La rumeur était déjà partout à quelques jours de la finale de Roland-Garros. Rafaël Nadal pourrait bien prendre sa retraite en cas d’une nouvelle victoire sur le court Philippe Chatrier, la 14e en finale. A 36 ans, le roi de la terre battue montrait quelques signes d’une retraite envisageable. Touché depuis 18 ans par le syndrome de Müller-Weiss, Rafa a particulièrement souffert durant les quatre derniers mois. Au point de jouer avec le pied gauche complètement anesthésié par une injection avant chaque rencontre.
Sa victoire expéditive face à Casper Ruud en finale de Roland-Garros lui donnait une belle fin, sur son court favori. Tous les souffles étaient coupés pour écouter la prise de parole du champion après le match : “Je ne sais pas ce qu’il va se passer dans le futur, mais je vais continuer à me battre.” Si l’avenir proche de Nadal est encore tourné vers le tennis, il est légitime de se questionner sur les conditions dans lesquelles va évoluer le Majorquin. Les fins de carrières de monuments sportifs ont pris de nombreuses tournures, qu’elles soient glorieuses ou attristantes.
S’en aller au sommet
Prendre sa retraite à la suite d’un triomphe est évidemment la fin la plus romantique, la plus marquante. Il est cependant très difficile pour un grand champion d’accepter cette décision. Pourquoi arrêter la discipline dans laquelle on est encore le meilleur ? C’est un choix qui est finalement assez rare chez les sportifs les plus dominants. Michael Jordan avait bien mis fin à son œuvre en 1999, quelques mois après son tir mythique qui offrait le sixième titre à ses Chicago Bulls. Mais le compétiteur qu’était Air Jordan est revenu sur sa décision deux ans plus tard, lui offrant de nombreux hommages. Mais surtout de grandes difficultés sur le terrain.
Martin Fourcade est probablement le cas le plus parlant. Le quintuple champion olympique prend sa retraite en 2020. Deux ans après avoir remporté trois médailles d’or aux JO de Sotchi. Il décroche sur sa dernière course, une poursuite, seule épreuve qu’il n’avait pas remportée. Il s’explique sur cette décision de s’arrêter à 32 ans : « J’aurais pu continuer un petit peu. Je n’ai pas arrêté parce que je ne me sentais plus de gagner. La preuve, j’ai remporté ma dernière course » (France Bleu). L’impression laissée chez les supporters est alors marquante, presque parfaite. Mais l’amour que vouent certains champions à la compétition les emmènent parfois sur des chemins compliqués, qui entraînent des sorties qui ne sont pas au niveau de leur carrière.
Longue descente, ou chute
Ces sportifs ont parfois du mal à se freiner, jusqu’à atteindre le match, la course de trop. À une époque où la longévité repousse toujours plus de limites, les corps arrivent parfois au bout. Les derniers 100 mètres de la carrière dorée d’Usain Bolt sont l’exemple le plus marquant de ces dernières années. Sortant de Jeux Olympiques parfaits (trois médailles d’or), Bolt ne prend pas sa retraite. Il essaie de pousser pour réaliser ses derniers championnats du Monde l’année suivante. Il y perd le trône sur 100 mètres face à Justin Gatlin. Pire : pour sa dernière course, la cuisse du jamaïquain se claque, et l’empêche de finir la couse. La dernière image de la carrière de Bolt est déchirante, et est celle que l’on redoutait.
Le cas de Roger Federer interroge également. Intermittent des courts de tennis depuis deux ans, le Suisse ne participera pas à Wimbledon en 2022 pour la première fois depuis 1998. Un drame pour le favori des fans britanniques, mais une autre raison de se questionner sur la suite. S’il se fixe de fouler le gazon du Court Central en 2023, on a du mal à imaginer un retour sans rechute. John McEnroe suggérait récemment une dernière à Bâle, afin de finir sur ses terres helvètes. Que sa fin de carrière soit brillante ou constamment interrompue par les blessures, la situation de Roger Federer montre toute la complexité du sport de haut niveau.
Bercés par les exploits des monuments de notre époque, les supporters et fans de sport ont parfois du mal à voir leurs idoles sortir par la petite porte. Une exigence qui pousse parfois les sportifs à en vouloir trop, avant d’être rattrapés par leurs âges. Les années passent et le tour sera bientôt aux Cristiano Ronaldo, Lebron James et autres Nicolas Karabatic de tourner la page. Des sorties attendues, qui questionnent autant les supporters que les concernés eux-mêmes.