En 2021, il y avait « 350 déchets pour 100 mètres de plage », selon un rapport du Service des Données et Études Statistiques (SDES). Le littoral français est toujours envahi par les déchets de toutes tailles et de différentes origines, le plus souvent en plastique. Où en est-on de la lutte contre cette pollution visible et invisible ?
Une catastrophe écologique qui perdure
« Plus on collecte des déchets, plus on en trouve. L’océan est déjà constellé de déchets. On retrouve des déchets parfois très anciens qui ont été ramenés par la marée », constate Lionel Cheylus, porte-parole de Surfrider Foundation, association qui lutte notamment contre la pollution des littoraux. La tâche n’est pas si facile car les déchets proviennent du monde entier et restent très longtemps dans l’environnement.
Parmi les déchets que l’on retrouve sur les plages, beaucoup proviennent d’objets dont la production n’est plus autorisée. Par exemple, « les gobelets ou les sacs plastiques qu’on retrouve sur les plages sont interdits par la loi », rappelle Axèle Gibert, responsable de la commission économie circulaire et déchets du parti Europe Écologie Les Verts (EELV). Seul problème, ils sont parfois encore disponibles car « certains ne respectent pas la loi comme ils le devraient. Ce n’est pas parfait et il y a encore beaucoup de travail à faire », regrette de son côté Lionel Cheylus.
Des complications à l’échelle locale et individuelle
Au niveau local, la question des déchets peut être compliquée à gérer. « Les municipalités se retrouvent à collecter plus de déchets qu’elles ne le devraient. Comme il y a une augmentation de la production de déchets, il y a forcément plus de déchets à collecter », résume Axèle Gibert. Il faut aussi tenir compte de facteurs qui empêchent de collecter les déchets. « Parfois il y a des déchets qui peuvent être cachés dans les littoraux, sous des rochers. Ça implique des équipes spécialisées et donc des financements en plus pour aller récupérer ces déchets« , conclut-elle.
Au niveau sociétal, il reste aussi du chemin à parcourir. « Il y a encore beaucoup de gens qui balancent leurs déchets par terre et ça ce sont des déchets qui sont en dehors du système de collecte », regrette Axèle Gibert. En 2022, un sondage de l’IPSOS et de la Fondation Vinci Autoroutes révélait que « plus d’un Français sur 4 et même plus d’un jeune sur 3 admet jeter ses déchets par la fenêtre de sa voiture ». Même si le jet de déchets sur la voie publique est « une pratique réprouvée par la majorité des Français », elle reste « toujours trop répandue », selon ce même sondage.
Certains déchets échappent aux réglementations
D’autres déchets passent sous les radars législatifs. C’est le cas du matériel de pêche que l’on retrouve en grandes quantités sur les plages, notamment après une tempête. Selon Axèle Gibert, « il y aurait de la sensibilisation à faire auprès des pêcheurs et des pêcheuses. On peut essayer d’expliquer qu’il faut vraiment faire attention à ce type de déchet ».
Pour elle, la lutte contre les déchets de la pêche peut aussi s’organiser en amont, dès la production du matériel. « Il y a quelque chose à faire en terme de recherche et d’investissement pour créer des filets différents », déclare Axèle Gibert. « On peut penser à des matières qui soient biodégradables, qui puissent se dégrader dans l’océan », évoque-t-elle.
La pollution des GPI
Autre grande question, rarement abordée dans les médias, celle des Granulés Plastiques Industriels (GPI). Les GPI « sont de petites sphères servant de matériau de base à la manufacture de la quasi-totalité de nos objets en plastique », explique un rapport de Surfrider Foundation. Ils servent par exemple à fabriquer les bouteilles en plastique. Les GPI font bel et bien l’objet de « législations très précises au niveau européen », assure Axèle Gibert. Mais « entre 52 000 et 184 000 tonnes de granulés sont rejetés chaque année dans l’environnement en raison d’une mauvaise manipulation tout au long de la chaîne d’approvisionnement », rapportait la Commission européenne en 2023. Ces granulés peuvent par exemple provenir de conteneurs endommagés dont le contenu s’est déversé dans l’eau.
« Les granulés plastiques c’est extrêmement problématique parce que c’est petit et très dur à récupérer », explique Axèle Gibert. Là aussi, « on en revient à se questionner sur notre utilisation massive du plastique, notamment dans les emballages », déclare-t-elle. En clair, pour éviter des dépôts de GPI sur les plages du monde entier, il faut adopter d’autres matériaux.
Les solutions ne manquent pas
Face à cette quantité de déchets, il existe des solutions. Surfrider rend les collectes de déchets accessibles à tous. « Il suffit d’aller sur le site initiativesocéanes.org pour organiser une collecte de déchets en précisant le lieu, la date et l’heure où se déroule l’événement », explique Lionel Cheylus. N’importe qui peut créer une telle collecte ou y participer. Il y a ainsi des « groupes de copains, de collègues et des classes » qui lancent des collectes, énumère le membre de Surfrider.
Au-delà de la simple collecte de déchets, « l’association les trie, les compte et les analyse pour avoir des données chiffrées », continue-t-il. À partir de ces informations, Surfrider alimente « une base de données sur les déchets ». Cela permet « de gagner en expertise sur les déchets et de comprendre comment on passe du macroplastique au microplastique », précise-t-il.
À terme, les données recueillies permettent à la fondation « d’agir auprès des décideurs publics pour faire adopter des lois », ajoute-t-il. Cela a permis de mettre fin à la production de certains plastiques à usage unique à travers une directive européenne. Depuis, l’Union européenne a banni les cotons-tiges et les pailles en plastique ainsi que les barquettes d’aliments à emporter en polystyrène. Tout ce travail, des collectes jusqu’à l’intervention politique, est une solution efficace pour réduire le plastique.
Le règne du plastique semble loin d’être fini
Pour Axèle Gibert, une grande partie de la pollution plastique est évitable. « Les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont un très bon exemple d’un événement où l’on avait l’occasion de proposer des alternatives comme des fontaines, des bouteilles en verre, des consignes ». Les moyens de se passer du plastique à usage unique ne manquent donc pas. Mais, « Coca-Cola a fait délibérément le choix de proposer des bouteilles en plastique », regrette-t-elle. Un article de Reporterre relevait le non-sens des écocups des J.O, remplies à partir de bouteilles en plastique. Mais Axèle Gibert ne perd pas espoir pour autant. « On a un objectif législatif qui est de réduire par deux le nombre de bouteilles en plastique d’ici 2030 », ajoute-t-elle.
« Tant qu’on continue à produire du plastique ça ne s’arrêtera pas. On devra nettoyer les plages en continu », conclut Axèle Gibert. La préservation du littoral français repose donc sur une sortie du plastique. L’effet des décisions politiques passées et futures sera probablement visible dès 2030.