Originaire de Lens, Nicolas Guivier souffle dans son premier sifflet à seulement onze ans. Tout a commencé en tribune pour le Nordiste. Son père, à l’époque joueur de handball l’emmenait assister à ses matchs. Très rapidement, le jeune homme s’est fait remarquer dans le public pour ses commentaires et son analyse pertinente sur l’arbitrage.
« Je n’arrêtais pas de crier « Faute ! » depuis les gradins. Au début, le reste du public me regardait avec de gros yeux. Mais finalement, ils voyaient que je n’avais pas tort sur ce que je disais. Et un jour, à force de m’entendre, les dirigeants du Handball Pays Rochois sont venus me voir et m’ont proposés d’arbitrer le prochain match. Le président m’a donné ma première tenue, mon premier sifflet et c’est comme ça que l’aventure a débuté. »
Nicolas, quelles sont les difficultés que l’on rencontre en tant qu’arbitre sur le terrain ?
« La méconnaissance du règlement de la part des spectateurs. C’est la plus grosse de nos contraintes. Cela engendre parfois des incompréhensions ce qui nous oblige à être pédagogues envers le public. Mais ce n’est pas plus mal, puisqu’on participe finalement à enrichir la connaissance des gens. Après, plus on monte de niveau, plus les tensions sont fortes et les objectifs des équipes importants. Tout ça nécessite de la maîtrise, que ce soit au niveau des rapports humains ou du jeu en lui-même.
La mauvaise foi des protagonistes est une autre difficulté qui s’oppose à nous. On sait qu’on va faire l’objet de protestations plus ou moins virulentes. Il faut simplement savoir gérer au mieux ces moments-là pour ne pas se faire déborder. »
Est-ce que vous devez adapter votre niveau d’arbitrage en fonction du niveau, de la catégorie ou encore de la région où vous allez ? Est-ce qu’on arbitre les femmes de la même manière que les hommes ?
« Non, ce n’est pas différent. Que ce soit du handball masculin ou féminin, le règlement est le même. En revanche, la seule donnée qui change, c’est la manière de jouer. Les hommes et les femmes n’ont pas le même style de jeu. Cela est valable aussi pour les différentes catégories. On n’arbitre pas de la même façon des jeunes et des seniors. Pareil pour la région. Si l’on va dans le Sud-Est ou dans le Nord de la France, il faudra que l’on s’adapte aux exigences locales.
Ensuite, plus le niveau est élevé, plus les joueurs et les entraîneurs sont performants. Ça nous pousse à être précis dans notre analyse et notre arbitrage en général. On ne sifflera pas les mêmes fautes ou alors pas au même moment. L’objectif principal est de protéger au mieux le jeu et les joueurs. C’est le plus important. »
Cela fait maintenant quinze ans que vous arbitrez. Depuis quatre ans, vous évoluez au niveau national. Est-ce que vous avez constaté une évolution dans la mentalité des joueurs, des entraîneurs ou des spectateurs vis-à-vis de l’arbitrage ?
« Plus le niveau des matchs est faible, plus le manque de respect se fait ressentir. À cette échelle, les joueurs, les entraîneurs et même les arbitres, ont moins de formation et donc, ne peuvent pas toujours réagir de la bonne manière.
Quand on se rapproche du niveau professionnel, les arbitres sont plus suivis et mieux formés. Ils disposent donc de plus de compétences pour gérer les situations délicates et éviter les pièges. À titre personnel, depuis que je suis monté au niveau national avec mon binôme, j’ai rencontré beaucoup moins de difficultés. On a affaire à des joueurs qui ont le sens de l’honneur et du respect. Les problèmes d’insultes n’existent quasiment plus lorsque l’on arbitre un championnat national. »
Justement, vous parlez de votre binôme. Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés avec Quentin Rousseau ?
« C’est un peu le coup du hasard en réalité. Je venais de me séparer de mon ancien binôme qui devait partir à l’étranger pour ses études. Je me suis donc retrouvé tout seul et il y a 5 ans, le responsable de l’arbitrage, m’a présenté Quentin pour arbitrer un match des moins de 18 ans, à Chambéry. Au début ça a été très compliqué puisqu’on n’avait pas du tout le même style d’arbitrage. Ça ne s’est pas très bien passé sur le terrain et entre nous. Mais avec le temps, on a appris à se connaître et à se faire confiance. Et maintenant, c’est devenu un ami. Je vais même être témoin à son mariage pour vous dire. »
Est-ce qu’il est important de bien connaître son binôme, ou est-ce que l’on peut arbitrer avec n’importe qui ?
« On peut arbitrer avec quelqu’un que l’on ne connaît pas, mais le rendu sera totalement différent. On s’attardera beaucoup sur la règle plus que sur l’anticipation. L’arbitrage sera beaucoup moins fluide et saccadé par l’unique respect du règlement. Au contraire, lorsque l’on est avec une personne en qui on a confiance, l’arbitrage est plus dynamique, tout comme le jeu. En général, cela plaît plus aux acteurs du match. »
Quels sont les critères de sélection pour pouvoir arbitrer à haut niveau ?
