Cette édition 2024 a déjà écrit sa première page avec un record de 40 skippers au départ, de 11 nationalités différentes. La participation de Jean Le Cam, qui devient le skipper le plus expérimenté du Vendée Globe, avec six départs, est aux antipodes de la première participation de Violette Orange, 23 ans, plus jeune participante de l’histoire de la course. Enfin, on retiendra qu’un concurrent essentiel n’était pas au rendez-vous au départ des Sables d’Olonne : le vent. En effet, les 40 skippers ont peiné à prendre le large en atteignant des vitesses d’à peine 4 nœuds (soit environ 8 km/h).
Si l’on espère ce Vendée Globe passionnant, son passé historique est tout aussi intéressant. Alors, plongeons dans les archives de « l’Everest des Mers ».
Titouan Lamazou, à jamais le premier
En 1968, est organisée une course nommée le Golden Globe Challenge. Si l’évènement est plutôt une déconvenue sur le plan sportif (1 concurrent à l’arrivée), il a au moins le mérite d’être considéré comme l’ancêtre du Vendée Globe. Le 26 novembre 1989, la course à la voile créée par Philippe Jeantot est lancée. Les treize skippers alignés au départ, dont son fondateur, devront faire le tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale.
Après 109 jours, 08 heures et 48 minutes à parcourir le territoire de Poséidon, Titouan Lamazou peut savourer son arrivée aux Sables d’Olonne. Rapidement en tête, Lamazou a tenu bon face à ses poursuivants pour inscrire son nom à la première ligne du palmarès d’une course qui deviendra mythique.
Une histoire marquée par plusieurs drames
Après une première édition qui a séduit le public, le départ du Vendée 1992-1993 aurait dû être une grande fête pour le monde de la voile. Cependant, c’est dans une atmosphère de deuil que les marins s’élancent vers le grand large. Alors qu’il rejoignait le port des Sables pour le départ, l’américain Mike Plant et son bateau Coyote sont portés disparus. Celui qui a débuté la voile sur un lac du Minnesota a chaviré fatalement et ses balises de détresses n’ont pas été repérées par les gardes côtes. Coyote sera retrouvé le 29 novembre, une semaine après le lancement de « l’Everest des Mers ». Entre temps, un nouveau drame s’est malheureusement produit. Le 26 novembre, c’est au tour de Nigel Burgess de lancer un appel de détresse. Une mort qui laissera des questions en suspens tant le paradoxe entre son bateau nullement endommagé et son corps noyé semble incompréhensible.
Le troisième chapitre du Vendée Globe a été la triste occasion de se faire un sang d’encre pour les organisateurs, familles de skippers, et skippers eux mêmes. Effectivement, avec quatre chavirages et une disparition, cette édition 1996-1997 relégua le sport au second plan. La dernière victime en date du Vendée Globe, espérons que cela le reste, se nomme Gerry Roufs. Pris dans des « vagues qui sont hautes comme les Alpes » avait-il communiqué, le canadien ne sera jamais retrouvé.
Ellen MacArthur : un podium historique
Les éditions 2000-2001 et 2008-2009 acclameront le doublé de Michel Desjoyeaux, exploit qui n’a jamais été réitéré depuis. Mais sur la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne en 2001, c’est une autre première qui vient d’être réalisée : un podium féminin. Cette performance d’Ellen MacArthur attend toujours une successeuse. Celle qui battra le record du tour du monde à la voile en solitaire en 2005, termine sur la deuxième marche du podium. En filmant sa vie à bord du bateau, aussi bien ses galères que ses réussites, la Britannique touche le public suiveur du Vendée Globe enchanté par sa personnalité. Ce podium sur « l’Everest des Mers » marquera le début d’une belle carrière sportive pour Ellen MacArthur.
La barre des 80 jours
Il y a eu la barre des 100 jours franchit par Michel Desjoyeaux en 2001, celle des 90 jours dépassée par Vincent Riou lors de la régate suivante. Mais ce sont les 80 jours, objectif qui semblait si lointain à la création du Vendée Globe, sur lesquels lorgnent les skippers. Après ceux de Bonne Espérance, de Leeuwin et du Cap Horn, le cap des 80 jours, si cher à Jules Verne, est atteint par François Gabart et Armel Le Cléac’h, le 27 janvier 2013.
Avec le nouveau système du passage « des portes de glaces » pour éviter les icebergs dans les Mers du Sud, les deux skippers se relaient à la tête de la régate dans une course où la stratégie est démultipliée. Au dénouement de cette bataille féroce entre les deux hommes, c’est le charentais Gabart qui finit par dompter le finistérien Le Cléac’h. Seulement pour trois petites heures et, sans doute, pour une route subtilement plus à l’est empruntée par François Gabart au large des côtes brésiliennes. Le marin breton améliorera encore de 4 jours la marque de Gabart lors du Vendée Globe suivant. Un record qui n’attend qu’a être battu cette année.
Une densité et un suspens extrême
Le bateau PRB coupé en deux, Kevin Escoffier attend sur son radeau de survie que l’on vienne le sauver. Si cet évènement aurait pu être dramatique, c’est aussi lui qui a rendu la course indécise avec des calculs à n’en plus dormir pour prendre en compte le jeu des compensations. En effet, Jean Le Cam, qui avait été lui même sauvé par Vincent Riou lors de sa deuxième participation, est le héros de Kevin Escoffier. Il recevra une compensation horaire pour le temps consacré au déroutage tout comme Yannick Bestaven, Sébastien Simon et Boris Hermann. Résultat : difficile de dire qui est réellement en tête pendant la remontée de l’Océan Atlantique.
Et si le skipper de Maître Coq, Yannick Bestaven, s’avance en troisième position dans le porte des Sables, c’est bien lui qui remporte la neuvième édition du Vendée Globe. Derrière Charlie Dalin et Louis Burton passés avant Bestaven, les arrivées s’enchaînent. Au total, ce sont huit skippers qui seront classés en moins d’une journée. Une densité inédite qui pourrait bien se répéter cette année tant les écarts sont serrés en ce début de course. Au large de la Mauritanie ce samedi, 22 skippers se tenaient encore en moins de 120 milles (environ 193 km), avec l’inépuisable Jean Le Cam en tête de course.