Une couverture médiatique à l’image des résultats électoraux
Dimanche 9 juin 2024, il est 20 h quand les premières estimations des scores aux Européennes sont diffusées sur l’ensemble des chaînes de télévision françaises. C’est le choc. Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement National (RN), arrive en première position avec près de 32 % des voix, écrasant ainsi la majorité présidentielle représentée par Valérie Hayer. Elle comptabilise seulement 15 % des suffrages. En troisième position, Raphaël Glucksmann avec 14 % des voix. Pourtant, ces résultats sont peu surprenants si on s’intéresse au sondage réalisé par Tagaday, la plateforme de veille des médias, publiée dans Sud-Ouest début juin. Entre 2019 et 2024, Jordan Bardella a été mentionné 17 309 fois dans les médias, loin devant Raphaël Glucksmann et ses 11 832 mentions, et Valérie Hayer, loin derrière avec seulement 5 764 mentions.
L’extrême-droite omniprésente sur les chaînes privées
Vincent Bolloré a créé un boulevard pour l’extrême droite. C’est aussi comme cela que l’article aurait pu être intitulé tant l’omniprésence des partis d’extrême droite sur les chaînes privées questionne sur son degré de sympathie avec ces derniers. Effectivement, la surreprésentation des partis extrémistes dans les médias est incontestable et contribue à leur montée en puissance. Selon deux études de Statista, la part des invités politiques d’extrême-droite sur CNews dans les matinales a atteint 26,5 %, 15,8 % sur LCI ou encore 11,5 % sur RTL. C’est le cas également sur C8 : 50 % du temps d’antenne était occupé par la famille politique d’extrême-droite, quand la gauche, elle, n’en cumulait que 11,5 %. Les têtes de liste du Parti animaliste, Écologistes, Parti Pirate, Territoires en Mouvement sont quant à eux entièrement invisibilisés.
Ces chiffres interrogent quant au degré d’implication des chaînes privées dans la sphère politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle CNews fait aujourd’hui l’objet d’un contrôle renforcé de la part de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM.
Des français mal informés
Mais la victoire du RN est-elle due à sa surexposition dans les médias ou à un manque d’information des Français ? Les optimistes pencheraient vers la seconde option, pensant qu’en toute connaissance de cause, il serait déraisonnable d’orienter son vote vers le Rassemblement National. En effet, comment donner des voix aux élections européennes à un député qui brille au Parlement par ses absences à répétition ? Seulement 21 amendements déposés depuis 2019. À titre comparatif, c’est 1 200 pour François-Xavier Bellamy. La piste de la désinformation des Français est donc à explorer. Selon une étude publiée par la Fondation Jean Jaurès en mai dernier, il est stipulé que plus d’un Français sur deux s’estime mal informé sur les questions européennes.
C’est maintenant aux journalistes de redevenir les garde-fous de la démocratie en donnant une information neutre et correcte à tous, afin d’être en mesure de faire un choix juste. Les médias devraient être davantage en capacité de donner voix au chapitre à l’ensemble des partis afin de respecter le pluralisme politique. La diversité d’opinions publiques caractérise notre démocratie. Donner autant d’importance aux extrêmes peut conduire à une surreprésentation et donc influencer l’audience.