Des femmes en colère
Le mercredi 8 mars, des millers de mexicaines révoltées, vêtues de vert et de violet, défilaient dans le rues de Guadalajara. Elles revendiquaient les inégalités et les violences qu’elles endurent au quotidien en brandissant des pancartes aux messages explicites: “Somos el grito de las que no estan” (Nous sommes le cri de celles qui ne sont pas là), “Mama tranquille hoy no vos sola por la calle (Maman ne t’inquiète pas, je ne suis pas seule dans la rue), “Mi vestido no es corto, tu educacion si” (Ma tenue n’est pas courte, ton éducation si). Ces femmes ont notamment exprimé leur colère à travers des slogans poignants: “Pinche gobierno, cuenta nos bien no somos una no somos diez” (Putain de gouvernement, compte nous bien, nous ne sommes pas une ni dix), ou “Senor, senoras, no sean diferentes, se matan las mujeres en la carra de la gente” (Messieurs, mesdames, ne soyez pas indifférents, des femmes sont tuées devant vous). En outre, certaines affiches dénonçaient des hommes associés à des violeurs et des pédophiles. Leur colère ne se traduisait pas seulement dans les mots, de nombreuses facades resteront marquées par les tags et les devantures en verre des magasins seront brisées. Qu’on approuve ou non ce type d’expression il n’en est pas moins le reflet d’une génération de femmes ne pouvant plus tolérer ces injustices.
3800 féminicides recensés chaque année
Au Mexique, on recense plus de 3800 féminicides chaque année soit plus de 10 féminicides par jour et six femmes sur dix affirment avoir subi une agression ces dix dernières années. D’après certaines études, 32 filles âgées de 10 à 14 ans deviennent mères chaque jour à la suite d’abus sexuels, et une sur quatre a subi des violences en milieu scolaire. D’autant plus que l’impunité dont bénéficient les agresseurs au Mexique est particulièrement problématique puisqu’en moyenne, seulement la moitié des meurtres classés comme féminicides sont condamnés. Dans certains États mexicains, l’impunité atteint même 98% des cas (source: le journal de Montréal).
L’IVG bafoué
La question du droit à l’avortement est aussi l’une des revendications majeures. Sur 32 Etats, seulement 11 autorisent partiellement le droit à l’avortement (Baja California Sur, Guerrero, la ciudad de Mexico, Colima et le Veracrus, Oaxaca, Coahuila, Sinaloa, Baja California et Hidalgo). Sans compter le fait que, sur ces Etats, seulement 4 l’autorisent sans aucune condition. Quant à l’Etat de Jalisco, où se trouve la ville de Guadalajara, il ne légalise pas l’avortement aujourd’hui.
La question de la légalisation de l’avortement n’est venue que très tard dans ce pays fortement accroché à la religion catholique. Ciudad de México a été le premier État à légaliser jusqu’à 12 semaines de grossesse en avril 2007. Il a fallu attendre 2019 pour qu’un autre État fasse de même, celui de Oaxaca. En 2021, une page est tournée depuis que la Cour suprême a décidé de faire prévaloir le droit des femmes à disposer de leur corps et à dépénaliser l’avortement. Ce virage radical marquera l’histoire du Mexique. A partir de là, les huit autres États légaliseront l’avortement à quelques mois d’intervalle, comme par effet domino entre 2021 et 2022. C’est un premier pas vers la légalisation totale de l’IVG au Mexique qui s’étend progressivement, mais de grands efforts restent a fournir car la part de progrès reste marginale face aux injustices que les femmes subissent. Viols, disparitions, insécurité et absence du droit à l’IVG, ces femmes ont tout les droits d’être en colère auprès d’un gouvernement jugé inefficace.