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Le street art à l’honneur au Festival Peinture Fraîche

Ce mercredi 12 octobre s’ouvrait la quatrième édition du Festival Peinture Fraîche à la Halle Debourg (Lyon 7e), promouvant encore une fois le street art au sein d’une exposition actuelle et variée. Ayant enregistré l’an dernier presque 60 000 entrées en un mois d’exposition, durée habituelle du festival, celui-ci se renouvelle cette année pour offrir une expérience encore plus interactive et diversifiée jusqu’au 6 novembre 2022.

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Affiche du Festival 2022
(source : https://www.facebook.com/peinturefraichefestival/)

Une sélection d’artistes riche et variée

Le Festival accueille cette année 47 street artistes de dix pays différents (Algérie, Allemagne, Angleterre, Colombie, Etats-Unis, France, Hongrie, Italie, Turquie, Yémen). Il met ainsi en lumière des œuvres internationales, nationales mais aussi locales avec la prédominance numérique des artistes de la métropole lyonnaise. Cette variété et le fait que les œuvres ne soient pas classées selon leur origine mais coexistent ensemble dans cet ancien grand entrepôt permet de créer un dialogue entre les œuvres et artistes, selon les enjeux propres à chacun, les styles employés et les contextes de production. Cela engendre un pêle-mêle artistique fécond et enrichissant, invitant les visiteurs à réfléchir sur les préoccupations artistiques et politiques des artistes, tout en se constituant une culture street art éclectique. Il faut noter par ailleurs l’inclusivité de la sélection des artistes, qui outre leurs origines sont aussi de genre et d’âge différents, permettant d’offrir un panorama intéressant du street art actuel et témoignant du caractère universel de celui-ci, qui pourrait s’adresser à tous.

La diversité est repérable également dans la pluralité des techniques utilisées (peinture à la bombe, au néon, pochoir, modelage…), ainsi que dans les formes prises par les œuvres. En effet, même s’il s’agit pour la plupart de peintures, comme l’indique le nom du festival, leur format peut varier, et il y a aussi quelques sculptures et jeux de relief ou de matières différentes. Les artistes possèdent tous un style et des thèmes de prédilection différents : Cannibal Letters (Lyon) par exemple, l’un des artistes exposés, fait de la typographie son objet principal tout en s’inspirant de la bande dessinée ; Myet (Paris) au contraire se spécialise davantage dans les portraits. Voyder (Royaume-Uni) quant à lui réunit ses deux inspirations principales que sont l’art baroque de la Renaissance et le street art dans des œuvres hybrides en jouant de la superposition de couches.

D’autres artistes revendiquent un engagement plus affirmé dans leurs œuvres, comme Erre (Colombie), par exemple. Celle-ci milite contre l’inégalité femmes/hommes en célébrant la force et la colère des femmes, et en incitant à lutter pour leurs droits. Dans le même esprit féministe, Foufounart (Lyon) réalise des modelages colorés du sexe féminin afin de dénoncer son invisibilisation et sa méconnaissance, dans l’histoire de l’art comme dans la vie quotidienne. La coexistence de leurs œuvres dans ce festival permet ainsi au visiteur de prendre conscience de la multiplicité des réponses possibles par l’art urbain face à un vaste problème de société qu’est le sexisme. Cela témoigne d’expressions féministes multiformes, portant sur des enjeux différents.

Toujours dans une démarche critique de la société, on peut s’attarder sur l’œuvre de Cibo (Italie), qui crée des peintures murales pour recouvrir les graffitis néo-fascistes à Vérone de représentations colorées de nourriture italienne, s’ancrant donc dans un contexte bien précis. Pimax (Paris) dénonce quant à lui la course vers le chaos entamée par la société actuelle à travers le personnage de Nourf Nourf, un chien rouge qui nous fait voyager dans divers lieux bétonnés et grisâtres. Il joue des codes de l’art contemporain, et utilise plusieurs matériaux pour réaliser ses oeuvres (sculptures en résine, pochoir…).

Enfin, plusieurs artistes interrogent notre rapport à la nature, entrant en résonance avec les enjeux écologiques actuels. Fat Heat (Hongrie) réfléchit sur l’anthropocentrisme en relativisant la place de l’être humain dans le monde. Il remet en question le bien-fondé de la différence entre animaux et humains, et la distance prise par ces derniers avec la nature. Cela fait écho à l’œuvre d’Ardif (Paris), qui examine les rapports entre technique et nature avec sa série « Mechanimals », soulignant le nécessaire équilibre entre les deux. Ces préoccupations écologiques se retrouvent notamment dans la gestion du festival lui-même, qui se veut éco-responsable, et témoigne donc d’une cohérence entre le versant artistique et le versant organisateur de l’exposition.

