« La Jeune Fille Triste »
Dans la nuit du 25 janvier 2019, trois hommes découpent une porte arrière du Bataclan, à l’aide de pieds de biches et de disqueuses, sur laquelle se trouvait “The Young Sad Girl” de Banksy, en hommage aux personnes tuées en 2015 lors d’un concert dans cette salle. Leur piste est retrouvée après un signalement d’un cambriolage dans un magasin de bricolage une dizaine de jours avant le vol. Un an plus tard, le tableau est finalement retrouvé en Italie.
Le procès pour ce vol s’est ouvert le mercredi 8 juin. Huit hommes ont été jugés : trois qui ont reconnu les faits, et six autres qui auraient commandité le vol. Le tribunal correctionnel de Paris a réclamé de dix-huit mois à quatre ans ferme de prison à leur encontre pour le vol et recel de la porte du Bataclan. Cependant, le verdict ne sera officiellement rendu qu’à la fin du mois.
Un artiste anonyme pour un art engagé
Banksy est le pseudonyme de ce street-artiste britannique, qui serait originaire de Bristol et actif depuis les années 90. De son identité, personne ne sait rien. Rien de concret, du moins. Selon les spéculations, il pourrait se nommer Robert ou Robin. Cependant, Banksy est assurément quelqu’un qui tient à son anonymat, puisqu’il juge que la plupart des artistes ne cherchent qu’à briller sous les projecteurs et entachent ainsi le vrai but et vraie valeur de l’art.
Révolutionnaire, activiste, Banksy utilise son art pour s’exprimer sur des sujets d’actualité, qui font souvent l’objet de controverses, et également pour montrer son soutien ou son désaccord envers des décisions et évènements politiques. Au fil des ans, Banksy s’est fait connaître pour son art urbain engagé, empreint d’humour, et souvent moqueur. Ses graffitis sont porteurs de messages clairs, antimilitaristes, anticapitalistes, dénonçant une société de consommation ou encore la surveillance des populations.
Son oeuvre la plus célèbre, « The Girl With Balloon » est située à South Bank sur le pont de Waterloo en Angleterre, et représente une petite fille lâchant ou essayant de rattraper —l’interprétation est libre — un ballon rouge en forme de cœur. Cette œuvre s’accompagne de l’inscription: “There is always hope”. Réalisée au pochoir et à la bombe, cette oeuvre incarne un symbole de liberté et est devenue une icône de l’art de Banksy.
Banksy revendique un accès libre à l’art, comme le montrent ses œuvres de rue, ouvertes à tout public. Dans une plus large mesure, Banksy cherche à véhiculer un message de paix. Le graffeur aime provoquer et s’attache à dénoncer la guerre, le racisme et la violence.
En 2005, il réalise le graffiti « Love is in the air (ou Flower Thrower) » sur le mur de séparation entre Israël et la Palestine, représentant ce qui pourrait symboliser un manifestant se préparant à lancer un bouquet de fleurs, comme un projectile.
En 2020, Banksy rend hommage à George Floyd, décédé en mai 2020 lors d’un contrôle. Le tableau est bien plus sombre, et l’on peut apercevoir une bougie en bas à droite commençant à enflammer le drapeau américain.
Cet engagement se manifeste une nouvelle fois lorsqu’en mars 2021, il vend une de ses œuvres aux enchères pour soutenir les soignant-e-s britanniques durant la pandémie. Intitulée Game Changer, cette oeuvre portrait un petit garçon jouant avec une poupée d’infirmière.
La réplique choc de Banksy
Le 5 octobre 2018, la maison de ventes aux enchères Sotheby’s proposait une version de l’œuvre de Banksy Girl With Balloon, peinte sur papier à la bombe et l’acrylique. L’œuvre avait été vendue pour 1,2 millions d’euros…avant de partiellement s’autodétruire. L’artiste avait par la suite publié une vidéo montrant le processus d’installation d’une mini broyeuse dissimulée dans le bas du cadre.
Banksy avait lui-même de façon humoristique renommé cette œuvre “Love is in the bin”. Par ce geste, Banksy a cherché à dénoncer la marchandisation de l’art, la prétention d’un milieu se servant de l’art pour faire monter les prix. Ce “ coup de maître” est une signature de la personnalité de Banksy : jouer des tours et ridiculiser le marché de l’art.
Paradoxalement, le prix de l’oeuvre a encore plus augmenté après cet incident…