L’”humilité” était de mise pour le gouvernement, dans l’espoir d’être reçu par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui regroupe les partis indépendantistes. La démarche du ministre de l’Intérieur en Nouvelle-Calédonie s’inscrit en effet dans une “transition” vers un nouveau statut politique de l’archipel, initiée en décembre 2023.
Pour le ministre, la priorité est bien de “bâtir un nouveau projet” qui mettrait fin au processus de décolonisation vieux de trente ans, certainement pas de réaborder la question de l’indépendance.
Sortir de l’indécision
Dès lundi 28 novembre à Nouméa, Gérald Darmanin s’invite au cœur du sujet. Il aborde le futur statut de l’archipel en nouant le dialogue avec le président Mapou et les membres du gouvernement. Si le territoire a déjà d’importantes compétences, l’État garde encore les pouvoirs régaliens : justice, ordre public, défense, monnaie et affaires étrangères.
Tant que ces pouvoirs sont détenus par le gouvernement de la métropole, l’archipel ne pourra pas prétendre à l’indépendance. Et sur ces points, le ministre de l’Intérieur ne manque pas de réaffirmer son autorité. Dépôts de gerbe en mémoire des “morts pour la France”, visite du commissariat de police de Nouméa ou d’un foyer, les symboles ne manquent pas.
Le gouvernement semble donc rester ferme et refuse d’envisager à nouveau l’indépendance. Il penche plutôt pour un “partage” de ces compétences régaliennes entre le gouvernement calédonien et celui de la métropole.
Ce compromis réjouit déjà les loyalistes, rangés derrière Sonia Backès, secrétaire d’État à la citoyenneté du gouvernement Borne. Mais le désaccord persiste sur le calendrier. Les partisans de la “Nouvelle-Calédonie dans la France” veulent que le dernier référendum sur le statut du territoire soit réalisé fin 2023.
À l’inverse, le FLNKS veut attendre les élections de 2024 et la constitution du nouveau corps électoral.
Trois “NON” à l’indépendance ?
Ce qui fait débat, c’est pourtant bien le positionnement du gouvernement français sur ce point. En octobre dernier, le FLNKS en est même venu à boycotter la première “convention partenaire”. Organisée par Elisabeth Borne, elle devait réunir à Paris, l’État, les loyalistes et indépendantistes.
En cause de ce boycott, leur refus de reconnaître les résultats du dernier référendum d’auto-détermination, organisé le 12 décembre 2021. Avec 56,1% d’abstention, les 96,49% de “NON” ont rapidement engendré les contestations des indépendantistes.
Accepter d’aller à Paris discuter, c’est légitimer le référendum.
Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Interview Le Monde, 28/10.
La veille du scrutin, le FLNKS avait volontairement appelé à ne pas participer au scrutin, considérant qu’il ne respectait pas les critères fixés lors des accords de Nouméa de 1998. Ces derniers prévoyaient qu’un référendum sur l’auto-détermination soit organisé au bout de 20 ans.
Finalement, ce n’est pas un, mais trois référendums qui ont été soumis au vote entre 2018 et 2021. Seul problème, le dernier d’entre eux, avait été organisé en pleine crise Covid et en période de deuil national. Des conditions qui, selon le FLNKS, rendaient impossible toute campagne politique.
“Réconciliation”
Aujourd’hui, les enjeux autour de la visite de Gérald Darmanin en Nouvelle-Calédonie sont de taille, tant les maladresses ont été nombreuses. D’abord, la réponse donnée par Sébastien Lecornu, lorsque le FLNKS avait demandé de reporter le vote à septembre 2022. Le ministre des Outre-mers de l’époque avait alors déclaré un “refus d’obstacle” et maintenu celui-ci à décembre 2021.
Ensuite, le rejet par le Conseil d’État du recours déposé par le Parti de libération kanak (Palika), premier parti indépendantiste du territoire, après le vote. Celui-ci défendait la place centrale occupée par le deuil dans les traditions du peuple kanak, majoritaire en Nouvelle-Calédonie. Cette décision du Conseil d’État interpelle d’autant plus que le “respect de la coutume kanak” est une des conditions fixées par les Accords de Nouméa.
Ce soir, la France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a choisi d’y rester.
Emmanuel Macron à l’annonce des résultats, le 12/12/2021
Les désaccords sont alors tels, que l’Assemblée Générale des Nations Unies doit examiner une résolution début 2023. Celle-ci a été portée en octobre devant la quatrième commission de l’ONU chargée de la décolonisation, par le groupe de Fer de lance mélanésien – qui regroupe plusieurs États du Pacifique – et le FLNKS.
Certes, elle a peu de chance d’aboutir car elle ne relève pas d’un contentieux entre États. Mais une chose est sûre : une partie des néo-calédoniens n’est pas prête à accepter n’importe quelle sortie du processus de décolonisation.