Grégory Dorcel pour le compte du rapport.

Les axes principaux du rapport

Le rapport de près de 200 pages comprend deux parties divisées en un grand nombre de sous-parties. La première se porte principalement sur les violences faites aux femmes. Tout en dénonçant l’accès sans restriction aux images à caractères pornographiques. La seconde se penche quant à elle sur les recommandations de la délégation pour interdire les violences pornographiques.

Si les titres semblent seulement évoquer les violences sexuelles, cœur des deux affaires présentées précédemment, le rapport est en réalité bien plus complexe. Il expose en effet un panel de danger, à commencer par l’accès, dès le plus jeune âge, gratuitement, à des images ou vidéos d’une grande violence.

Un accès de tout, à tout âge

La massification du nombre de tubes et de fait, du nombre d’images diffusées sur Internet, augmente les chances de voir des jeunes se retrouver face à ces images de plus en plus violentes.

Selon un sondage Opinionway, 11% des garçons et 10% des filles ont vu des images pornographiques avant l’âge de 11 ans.

Le plus alarmant réside dans le fait que certains jeunes sont exposés à ces images malgré eux. Beaucoup utilisent les réseaux sociaux : Twitter, Instagram pour ne citer que les plus connus. Ils peuvent donc être exposés à des images à caractères pornographiques sans le vouloir. La politique des réseaux sociaux en la matière n’étant pas parfaite, les fuites s’avèrent nombreuses.

Une question se pose alors : Existe-t-il une causalité entre l’âge d’accès à un outil numérique et l’âge des premiers contacts avec des images pornographiques ?

Selon un sondage de Médiamétrie, l’âge d’accès moyen à un téléphone se situe aux alentours de 10 ans. Une fois le téléphone en main, rien de plus simple, peu importe l’âge, que de se rendre sur un site pornographique. Et si la plupart de ses sites demandent l’âge des utilisateurs – souvent avec de simples questions – le rapport dénonce l’insuffisance de cette méthode. Les contrôles ne sont pas efficaces.

Une violence sexuelle banalisée et exacerbée

Comme les deux affaires évoquées plus haut le montrent, la violence pornographique existe. Pire, elle se répand. L’accès à des contenus extrêmement violents, faisant parfois l’apologie du viol ou de l’inceste, est si facile qu’elle peut impacter tout le monde.

Le rapport dénonce en ce sens un manque total de restrictions quant à l’accès à ce genre d’images. De plus, certains tubes mettent même l’accent sur ces « catégories » de films érotiques.

Une érotisation de la violence se joue alors, insidieusement. De même, une culture viriliste du sexe s’installe. Cette culture engendre-t-elle de nouvelles violences par ceux qui la reçoivent ? Est-elle le moteur de comportements violents chez certains consommateurs de ce genre de catégories ?

Des solutions juridiques et politiques sont-elles envisageables ?

Si une loi n’est pas envisageable dès la parution de ce rapport, des avancées sont probables. En effet, dans le contexte des affaires Jacquie et Michel et French Bukkake, des discussions juridiques paraissent possibles.

Les 23 recommandations du rapport amènent des débuts de piste pour de probables débats futurs.

Les 6 premières visent à instaurer un débat dans l’espace public contre les violences pornographiques. La recommandation n°2 vise bien le côté juridique et veut « Faire des violences sexuelles commises dans un contexte de pornographie, un délit d’incitation à une infraction pénale (viol ou agression sexuelle) ».

Les recommandations sont ensuite divisées en trois parties.

Une sur la suppression de contenus illicites et sur la facilitation du droit à l’oubli. Cela met notamment la pression sur les tubes, exposés à des amendes en cas de non-respect.

La deuxième partie touche l’un des nerfs du problème, la jeunesse. Il y a volonté d’appliquer une loi sur l’accès aux mineurs aux plateformes pornographiques. Par exemple, il serait envisagé d’imposer aux sites pornographiques, l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’utilisateur n’est pas vérifié.  

La dernière partie des recommandations est peut-être la plus efficace sur le long terme. L’éducation parait être une des clés, si ce n’est la meilleure, pour éviter les dérives d’un milieu si opaque. « Eduquer, Eduquer, Eduquer », pour sortir la jeunesse de « l’enfer du décor ».

Modèle pour la frappe des Rapports Parlementaires (senat.fr)

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