L’origine de la mission
L’idée d’une défense planétaire contre des objets géocroiseurs (corps célestes tels que les astéroïdes, les comètes…) émerge dans les esprits et notamment aux Etats-Unis à la fin du XXème siècle. En effet, c’est à la suite de l’impact de la comète Shoemaker-Levy 9 avec la planète Jupiter, que les scientifiques se sont rendus compte de l’importance capitale d’un dispositif permettant de réagir si un impact de même grandeur est un jour amené à concerner la planète bleue. Pour rappel, cette comète avait un diamètre d’environ 1,8km, soit largement suffisant pour former un cratère d’au moins 10km de diamètre et provoquer un cataclysme écologique mondial ainsi que la probable extinction de notre civilisation. Voir aussi : https://www.planetary.org/articles/nasa-to-build-asteroid-telescope
Près de deux décennies plus tard, en 2013, la NASA et l’ESA (l’agence spatiale européenne) décident de mener une mission conjointe consistant à déterminer la méthode et les mesures de détournement d’un objet géocroiseur. Ce projet coopératif, nommé à l’époque AIDA (Asteroid Impact and Deflection Assessement) est composé d’un orbiteur AIM (Asteroid Impact Monitoring) développé par l’ESA, ayant pour but d’analyser les effets de l’impact, ainsi que d’un impacteur (engin spatial envoyé sur le sol d’un corps céleste dans le but de soit prélever des échantillons soit d’observer les effets de son impact) développé lui par l’agence spatiale américaine.
En décembre 2016, le gouvernement Allemand décide de prioriser le financement du projet ExoMars. L’agence spatiale européenne se voit dans l’obligation de se retirer du projet et d’abandonner le développement de l’AIM. La NASA décide donc de poursuivre l’élaboration de son impacteur seule. Elle confie la conception et la fabrication à l’APL (Applied Physics Laboratory) de l’université de John Hopkins, à Baltimore dans le Maryland. Ces derniers se voient tout indiqués pour une telle tâche en raison de leur grande expérience dans le domaine des sondes spatiales. L’agence spatiale américaine sollicite également des observatoires du monde entier dont celui du pic du Midi, le but étant de leur déléguer la tâche initialement tenue par l’engin spatial européen.
Choix et mise en place de l’opération
Les observations ont permis de déterminer avec plus ou moins de précision la cible à atteindre: l’astéroïde binaire Didymos. Il est l’un des 158 systèmes astéroïdaux répertoriés au sein de notre système solaire et possède un satellite, Dimorphos, que la NASA a choisi de cibler. La sélection relève de plusieurs critères :
- le premier étant que la morphologie de ce double astéroïde le classe dans la liste des satellites susceptibles de représenter un danger pour la Terre. En effet, l’astéroïde primaire, Didymos mesure environ 780m de diamètre et son jumeau Dimorphos, environ 160m.
- le second concerne la nature même de l’astéroïde. Un géocroiseur de même taille mais solitaire, demanderait des années d’observation pour mesurer l’efficacité de l’impact. Ici, le satellite Dimorphos orbite à environ 1,1km de distance de Didymos, ce qui est relativement proche. L’impact devrait donc entrainer des modifications observables en quelques mois voire quelques semaines.
- le dernier critère concerne tout simplement la proximité avec notre planète. Il s’avère qu’à la date prévue de l’impact, l’astéroïde se trouve à “seulement” 11 millions de kilomètres.
La mission DART doit permettre de mesurer et valider les effets d’un impact sur un astéroïde, chose difficile à simuler en laboratoire. L’idée est que l’impact devrait changer la période orbitale de Dimorphos autour de Didymos d’environ 1%. Un chiffre qui peut paraitre très faible d’un point de vue terrestre mais qui s’avère est immense à l’échelle orbitale.
La sonde spatiale est placée sur orbite par un lanceur Falcon 9 (lanceur spatial développé par la société Space X). Elle a pour mission de valider si oui ou non l’Humanité possède un système de guidage autonome permettant de générer un changement d’orbite précis sur un astéroïde et ce sans présence d’être humain pour effectuer la démarche. Voir également https://www.nasa.gov/press-release/nasa-s-dart-mission-hits-asteroid-in-first-ever-planetary-defense-test pour plus d’information sur les détails techniques du lancement.
Déroulement de l’impact
Un mois avant l’impact, la sonde DART affine sa trajectoire après avoir détecté le système Didymos à l’aide de sa caméra. Quatre heures avant l’impact, l’appareil se met en autonomie complète et utilise son système de guidage SmartNav. La trajectoire définitive est confirmée 90 minutes avant l’impact, à environ 38.000 km de l’astéroïde cible.
Jusqu’au moment de l’impact, DRACO, le système de caméra optique de la sonde DART va prendre de manière continue des séries d’images de l’astéroïde, transmises à la Terre en temps réel. Durant les dernières minutes avant l’impact, seules les images fournies par DRACO autorisent des corrections de trajectoire en raison de leur précision et netteté.
L’impact a eu lieu le 26 septembre 2022 à 23h14 UTC à une vitesse estimée à environ 23.700 km/h. La NASA estime que le point d’impact se situe à 70 mètres du point initialement visé par la trajectoire. Celui-ci devrait diminuer de dix minutes la période orbitale de Dimorphos.
Les résultats : Et maintenant ?
Les résultats complets de la mission ne seront pas connus avant au moins plusieurs années. En effet, à la demande de plusieurs pays membres de l’UE, le programme AIDA renaît de ses cendres en 2019. L’agence spatiale européenne se met à concevoir un remplaçant à l’AIM, et le nomme HERA. Le projet scientifique est pris en charge par de nombreux laboratoires européens, notamment l’observatoire de la Côte d’Azur; tandis que la construction de l’engin est confié à la société allemande OHB. Si le lancement de l’appareil est prévu pour 2024, sa mise en orbite du système binaire Didymos est attendue pour 2026.
Néanmoins, nous ne restons pas sans conséquences observables pour autant. Le très célèbre James Webb Space Telescope ainsi que le Hubble Space Telescope ont capturés des images saisissantes des rejets de l’impact entre DART et Dimorphos.
Reste encore à déterminer l’entièreté des retombées de l’impact, néanmoins, la mission menée par la sonde spatiale HERA devrait permettre de lever quelques voiles d’ombres. Son rôle sera, entre autre, de mesurer précisément la masse de Dimorphos qui n’est connue que de manière approximative, mais également d’étudier en détail le cratère formé par l’impact.
Bien que de nombreuses inconnues restent encore dans l’équation pour dire que la mission DART est une réussite de A à Z, il est d’ores et déjà possible d’affirmer que la Terre n’est désormais plus sans solution face à la menace des géocroiseurs. Dans une époque où la question d’un sauvetage planétaire est un débat permanent, une partie de l’Humanité a le regard tourné vers un horizon bien plus grand, non pas pour fuir notre planète, mais bel et bien pour la protéger coûte que coûte.