Une croissance exponentielle
Ces dernières années, le tourisme a connu une croissance fulgurante. Autrefois réservé à une certaine élite, il est devenu accessible à un plus grand nombre. Celui-ci n’a cessé de se développer et reste générateur de rentrées d’argent astronomiques. Faisons une comparaison : en 1950, on comptait 25 millions de touristes internationaux, en 1970, le nombre était de 166 millions. En 1990, il est passé à 435 millions. Pour l’année 2018, ce ne sont pas moins de 1,4 milliard de touristes qui ont parcouru la planète (selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT)). Un chiffre qui est en baisse depuis la pandémie de COVID-19. D’ici 2030, on prévoit 1,8 milliard d’arrivées de touristes. Une estimation en nette augmentation après la pandémie, avec une croissance annuelle de 3 à 4%.
On voit donc très clairement que le secteur touristique a une place de choix dans l’économie mondiale. On le retrouve même dans l’industrie automobile. La masse monétaire dépensée par les touristes représente 1 600 milliards de dollars, soit 4,3 milliards de dollars par jour. Il embauche plus de 300 millions de personnes et représente plus de 10 % du PIB mondial. En France, celui-ci représente 7% du PIB et environ 2 millions d’emplois.
Ccertains pays sont beaucoup plus dépendants de ce secteur que d’autres. C’est notamment le cas des États insulaires. Ou encore ceux en voie du développement. N’oublions pas que la pandémie de COVID-19 a véritablement mis à l’arrêt des pays entiers. Ce qui ne fut pas sans conséquences. Pour les pays émergents, les retombées furent catastrophiques, ce qui toucha les petits commerçants, les restaurateurs, le secteur hôtelier, l’artisanat…
Les multiples causes rendant ce secteur extrêmement pollueur et très souvent destructeur
Une étude publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change révélait que le tourisme mondial serait à l’origine de près de 8% des émissions de GES (gaz à effet de serre). Ce qui inclue l’hébergement, la nourriture, les achats et les transports. A titre de comparaison, rien qu’en 2009, le tourisme était l’auteur de 3,9 milliards de tonnes de CO2. En 2013, ce chiffre avait grimpé à 4,5 milliards de tonnes.
Les destinations extrêmement prisées comme les îles (Chypre, Maldives, Seychelles…) peuvent avoir jusqu’à 30 à 80% de leurs émissions seulement dues au tourisme ! Pour le cas de la France, l’ADEME (Agence de la transition écologique) estime que le tourisme est à l’origine de 11% des émissions de GES, soit 118 millions de tonnes équivalent CO2 par an. Différentes projections prévoient qu’à l’horizon 2025, si la croissance se poursuit, le tourisme mondial générera 5 à 6,5 milliards de tonnes de CO2 par an.
En première position : les transports
Les transports aériens, routiers et ferroviaires sont en constante augmentation en réponse au nombre de touristes et à leur plus grande mobilité. A titre d’exemple, un vol France-Etats-Unis peut émettre jusqu’à 50% du CO2 émis par une personne en un an ! Le tourisme, c’est plus de 60% des vols aériens, il n’y a donc aucune surprise quant à sa position dominante concernant le tourisme de masse. Plus de la moitié des quelque 1,4 millions de touristes qui ont traversé les frontières en 2018 avaient pris l’avion selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). En France, le transport aérien représente 40% des émissions totales du pays.
Cependant, on oublie bien souvent l’impact des bateaux de croisières. En effet, un bateau de croisière émet jusqu’à 7 000 tonnes de déchets par an. D’après la Fédération française Nature et Environnement (FNE), même lorsqu’ils sont amarrés dans les ports, un paquebot peut polluer autant qu’un million de voitures. Cela est dû notamment à l’utilisation du fioul, extrêmement polluant, mais surtout indispensable pour faire fonctionner ces géants des mers. En moyenne, les passagers d’un navire de croisière produisent chacun 3,5 kilogrammes de déchets par jour. Bien entendu, aujourd’hui il existe des réglementations strictes concernant la traite des déchets, mais il est impossible de surveiller tout le monde, et les dérives sont toujours possibles. Enfin, les transports dans leur globalité sont à l’origine de la qualité médiocre de l’air qui ne cesse de se dégrader, surtout dans les villes densément peuplées comme Paris et New York.
En deuxième position : les infrastructures
Ensuite, on trouve la construction d’infrastructures non contrôlées : stations balnéaires, énormes complexes hôteliers (qui affaissent le sol sous leur poids), restaurants, magasins, terrains de golf, marinas…une potentielle menace pour les zones protégées, les animaux et les ressources naturelles. En effet, l’érosion des sols (comme avec l’exemple du Machu Picchu au Pérou), la pollution accrue, la perte d’habitat naturel pour les animaux, la déforestation (pour l’utiliser comme matière première), la surfréquentation ou encore l’introduction d’espèces invasives pourraient, à terme, détruire progressivement tous ces merveilleux écosystèmes.
D’après le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, près de trois quarts des dunes de sable situées sur la zone littorale méditerranéenne ont disparu du fait d’une importante urbanisation touristique. Enfin, on ne pourrait pas ne pas mentionner les déchets plastiques qui ne cessent de s’accumuler, que ce soit au fond des mers ou tout en haut de l’Everest. L’île de Bali accueille en moyenne 16 000 visiteurs par jour, et le résultat est là : embouteillages, pollution et sites sur-saturés. En mer Méditerranée, 52% des détritus seraient liés au tourisme balnéaire selon un rapport de WWF.
