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Pénurie de Pegasys : le résultat d’une mauvaise gestion collective 

Le 29 avril 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a signalé une pénurie de Pegasys. Ce médicament est utilisé, entre autres, pour traiter les cancers du sang. La situation est alarmante, d’autant plus qu’une perspective de normalisation n’est pas envisagée avant mars 2025.

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Le 29 avril 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a signalé une pénurie du médicament Pegasys. Crédit : Laura Berthuin
Le 29 avril 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a signalé une pénurie du médicament Pegasys. Crédit : Laura Berthuin

Pegasys. Ce mot ne vous dit peut-être rien, mais pourtant, ce traitement est vital à des milliers de personnes. De son vrai nom peginterféron alfa-2a, le Pegasys est un médicament essentiel utilisé pour traiter les cancers du sang (polyglobulie de Vaquez et thrombocytémie essentielle). Il est également utilisé pour le traitement des hépatites chroniques B et C chez les adultes et les enfants. Mais, comme si l’angoisse de la maladie ne suffisait pas, les patients doivent désormais composer avec la pénurie. Depuis avril, il est devenu quasiment impossible de s’en procurer. Et pour cause, une pénurie du médicament utilisé dans tous les dosages, tant en milieu hospitalier qu’en ville. 

Un traitement vital

“On ne va pas remplacer le Pegasys par une petite tisane”. Ces mots, ce sont ceux de Karin Tourmente-Leroux, présidente de l’association Vivre avec une NMP qui accompagne quotidiennement les personnes atteintes de néoplasie myéloproliférative. Ils témoignent de l’importance du Pegasys pour les patients atteints d’un cancer du sang. Ce médicament est efficace pour réduire les taux de globules rouges ou de plaquettes et autres symptômes de la maladie. 

Jean-Jacques Kalidjian, professeur de Pharmacologie Clinique à l’Université de Paris et Hématologue consultant à l’Hôpital Saint-Louis (Paris) où il dirige le Centre d’Investigations Cliniques (CIC 1427), explique l’importance du Pegasys : “il s’agit du seul médicament, qui, chez certains patients peut arrêter la maladie. Avec celui-là, on a une certaine proportion de patients qui ne sont peut-être pas guéris définitivement, mais en tout cas, qui ont des grandes périodes sans traitement, avec une maladie qui ne se manifeste plus”

De nombreux effets secondaires

Comme vous l’aurez compris, pour la plupart, le médicament est indispensable dans l’espoir de retrouver une vie plus “normale”. Indispensable certes, mais surtout très lourd à porter au quotidien. D’abord, car le produit doit être administré par injection sous la peau au niveau de l’abdomen ou de la cuisse, une fois par semaine. Les patients peuvent demander à leurs aidants d’injecter Pegasys ou se l’injecter eux-mêmes à l’aide de la seringue pré remplie après avoir été formés à cette fin. 

Ensuite, si le Pegasys n’a pas d’effet toxique connu au long cours, il est néanmoins accompagné de son lot d’effets secondaires tant au niveau physique que psychologique. Parmi les plus notables, on retrouve la perte d’appétit, la dépression, les pensées suicidaires, l’anxiété, les maux de tête, l’insomnie, les vertiges… et j’en passe. Néanmoins, les patients sont obligés de subir ces complications, car le Pegasys est le seul interféron alpha commercialisé en France, depuis 2020. 

Des stocks de médicaments en tension

Celles-ci ont débuté peu après que le laboratoire Roche ait légué l’exploitation en France du Pegasys à Cheplapharm, un groupe plus petit, en 2021. Roche avait produit son dernier lot en 2017. Il devait couvrir la demande mondiale pendant environ 10 ans. Mais le laboratoire s’est fait dépassé et n’a pas réussi à suivre la cadence face à la demande mondiale qui a augmenté de façon significative. 

Un porte-parole de l’entreprise, n’ayant pas souhaité que son nom apparaisse dans l’article, détaille les raisons de cette hausse. “C’est à cause des récents changements sur le marché, notamment la décision d’une autre grande société pharmaceutique d’arrêter la fabrication et la distribution d’un traitement alternatif à base d’interféron ; les options de traitement limitées disponibles pour les patients atteints de néoplasmes myéloprolifératifs (MPN) en dehors de Pegasys ; l’utilisation élargie de Pegasys ect”. En conséquence, il est devenu quasiment impossible de trouver du Pegasys depuis le mois d’avril. Le lot de produits finis produit par Roche quant à lui, ne durera pas pendant la période prévue d’environ 10 ans.

Une période transitoire compliquée

“On est dans un trou où le stock de l’ancien laboratoire est en train de se terminer, et où la nouvelle production n’est pas encore libérée pour être sur le marché. C’est difficile à gérer”, déplore Jean-Jacques Kalidjian. Le laboratoire et l’agence du médicament ont assuré que tous les patients pourraient être couverts jusqu’à la nouvelle production. Théoriquement, toutes les pharmacies ont un distributeur qu’elles contactent, mentionnant que le patient n’a pas d’alternative grâce au papier de son prescripteur. Avec ça, normalement, ils sont approvisionnés. 

Mais dans les faits, c’est plus compliqué. Françoise, de la pharmacie de l’Opéra à Vichy, raconte le combat des pharmaciens pour se procurer du Pegasys. “C’est très compliqué, on doit être alerte et faire des demandes tous les jours. On arrive à s’en sortir, mais il ne faut pas lâcher”. Depuis le début de l’année, la pharmacienne a réussi à se procurer cinq boîtes de Pegasys. Il faut jongler entre les tensions d’approvisionnement et les quotas accordés par les grossistes. Quatre autres pharmacies vichyssoises ont quant à elle répondu que si elles arrivaient difficilement à s’en procurer, ce n’était pas plus de deux dosages à la fois. Ces derniers étant préalablement destinés à dépanner des patients. 

Des alternatives au ralenti 

Le laboratoire Cheplapharm a bel et bien cherché à accélérer son plan de fabrication de Pegasys en construisant une nouvelle usine en Autriche. Problème : la haute autorité de santé ne l’a pas encore autorisée. Par conséquent, le stock potentiellement exploitable est bloqué. 

De même, un autre interféron pourrait servir d’alternative au Pegasys. Il s’agit du Besremi. S’il a récemment obtenu l’autorisation d’être commercialisé en France, la haute autorité de santé n’a pas accordé son remboursement. De même, il est autorisé seulement pour les patients atteints de polyglobulie de Vaquez et uniquement chez ceux qui commencent un traitement. Concernant les personnes atteintes de thrombocytémie ou de myélofibrose, qui ne trouvent plus de Pegasys, aucune alternative que l’angoisse. 

Perte d’efficacité du traitement  

Si les délais annoncés par le laboratoire sont respectés, les répercussions devraient être minimes pour les patients. Jean-Jacques Kiladjian détaille, “on espère que les risques seront minimes. On est dans une période transitoire, si on fait le relais avec d’autres médicaments classiques, ça ne devrait pas forcément nuire beaucoup”. Mais dans les faits, à chaque fois que l’on change de médicament, il y a de nouveaux effets indésirables, mais surtout, une perte d’efficacité du traitement. La maladie est moins bien traitée. “Dans ce cas-là, le risque principal, c’est de faire des caillots sanguins. Là, ça deviendrait très grave”, raconte l’hématologue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les médecins spécialisés mettent en place une veille. Le but étant de faire remonter les possibles complications auxquelles pourraient être confrontés les patients. 

D’ailleurs, la pénurie alarmante du Pegasys est un problème ne se cantonnant pas seulement à la France. Il s’étend à toute l’Union européenne.

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