« Chaque début de saison, on doit passer des tests physiques et écrits. Les examens physiques se font une fois par an, en septembre. C’est de la course à pied sous la forme d’un « shuttle run » et l’objectif est de franchir le palier 10-1 pour valider cette évaluation. Au niveau écrit, il faut que l’on ait au minimum 70% de réponses justes. On nous donne une situation de match litigieuse. L’objectif de l’examen est de trouver une solution adaptée au problème. Si on ne réussit pas ces évaluations, on ne peut pas arbitrer et il faudra que l’on passe un rattrapage.
Ensuite, tout au long de l’année, les superviseurs nationaux nous suivent. Ils viennent nous voir sur des matchs pour nous examiner. À la suite de cela, ils établissent des rapports, avec des points. Plus tu as été bon, plus tu as de points et plus tu peux monter en grade dans l’arbitrage. »
Quels sont vos objectifs dans l’arbitrage ?
« Forcément, c’est d’aller le plus haut possible. J’aimerais passer encore un palier et accéder au niveau pré-élite afin de pouvoir arbitrer sur une division reconnue professionnellement comme la D2 masculine ou la D1 féminine. Après, ça reste compliqué puisqu’il y a beaucoup de candidats. Cette promotion dépend aussi de nos compétences et de notre âge. »
On va parler un peu de votre actualité. Vous êtes récemment partis en stage d’arbitrage du côté de Martigues. Racontez-nous …
« Oui, c’était un stage de travail, puisqu’on vient de monter sur le groupe Excellence 1. Cela correspond à de l’arbitrage en N1 garçon et D2 féminine. L’objectif était de nous mettre au clair sur les attendus du niveau. C’était aussi l’occasion pour nous de rencontrer nos responsables ainsi que d’autres arbitres du groupe.
Le soir, on arbitre, pour que l’on mette en application tout ce que l’on nous as appris sur la journée. Un suiveur, l’équivalent d’un examinateur, juge notre performance. Le lendemain, on récupère la vidéo du match que l’on décortique, pour voir ce qui a été et ce qui n’a pas été. Au-delà de l’évaluation, Quentin et moi, avons eu la chance de voir du très beau handball ce soir-là. La rencontre opposait le Draguignan Var Handball (DVHB) à la réserve du Montpellier Handball (MHB). En tout cas, tout n’aura pas été parfait pour cette première à ce niveau-là. On s’est trompé sur certaines situations. Cette rencontre va nous servir. On a appris beaucoup de choses mais on s’est aussi conforté sur ce que l’on savait faire avec Quentin. »
Votre passion nécessite de gros déplacements. Les prochains sont Nîmes et Lille. Comment faites-vous pour allier le travail et l’arbitrage, puisqu’on le sait, vous êtes manager chez Métro France ?
« Je m’arrange pour bien préparer mes déplacements en organisant chacun d’entre eux longtemps à l’avance. Ça me permet d’allier les deux sereinement, puisque dans la grande distribution j’ai des astreintes et je travaille parfois le samedi matin. Après, on s’arrange toujours avec mes collaborateurs en fonction des lieux où je dois me rendre. Ils me facilitent pas mal la tâche aussi. Puis, avec Quentin, on essaye de faire en sorte que nos déplacements soient les plus rythmés possibles afin que l’on ne perde pas trop de temps. Et il faut bien savoir que nous organisons tout : notre travail, le trajet, l’hôtel, etc. En contrepartie, la Fédération Française de Handball et surtout les clubs nous financent le week-end.
Au-delà de 400 km, on doit se déplacer avec une voiture de location. Mon binôme et moi avons passé un accord avec Jean Lain Automobiles. Cela nous permet d’avoir de bonnes voitures à des prix raisonnables pour sillonner les routes de France. »
Est-ce que selon vous, à l’heure actuelle, il y a assez d’arbitres en France ?
« Les clubs français sont obligés de créer une école d’arbitrage en leur sein ou une structure capable de former des jeunes arbitres. Aujourd’hui, ce secteur est en pénurie, surtout en France. Il nous manque énormément d’arbitres pour siffler tous les matchs. Les clubs ont donc de plus en plus d’obligations. L’objectif est de développer l’arbitrage sur le sol français. »
Un petit mot de la fin pour tous les jeunes qui aimeraient se lancer, au même titre que vous, dans l’arbitrage ?
« La première erreur à ne pas faire, c’est de penser que l’arbitre est au-dessus de tout. Le choix de devenir arbitre doit ensuite être mûrement réfléchi. Il faut également bien écouter ce qu’on nous dit, les conseils de nos entraîneurs et surtout il faut déjà, pour devenir un bon arbitre, être un bon joueur. Une bonne maîtrise du jeu permet à l’arbitre d’analyser plus facilement certaines situations de match. Pour finir, je dirai que le maître-mot c’est la motivation. »
Vous l’aurez compris, l’arbitrage est un secteur d’avenir pour le sport. Alors n’hésitez plus et faites comme Nicolas Guivier, lancez-vous ! Mais n’oubliez pas votre motivation et surtout votre passion en chemin !