Dans chaque course à laquelle il prend part, Wout van Aert est incontestablement le coureur le plus polyvalent du peloton. Puncheur, sprinteur, équipier modèle, spécialiste du contre-la-montre et même grimpeur dans les grandes occasions, il est capable de s’imposer dans toutes les conditions. Cette capacité à se diversifier le pousse à vouloir tout gagner, partout. Au point d’avoir un calendrier pour le moins chargé. Et si choisir, c’est renoncer, le Belge ne s’embête pas avec cette question : « Même au fond de moi, je ne veux pas choisir entre les classiques, le cyclo-cross, le Tour ou les Championnats du monde ».
Habitué aux victoires en pagaille, Wout n’a pas empilé les succès cette saison. Après des échecs (relatifs) en cyclo-cross et sur les classiques, sans victoire d’étape sur le Tour, il aura à cœur de s’imposer sur les Mondiaux de Glasgow du 5 au 13 août, une compétition qui lui échappe depuis des années.
Toujours aussi fort, pas aussi victorieux sur les classiques
Pour un coureur de sa trempe, la saison de van Aert peut être qualifiée de décevante. Il n’a été vainqueur qu’à deux reprises cette saison (sur l’E3 Classic et sur les Championnats de Belgique en contre-la-montre), et a surtout connu un sacré lot de désillusion. La première sur les Mondiaux de cyclo-cross, face à Mathieu van der Poel, son rival de toujours. Après deux victoires dans des manches de la Coupe du monde en décembre et janvier, le Belge visait un quatrième titre mondial sur les Mondiaux, qui se jouent sur une course. Mais son homologue néerlandais, sur son circuit à Hoogerheide, ne lui a laissé aucune chance en le déposant au sprint.
À l’arrivée des classiques au printemps, Wout souhaitait rafler le plus de courses possibles. Avec en tête deux objectifs majeurs : le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, deux Monuments qui semblent taillés pour lui, mais auxquels il court après depuis des années. Il termine 4e sur Milan-San Remo (course remportée par Van der Poel), avant d’attaquer les classiques flandriennes en force. Il bat le Néerlandais et Tadej Pogacar au sprint après un grand combat sur l’E3 Classic, avant de réaliser une démonstration sur Gand-Wevelgem sans gagner, puisqu’il offre la victoire à Christophe Laporte, son coéquipier chez la Jumbo-Visma.
Mais à l’arrivée des grandes échéances, le Belge a été moins fort que ses rivaux, tout en jouant de malchance. Sur le Tour des Flandres, il chute puis se fait battre à la pédale par Pogacar et van der Poel, finissant 4e. Et lorsqu’on le sentait plus fort que les autres sur Paris-Roubaix, c’est son pneu qui l’a lâché, laissant filer van der Poel vers son deuxième Monument de la saison, et échouant à la 3e place. Avant Paris-Roubaix, la légende belge des classiques flandriennes Peter Van Petegem pointait déjà du doigt la stratégie de la star de Jumbo-Visma : « Van Aert s’éparpille trop, il doit privilégier son palmarès ».
Podiums et préparation aux Mondiaux
Une fois passées ces déceptions printanières, le Belge a enchaîné les podiums, sans jamais lever les bras à l’arrivée d’une course en ligne. Sur le Tour de Suisse, il termine trois fois sur le podium, finissant second au général. Pour le Tour de France, les objectifs étaient bien différents. Il avait annoncé vouloir s’écarter de la course au maillot vert (qu’il avait obtenu l’an passé), et endossait le rôle d’équipier pour offrir à Jonas Vingegaard le maillot jaune. Le Belge visait évidemment des victoires d’étapes, lui qui en a obtenu au moins une à chaque participation au Tour (1 en 2019, 2 en 2020, 3 en 2021 et 2022). Cette saison sur la Grande Boucle, il a terminé à quatre reprises sur le podium, encore sans l’emporter.
Il est cependant difficile de lui reprocher ses performances sur le Tour. Tout d’abord car l’objectif premier de son équipe a été rempli, à savoir la victoire écrasante au général de Vingegaard, loin devant Tadej Pogacar. Ensuite car le Belge évoluait dans une situation particulière : les Championnats du monde de cyclisme 2023 seront disputés du 5 au 13 août à Glasgow, soit plus d’un mois plus tôt qu’à l’habitude. Un choix devait être fait au niveau de la préparation, et jouer le Tour à fond pouvait entraîner une difficulté à enchaîner sur les Mondiaux.