Une exposition novatrice, immersive et interactive

Ainsi, les artistes sont nombreux et offrent un panorama varié du street art actuel. Leur compréhension par le visiteur est favorisée par l’application emblématique du festival, « Peinture Fraîche Festival » qui cette année propose une explication générale de l’œuvre de chacun, et un aperçu de leurs autres productions. Il est même possible d’emprunter un appareil portatif dédié le temps de l’exposition, si l’application n’est pas compatible avec notre téléphone, afin de s’immerger dans les œuvres des artistes. C’est un moyen de permettre un rapport privilégié avec ceux-ci, pour que le visiteur puisse se familiariser avec leur style et sujets.

Cela participe à l’actualité de l’exposition, qui ne réside pas seulement dans le contenu de celle-ci mais dans sa forme : de fait, il s’agit du premier festival alliant street art et réalité augmentée, dans une démarche innovante, didactique mais aussi inclusive. En effet, une visite virtuelle et gratuite de l’exposition à 360° est par exemple possible, pour permettre à ceux ne pouvant pas se déplacer jusqu’au festival de découvrir malgré tout les artistes exposés.

Il s’agit donc d’une exposition alternative à la conception muséale traditionnelle du white cube, où les œuvres sont exposées dans une salle classique, aux murs blancs et sans fenêtres. Ce mode d’exposition a pu être critiqué pour son atmosphère aseptisée, pouvant être accusée de neutraliser les effets esthétiques des œuvres et d’empêcher une réelle rencontre avec celles-ci, en les isolant et en les décontextualisant. A l’inverse, ici l’accent est mis sur l’immersion et l’interaction : le visiteur n’est pas simple spectateur mais véritable participant.

La scénographie même favorise cette immersion grâce à la hauteur des murs, permettant d’exposer des œuvres imposantes, et par l’accumulation de celles-ci, faisant que peu d’espace est laissé vide. L’absence de cloisons sert également le dialogue entre les œuvres évoqué précédemment, et leur confrontation par le visiteur. Une salle cependant est séparée ; le sous-sol, qui réouvre cette année pour exposer Philip Wallisfurth (Allemagne) qui mixe éléments de street art et éléments d’art contemporain. Le reste de l’exposition permet une relative flexibilité dans le parcours choisi par le visiteur, qui n’est pas obligé de suivre un itinéraire unique mais qui peut opter de déambuler aux étages de son choix. Tout cela contribue donc à faire de cette exposition un lieu de partage et de véritable rencontre entre le visiteur et l’art urbain.

L’exposition se veut immersive notamment par la sollicitation de plusieurs sens, autres que la vue, y compris par la nature des œuvres elles-mêmes. Le groupe The Atomik Nation (Paris) par exemple réunit le sonore et le visuel par le biais de boîtes à musique originales. Celles-ci invitent de surcroît le visiteur à les manipuler, et donc à jouer un rôle dans l’expression sonore (en allant plus ou moins vite, de façon saccadée ou non, en s’arrêtant au milieu ou en continuant…). On peut aussi citer Antonin Fourneau (Marseille), qui développe un matériau qui s’illumine au contact de l’eau, le Waterlight Graffiti. Cette création innovante, autant technologique qu’artistique, permet une œuvre participative où petits et grands peuvent venir tracer des dessins éphémères sur la paroi au moyen de chiffons humides, et qui une fois disparus invitent d’autres visiteurs à faire de même. Ces artistes illustrent l’importance accordée à l’innovation et à l’expérimentation par le festival, qui offre une approche novatrice de l’art et de son exposition.

Enfin, d’autres dispositifs interactifs sont mis en place, comme la possibilité de peindre à la bombe sur le mur extérieur du lieu, chaque visiteur recouvrant les motifs des visiteurs précédents dans une œuvre collective et éphémère. Le festival propose également des ateliers, des lives ou des visites guidées afin de permettre le meilleur contact possible avec les œuvres. Tout cela manifeste une volonté de rendre le street art accessible à des publics pluriels, tout en se démarquant des espaces muséaux traditionnels.

Un festival ouvert à tous

Ce festival s’adresse ainsi à des visiteurs déjà passionnés de street art comme à des visiteurs simplement curieux d’en apprendre plus ou d’expérimenter une forme d’exposition nouvelle. Le nom même « Peinture Fraîche » semble souligner le caractère actuel du street art, avec l’idée de peinture récemment posée. Cela peut aussi rappeler à ceux y ayant participé l’atelier de peinture à la bombe à l’extérieur mentionné plus haut.

C’est donc l’occasion rêvée de découvrir le monde du street art, avec des artistes contemporains, et des œuvres en lien avec notre société actuelle et ses enjeux : une exposition qui en vaut le détour !

Autres artistes exposés :

Afnan, Bakeroner, Chienpo, Daniel Berio, David Speed, Haribow, Huereck, Insane, Juan Spray, Kashink, La Dactylo, Les Cartonneurs, Lester Paints the World, Lokiss, Loraine Motti, Manola, Mellea, Mlle Terite, Monsta, Nicolas Barrome Forgues, Nubian, Omarker, Oshe, Ponce, Raffu, Ruane, Sako Asko, Sneak Hotep, Thomas Evans, Toxicomano, Zeus40.

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