Rappel des faits :
Avant de parler de l’ouverture des procès, il semble important de rappeler ce qu’a été l’affaire des Panama Papers. En 2015, un lanceur d’alerte anonyme et non rémunéré répondant au nom de John Doe – signifiant une personne non identifiée en anglais – a révélé 11,5 millions de données confidentielles appartenant au cabinet d’avocat panaméen Mossack Fonseca au journal allemand Süddeutsche Zeitung. Un an plus tard, ces informations furent révélées dans plus de 80 pays par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Ce fut ainsi le début d’un scandale mondial.
Les populations découvraient alors les faits les plus marquants des 2,6 terras révélés, allant des années 1970 à 2015. 214 00 sociétés offshores et leurs actionnaires furent découverts et ainsi accusés de fraude fiscale dans les documents de Mossack Fonseca. Le scandale fut d’autant plus important que parmi ces actionnaires se trouvaient des personnalités publiques du monde entier. On retrouvait notamment le président argentin, le Premier ministre islandais, le président des Émirats Arabes Unis, le roi d’Arabie Saoudite, l’ancien émir du Qatar, le président ukrainien … Les noms de Michel Platini, Gianni Infantino, Lionel Messi, Emma Watson, Jackie Chan, Jean-Marie Le Pen et d’autres apparaissent également dans cette liste.
Optimisation fiscale et évasion fiscale, une légère différence qui change tout :
Attention néanmoins, toutes ces entreprises et personnalités n’étaient pas coupables d’évasion fiscale. En effet, il a déjà été prouvé que pour certains, il ne s’agissait pas d’évasion fiscale, mais d’optimisation fiscale. À première vue, la différence ne semble pas frappante, mais d’un point de vue légal, cela change tout.
L’optimisation fiscale est permise, certes pour certains cela apparaît comme pas très moral, mais rien n’empêche d’y recourir. Cependant, les montages financiers mis en place pour la permettre sont souvent très compliqués. Il devient ainsi difficile de juger ce qui relève de l’optimisation fiscale ou de l’évasion fiscale. Une seule chose est sûre, pour qu’un cas soit considéré comme de l’évasion fiscale, il faut que ces montages financiers aient été délibérément mis en place dans le seul but de dissimuler des revenus ou des actifs imposables au pays de résidence, en utilisant des méthodes illégales. Toutes les personnalités citées juste avant ne sont donc pas coupables d’évasion fiscale, mais « seulement » d’optimisation fiscale pour certaines.
Des procès à l’ombre des regards :
Pour toutes ces raisons, la révélation de cette affaire des Panama Papers fut un véritable scandale. Il s’agit de l’une des plus grosses accusations de l’Histoire, en termes d’évasion fiscale, à une échelle mondiale d’autant plus. C’est pourquoi les procès devant rendre justice sur ce sujet devaient être exemplaires.
Le 15 novembre dernier devaient donc s’ouvrir les procès des Panama Papers au Panama justement. 32 accusés allaient y être jugés pour évasion fiscale. Or, l’identité de ces 32 personnes n’est pas connue. Seule certitude, les avocats Jürgen Mossack et Ramón Fonseca Mora sont bien présents, eux qui étaient à la tête du cabinet d’avocat Mossack Fonseca au cœur des accusations.
Mais l’ouverture de ces procès ne s’est pas passée comme prévu. Dès la première séance, l’un des prévenus a fait appel de l’ordonnance de première instance, ce qui a eu pour effet de décaler le début des procès. Cette première audience fut donc très brève, et il faudra attendre encore quelques jours pour que les procès s’ouvrent réellement (prévus pour début décembre).
Mais pire encore que ce report de l’ouverture des procès, c’est véritablement l’opacité de ceux-ci qui pose problème. Cela est dû à une justice panaméenne assez peu transparente. En effet, elle ne permet pas aux personnes extérieures au procès de connaitre l’identité des prévenus, y compris les médias. Peu importe l’ampleur de ceux-ci, il n’est pas possible de déroger à la règle. La seule chose que l’on sait est que les personnes qui vont comparaitre sont poursuivies pour atteinte à l’ordre économique. Il sera donc difficile de connaitre les sentences émises contre les accusés. Cela ne permettra pas de montrer des peines exemplaires qui pourraient dissuader de recourir à de l’évasion fiscale.
Puisque le pays n’a jamais vraiment caché sa nature de paradis fiscal, il serait étonnant que celui-ci cherche à empêcher l’évasion fiscale de se reproduire dans le futur de toute manière.
Quelle sera la suite de ces procès ?
Ainsi, il est difficile de prévoir ce qu’il va se passer dans les semaines à venir. Si les procès ne sont pas de nouveau repoussés, les 32 prévenus comparaitront bientôt devant une cour panaméenne de justice. Des peines seront alors prononcées contre certains d’entre eux, mais il est difficile de savoir si elles seront révélées. Dans tous les cas, l’une des plus grosses affaires d’évasion fiscale de l’Histoire à l’échelle planétaire risque de voir son dénouement passer complètement inaperçu.