Enfin, Wout attendait la naissance imminente de son second enfant durant le Tour. Il a donc quitté l’épreuve à la 17e étape pour rejoindre sa femme et assister à cet heureux évènement. Il a repris l’activité lors du critérium d’après-Tour dans sa ville d’Herentals, où il s’est imposé au sprint devant Jasper Philipsen. Après sa victoire, il déclarait qu’il n’avait « pas encore les sensations (qu’il) souhaite en tant que cycliste », mais qu’il « vit sur un nuage avec l’arrivée de Jérôme », son deuxième fils. Difficile de l’imaginer démoralisé à l’ouverture de ces Mondiaux.
Une double couronne à conquérir
Comme depuis le début de la saison, Wout van Aert a décidé de ne pas faire de choix à l’approche des Championnats du monde. Il prendra part aux deux épreuves qui lui échappent jusqu’ici : la course en ligne le 6 août et le contre-la-montre le 11 août. Vice-champion du monde du chrono en 2020 et 2021, le Belge avait fait l’impasse en 2022 pour se concentrer sur la course en ligne, sans réussite. Cette année, il fera encore partie du groupe de favoris au départ.
Le parcours du contre-la-montre, long de 48 km, est plat sur les premières portions, avant une seconde partie de course plus vallonée, qui se conclut par une pente de 800 m à 6 %. Ce long tracé avantage des coureurs comme Filippo Ganna, à la recherche d’un troisième titre mondial, ou Remco Evenepoel, coéquipier belge de Wout, qui fait de la course une de ses priorités. Lors des Championnats nationaux du chrono en juin, van Aert avait profité d’une météo pluvieuse et d’une chute d’Evenepoel pour s’imposer. À Glasgow, les conditions pourraient être similaires et donc à prendre en compte.
La course en ligne semble parfaitement taillée pour lui. Son profil est particulièrement usant : 271 km entre Edimbourgh et Glasgow, et un circuit comptant une cinquantaine de virages parcouru à onze reprises. La météo sera encore centrale et pourrait causer de nombreuses chutes avec la répétition des virages. Ce profil de classique fait évidemment sortir le Belge et son rival van der Poel du lot des favoris. Le peloton devrait être largement amoindri à l’arrivée, mais un sprint massif comportant des sprinteurs comme Mads Pedersen est envisageable.
Les trois leaders dans un climat tendu
Le sélectionneur belge Sven Vanthourenhout dispose cette saison encore d’une équipe ultra fournie, qui compte trois leaders : Remco Evenepoel, champion du monde 2022 en solitaire à Wollongong en Australie ; Jasper Philipsen, sprinteur le plus dominant de la saison avec ses quatre victoires sur le Tour ; et Wout van Aert. Difficile de donner plus de responsabilités à l’un qu’à l’autre, chacun pouvant s’imposer selon la configuration de la course. La sélection belge est comme fréquemment pleine de talents, mais est aussi traversée par ses habituelles tensions avant les Mondiaux.
C’est Jasper Philipsen qui a allumé la mèche cette année, annonçant qu’il ne courra pas contre son coéquipier chez Alpecin-Deceuninck, Mathieu van der Poel, lors de la course. Une prise de position peu appréciée par van Aert, répondant : « J’espère en tout cas que Nathan Van Hooydonck et Tiesj Benoot (tous deux chez Jumbo-Visma) seront dans l’équipe. Comme ça, j’aurai au moins deux équipiers. » Vanthourenhout a affirmé que la situation s’était réglée au sein de l’équipe. Mais il est légitime de douter de la collaboration entre les deux coureurs en cas d’une arrivée au sprint. Tom Boonen, champion du monde en 2005 avec le maillot belge, a vivement critiqué le choix du sélectionneur : « Ces conflits existeront… Venir aux Mondiaux avec deux sprinteurs, cela ne marche jamais. » Et après sa saison contrastée, Wout van Aert ne semble pas prêt à laisser échapper un nouveau succès qu’on lui annonce depuis des années.