En troisième position : les activités touristiques
Ceux qui subissent le plus ce tourisme de masse incontrôlable et incontrôlé sont les coraux. Malgré leur beauté, les barrières de corail sont en réalité très fragiles. Leurs dégradations sont la conséquence directe de la reconstruction et la surfréquentation de ces écosystèmes. Comme c’est le cas avec la Grande Barrière de Corail en Australie. En Thaïlande, la plus célèbre plage du pays, Maya Bay, a dû être fermée au public jusqu’en 2021 pour permettre aux récifs coralliens de se reformer et ainsi empêcher l’érosion de la baie.
Toujours selon le Programme des Nations Unis, sur les 109 régions côtières possédant des récifs coralliens, 90 d’entre elles voient leurs coraux endommagés par les chaînes d’ancres, les déchets, les touristes et les plongeurs amateurs. Mais que ce soit pour les coraux ou n’importe quel animal sauvage, la construction de sites touristiques abîme leur habitat naturel. En effet, pour une trop grande majorité des cas, aucun plan de développement durable ou de prise en compte de l’environnement n’est fait en amont.
Encore une chose dont l’on parle peu mais malheureusement encore présente aujourd’hui, est l’exploitation des animaux pour divertir les touristes. Celà peut paraître tentant à première vue de vouloir monter sur le dos d’un chameau en Tunisie, ou un safari à dos d’éléphant en Asie, ou encore une promenade à dos d’âne en Grèce. Mais la réalité, c’est que la plupart subissent beaucoup de souffrances : obligés de faire les mêmes gestes répétitifs, depuis un jeune âge et dans des conditions souvent difficiles.
Notre liste ne pourrait être complète sans mentionner la dégradation de sites naturels ou de monuments historiques avec cet “overtourisme”. Il s’agit là véritablement du phénomène de dégradation des sites dû à un afflux toujours plus important de touristes. Venise reçoit près de 30 millions de visiteurs chaque année, un chiffre beaucoup trop important par rapport à la capacité de la ville à les accueillir. L’UNESCO a demandé à la ville de trouver des solutions concrètes pour la préservation de la lagune. Faute de quoi celle-ci serait inscrite sur la liste du Patrimoine mondial en péril. Depuis 2019, une mesure a été prise concernant les bateaux de croisière qui seront désormais interdits dans le centre, pouvant fortement fragiliser les fondations de la cité. Un autre exemple : la vallée de Reykjadalur en Islande a dû être fermée temporairement au public en 2019, la végétation ayant souffert du passage continu de visiteurs.
Une demande en eau toujours plus grande
L’industrie du tourisme surconsomme généralement les ressources en eau pour les hôtels, les piscines, les terrains de golf et l’utilisation personnelle de l’eau par les touristes. Cela peut entraîner des pénuries d’eau, la dégradation des réserves d’eau, ainsi que la production d’un plus grand volume d’eaux usées. La quantité utilisée pouvant atteindre 440 litres par jour et par client.
En période estivale, c’est presque le double de ce qu’une personne peut consommer le restant de l’année. En 2018 par exemple, les Philippines ont fermé six mois l’île de Boracay aux touristes, polluée par les hôtels qui déversaient leurs eaux usées directement dans la mer. Ces dernières années, le tourisme de golf a gagné en popularité et le nombre de terrains de golf a augmenté rapidement. Leur entretien nécessite une importante quantité d’eau chaque jour (équivalente à l’utilisation d’eau de 60.000 personnes). Ce qui peut épuiser les ressources et entraîner une pénurie.
Des solutions et des innovations à toutes les échelles
Malgré ce tableau plutôt pessimiste, nous aurions tort de voir le verre à moitié vide. Évidemment, des solutions existent et certaines d’entre elles sont déjà entrées en vigueur. Cependant, les possibilités n’ont pas été toutes exploitées. Au niveau des politiques, beaucoup reste encore à faire.
A l’échelle internationale, l’UE envisage de taxer le kérosène des avions pour diminuer les émissions de CO2, exonéré depuis 1944. Après la COP 21, les États membres de l’OACI, dont la France, ont signé en 2016 un accord visant à stabiliser les émissions de CO2 dans le transport aérien international à partir de 2020 et à réduire de moitié les émissions du secteur d’ici à 2050. De plus, on assiste à un nombre croissant de compagnies aériennes proposant à leurs passagers de payer sur le prix du billet une taxe pour compenser leurs émissions de CO2. Dans le monde, de nombreuses destinations encouragent l’écotourisme. Ceci peut contribuer à éduquer et à sensibiliser les gens sur les impacts environnementaux du tourisme. C’est le cas du Costa Rica ou de la Gambie.
Pour les particuliers, un des premiers réflexes importants à avoir serait la prise en compte des moyens de transport alternatifs et d’éviter de prendre l’avion. Pour une distance d’un kilomètre, un avion produit l’équivalent de 360g de CO2, contre 150g pour une voiture et 11g pour un train. Privilégier les hébergements éco-responsables ou des destinations locales est une solution envisageable. En effet, nos pays possèdent eux aussi des charmes, souvent méconnus du grand public.