Au milieu du marasme économique ambiant, l’Inde fait figure d’exception. Dans un contexte où les États Unis et l’Europe sont menacés de récession, l’Inde connait une santé économique insolente : le FMI prévoit une hausse de 6,8% du PIB indien en 2022, soit une croissance deux fois plus rapide que l’économie mondiale, et une nouvelle progression de 6% l’an prochain. Encore mieux, l’Inde vient de ravir à son ancien colonisateur, le Royaume-Uni, la place de 5e puissance économique mondiale. Et elle pourrait se hisser devant l’Allemagne dès 2027 puis au troisième rang mondial avant 2030, juste derrière les États-Unis et la Chine.
Ce dynamisme de l’Inde s’explique par sa puissance démographique qui va la propulser, selon l’ONU, au rang de pays le plus peuplé de la planète dès le milieu de l’année prochaine avec 1,43 milliard d’habitants. Cela fait dire à certains que l’Inde va progressivement devenir le plus grand réservoir mondial de main d’œuvre. Le pays attire les entreprises étrangères, et outre une main d’œuvre très bon marché et très bien formée, elle présente aussi l’avantage d’offrir un environnement anglophone, une forte spécialisation numérique, une montée en gamme de son industrie et une volonté de réformes.
L’Inde dispose également d’une diaspora de plus de 28 millions de personnes qui transfèrent 90 milliards de dollars par an dans le pays.
Mais les handicaps de l’économie indienne sont nombreux car sa faible urbanisation, sa lourdeur bureaucratique et son manque d’infrastructures routières et ferroviaires pourraient décourager bien des investisseurs. Autre frein à la croissance : une certaine stagnation du marché du travail avec une forte pénurie d’emplois et des inégalités toujours criantes qui ont été accentuées durant la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, les 100 indiens les plus fortunés détiennent autant de richesses que les 600 millions les plus pauvres, selon le laboratoire sur les inégalités mondiales.
Contenir l’expansion de la Chine:
La priorité des Américains et des Européens est de contrer l’influence chinoise dans la région Asie-Pacifique. Et conduire des partenariats avec l’Inde leur permettrait aujourd’hui d’y parvenir.
De son côté, New Delhi cherche à doper ses exportations et souhaite négocier des accords de libre-échange avec l’Europe, tout en s’affirmant comme le leader des puissances du sud. C’est un changement radical dans la politique commerciale du pays qui, jusqu’à présent, présentait un protectionnisme important. L’entente avec l’Occident est donc vitale pour obtenir plus de transferts de technologie, plus de débouchés pour la production indienne et des visas pour former les étudiants.
L’Inde peut également se permettre de jouer sur plusieurs tableaux : elle est le seul pays à la fois membre de l’organisation de coopération de Shanghai, chapeauté par Moscou et Pékin, et du QUAD, l’initiative conduite par les États-Unis avec le Japon et l’Australie pour contrebalancer l’influence de la Chine dans l’Asie-Pacifique.
Autre défi pour l’Inde : la lutte contre le réchauffement climatique alors que le pays est le deuxième consommateur de charbon au monde et le troisième émetteur de carbone. Le Premier ministre Narendra Modi en a fait un objectif de premier plan lors de sa présidence du G20, en insistant sur le financement par les pays du nord de la transition écologique des pays en voie de développement. New Delhi devrait également, lors de cette année à la tête du G20, mettre en avant la question de la finance climat. La sécurité énergétique et alimentaire feront aussi partie des priorités.