La réglementation et la pratique
Après le verre, les cartons et les métaux, les biodéchets seront bientôt concernés par le tri à la source et ce, dès le 1er janvier 2024. Une directive de l’Union européenne, datée de 2018, oblige les États membres à veiller à ce que « les biodéchets soient soit triés et recyclés à la source, soit collectés séparément et non mélangés avec d’autres types de déchets ». Déjà, qu’entend-on nous par le mot biodéchet ? Le code de l’environnement les définit comme « les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ».
En clair, pour les particuliers, cette mesure impose le tri des aliments non consommés et des aliments périmés. Mais aussi les restes de végétaux issus du jardinage par exemple. En ce qui concerne les restes alimentaires, ceux-ci ne seront plus jetés dans une poubelle tout-venant classique avec les autres déchets ménagers. Les aliments pourraient ainsi être valorisés en générant du compost pour l’agriculture.
Bien sûr, derrière toutes ces mesures politiques qui peuvent sembler abstraites, se trouve un objectif de sauvegarde de l’environnement. « La gestion des déchets dans l’Union devrait être améliorée et convertie en une gestion durable des matières, afin de protéger, de préserver et d’améliorer la qualité de l’environnement » rappelle la directive dans son introduction. Le but final ? Que les particuliers, les communes et les professionnels présents sur le territoire européen puissent valoriser leurs déchets.
Du point de vue des Français
Alors qu’en est-il au niveau des particuliers à propos de ce tri à la source ? Certains français semblent sceptiques concernant le respect de cette nouvelle consigne de tri. En effet, comment inciter à trier les biodéchets des ménages alors même que les autres types de déchets ne sont pas triés par une partie de la population ? « Si tout le monde respectait [les consignes de tri], ça serait bien », commente une habitante de Vichy (Allier). Un avis partagé par son mari. Pour lui, il « faudrait que les gens s’initient un peu plus, un peu mieux que ça [au tri] ». Un autre riverain partage ce point de vue: « je pense qu’il faut former les gens en général, la population, à faire le tri, parce que c’est pas encore bien rentré dans la tête [des Français] ».
Ces doutes s’expliquent par les défaillances du système de tri sélectif actuel. Le principal problème, c’est le non-respect des consignes de tri. Selon une habitante de Vichy, lorsque « les gens déménagent, ils mettent [leurs déchets] sur les trottoirs ». Une autre fois, dans l’ascenseur de sa résidence, « il y avait un sac, il y avait un […] carton ». « C’est pas tout le monde qui le fait bien » s’exaspère une autre habitante à propos du tri en général. Dans l’ensemble, les personnes interrogées sont toutes convaincues du bien-fondé de l’idée du tri à la source des biodéchets. Mais, très vite, on comprend que le principal problème vient du manque de sérieux d’une partie des Français sur la question du tri sélectif. Certains jettent leurs déchets dans l’environnement, d’autres utilisent la même poubelle pour tous leurs déchets… On est donc bien loin des objectifs attendus pour un mode de gestion des déchets plus vertueux.
Le tri des biodéchets en France
Selon un article du Parlement européen, l’Union européenne « a fixé un objectif de 60 % de réutilisation et de recyclage des déchets municipaux d’ici 2030 ». De nombreux pays européens ont ainsi dépassé ces 60% comme l’Allemagne, la Bulgarie, l’Autriche et la Slovénie. Qu’en est-il de la France ? En 2021, seulement 45,1% des déchets municipaux produits dans l’Hexagone étaient recyclés ou compostés. Bien sûr, ces données incluent d’autres types de déchets, mais cela montre tout de même un retard français en matière de tri des biodéchets.
« Tout ce qui est compost, tout ça, je ne le fais pas encore », confie une habitante de Vichy. De nombreux témoignages comme celui-ci montrent qu’en 2023, le tri à la source des biodéchets n’est pas encore assez démocratisé. Cela s’explique notamment par la difficulté de mise en place d’un composteur, l’un des outils possibles pour ce tri. En effet, comment bénéficier d’un compost lorsqu’on habite dans un immeuble ou une résidence ?
Un étudiant de Vichy résume ce problème: « Tu peux avoir un composteur mais le problème c’est qu’il faut habiter dans une maison, enfin, moi je peux pas [utiliser un composteur] ». Il n’est pas le seul à se questionner sur la mise en place généralisée de composteurs. « Je pense que c’est difficilement applicable, surtout dans [les résidences] », ajoute un autre habitant de la commune. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) précise tout de même que les villes disposent de plusieurs solutions pour encourager le tri des biodéchets, dont des « composteurs de quartier ou en pied d’immeuble ».
Un frein économique
Autre problème possible, plus économique, le prix du composteur à 25 euros proposé par la ville de Vichy. Cela laisse perplexe certains habitants. « 25 euros… Est-ce que tout le monde voudra [en acheter] à l’heure actuelle ? », demande une riveraine. Le prix du composteur pourrait donc être dissuasif pour certains citoyens. Ceci qui constitue donc un autre frein à la généralisation du tri des biodéchets. Pour autant, l’alternative de l’Ademe citée plus haut permet aussi d’éviter de payer pour un composteur personnel.
Des villes organisent déjà le tri à la source des déchets organiques via des collectes publiques. L’agglomération de Vichy s’y prépare depuis 2022 à travers une « expérimentation de la collecte des biodéchets en points d’apport volontaire » dans les communes de Vichy, Bellerive-sur-Allier et Cusset. À terme, « 200 à 400 collecteurs en libre accès […] seront déployés sur les 3 communes, soit 20 points de collecte par quartier » explique Vichy Communauté dans un communiqué.
La législation sur le tri à la source des biodéchets semble donc une bonne solution pour démocratiser cette pratique. Cependant, des problèmes pratiques mais aussi sociétaux subsistent. Face à cela, comment espérer que le tri à la source des biodéchets s’effectue dans les meilleures conditions dès le 1er janvier 2024 ?