Enquête du parquet de Paris : Pavel Durov accusé de complicité sur Telegram
Le parquet de Paris vient de préciser dans un communiqué le périmètre de l’information judiciaire qui a entraîné l’arrestation du milliardaire franco-russe Pavel Durov. En effet, depuis quelques temps, son nom figure sur le Fichier des personnes recherchées (FPR) en France, et il fait l’objet d’un mandat de recherche dans le cadre d’une enquête préliminaire menée par l’Ofmin, l’Office mineurs de la police judiciaire française, qui se consacre à la lutte contre les violences faites aux mineurs.
Comme le détaille la procureure Laure Beccuau, cette enquête vise un total de douze infractions. La moitié d’entre elles le sont pour complicité, avec des délits visant des faits de pédopornographie, le trafic de stupéfiants, la cybercriminalité et l’escroquerie, des trafics ayant de notoriété publique cours sur la plateforme Telegram, qui compte environ 900 millions d’utilisateurs.
Le « Mark Zuckerberg russe »
Il est vrai que la presse moscovite désigne souvent Pavel Durov, âgé de 39 ans, comme le « Mark Zuckerberg russe ». Il s’est fait connaître aux côtés de son frère Nikolaï en fondant VKontakte, le premier réseau social en alphabet cyrillique de Russie. Cependant, Durov a fini par vendre cette première plateforme et a quitté la Russie, refusant de se plier aux exigences du FSB, le service de renseignement russe, qui lui demandait de transmettre les données personnelles de certains utilisateurs, notamment des militants ukrainiens pro-européens.
Ainsi, en avril dernier, lors d’un rare entretien vidéo avec le journaliste américain Tucker Carlson, il a évoqué comment les pressions exercées par les autorités russes à l’époque de VKontakte l’ont conduit à concevoir une messagerie cryptée, assurant ainsi la sécurité des communications privées de ses utilisateurs.
Le Président rejette les rumeurs sur l’arrestation de Pavel Durov
En raison du rôle de l’application Telegram dans le conflit ukrainien et dans le dispositif mondial de désinformation russe, les plus hautes autorités de l’État ont tenu à démentir l’existence de tout agenda caché dans cette affaire.
En effet, Emmanuel Macron a assuré lundi que l’arrestation sur le territoire français du patron de la messagerie cryptée Telegram, Pavel Durov, n’était «en rien une décision politique», rappelant que la France était «attachée à la liberté d’expression et de communication». «L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer», a déclaré le président français sur le réseau social X.
Une première dans le monde de la Tech
C’est la première fois que le patron d’un réseau social mondialement utilisé est arrêté pour les contenus de sa plateforme. Par le passé, Telegram a tout de même déjà été victime de tentatives de blocages dans plusieurs pays, comme en 2018, lorsque l’Iran et la Russie lui reprochaient respectivement d’héberger des groupes d’opposition violents et de ne pas livrer ses clés de chiffrement.
De toute évidence, l’arrestation de Pavel Durov a provoqué un engouement parmi les milieux libertariens américains. Elon Musk, sur sa plateforme X, a relayé l’indignation en lançant le hashtag « #FreePavel ». De son côté, Robert F. Kennedy Jr., ancien candidat indépendant à la présidentielle et désormais allié de Donald Trump, a souligné « l’urgence inédite de défendre la liberté d’expression ».
Notons également que les autorités russes ainsi que leurs relais médiatiques ont immédiatement dénoncé l’interpellation de Pavel Durov, accusant la France d’être un pays liberticide, oubliant naturellement d’indiquer les raisons pour lesquelles il avait lui-même fui la Russie en 2014.
La modération des plateformes de messagerie au cœur des débats
De surcroît, Telegram, à la fois messagerie et réseau social, représente une ressource inestimable pour les services de police et de renseignements. En contradiction avec ce qu’elle prétend, les conversations sur cette plateforme ne sont pas automatiquement chiffrées de bout en bout, contrairement à des services comme WhatsApp ou Signal. Pour garantir cette protection, les utilisateurs doivent manuellement choisir l’option « Nouvel échange secret » lors d’une conversation entre deux personnes. Les groupes et canaux, qu’ils soient publics ou privés, ne bénéficient pas de ce niveau de chiffrement, laissant ainsi la possibilité technique à l’entreprise d’accéder aux messages.
Cependant, le refus catégorique de Pavel Durov, créateur de Telegram, de coopérer avec les gouvernements, qu’ils soient autoritaires ou démocratiques, a fait de cette plateforme un espace incontrôlable, notamment de ceux qui souhaitent échapper à toute surveillance. Cette indépendance attire non seulement des opposants politiques cherchant à éviter la répression des régimes autoritaires, mais aussi des criminels de tous horizons, y compris des pédocriminels, terroristes, et trafiquants. Ainsi, ces derniers opèrent librement, sans craindre de représailles.
L’exemple le plus frappant reste l’utilisation de Telegram par les terroristes de l’État islamique avant les attentats de Paris en 2015. Ce qui fait le succès de la plateforme l’absence de contrôle et de régulation est également ce qui vaut à Pavel Durov sa position délicate aujourd’hui.
