Le revirement des politiques de diversité des entreprises américaines

Depuis l’élection de Donald Trump, les grands patrons américains sont de plus en plus nombreux à se subordonner à ce dernier. Néanmoins, au-delà du soutien accru accordé à la figure Républicaine par les entreprises depuis sa victoire, les politiques entrepreneuriales visent désormais à remettre en question les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion, ainsi que ceux concernant la lutte contre le changement climatique.

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WASHINGTON, DC - 20 JANVIER : Des invités dont Mark Zuckerberg, Lauren Sanchez, Jeff Bezos, Sundar Pichai et Elon Musk assistent à l’inauguration de Donald J. Trump dans la rotonde du Capitole américain le 20 janvier 2025 à Washington. Getty Images
WASHINGTON, DC - 20 JANVIER : Des invités dont Mark Zuckerberg, Lauren Sanchez, Jeff Bezos, Sundar Pichai et Elon Musk assistent à l’inauguration de Donald J. Trump dans la rotonde du Capitole américain le 20 janvier 2025 à Washington. Getty Images

Le retrait des politiques DEI, un tournant majeur

Ces dernières années, et notamment sous le mandat de Joe Biden, les grandes entreprises américaines ont massivement adopté des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion, autrement appelés programmes “DEI”. Ces derniers visent à intégrer une plus grande diversité au sein des équipes afin de favoriser une culture de l’inclusion dans le milieu du travail. 

Cependant, un nombre croissant de ces entreprises, notamment technologiques, telles que Meta, Google, Microsoft, et Amazon, ont annoncé des révisions importantes de leurs politiques en matière de DEI. 

Cette évolution intervient dans un contexte où la conformité juridique des entreprises et l’agitation des préoccupations liées à la discrimination positive sont au cœur des débats; mais surtout par où la polarisation politique s’accroît aux États-Unis. En effet, l’arrivée au pouvoir du 47ème Président des États-Unis Donald Trump a amené les entreprises à agir en défaveur de l’inclusion, que ce soit par opportunisme ou pragmatisme. Néanmoins, outre Donald Trump, d’autres figures conservatrices telles que des membres de la Cour suprême influencent activement les politiques sur la diversité. 

Ainsi, alors que les valeurs progressistes sont traditionnellement associées aux entreprises américaines de la tech, le retrait des programmes DEI apparaît comme une rupture avec ces valeurs à partir desquelles ces derniers ont autrefois tenté d’instaurer une justice sociale au sein des entreprises.

Un contexte juridique et politique en pleine mutation

L’abandon des programmes DEI dans les grandes entreprises technologiques ne se produit pas dans un vide politique. En effet, les réformes juridiques récentes, combinées à un climat politique de plus en plus polarisé, ont contribué à remettre en question l’idéologie du « wokisme », qui prône une prise en compte plus systématique des critères de diversité dans la gestion des ressources humaines. 

La décision de la Cour suprême des États-Unis en 2023 mettant fin aux politiques de discrimination positive dans les admissions universitaires, a été le premier tournant majeur dans l’évolution des mentalités américaines. En effet, certains groupes conservateurs ont interprété cette décision comme un signe que les politiques de diversité. En particulier celles qui privilégient des groupes minoritaires dans des domaines comme l’éducation et l’emploi, décrites comme des formes de discrimination inversée, accroissant leur dédain pour ces politiques de discrimination positive. 

De plus, les décisions politiques précipitées du gouvernement Trump ont permis de conforter les entreprises dans leur revirement. En effet, dès son arrivée, le Président Donald Trump a mis en place un décret exécutif interdisant les programmes DEI au sein du gouvernement fédéral. 

Par ailleurs, le 29 janvier 2025, Donald Trump a également choisi de censurer certains termes en validant une note appelée “abrogation woke”. Cette note vise à supprimer tout programme ou financement lié à l’activisme climatique, mais également à l’égalité des sexes et les minorités. Pour ce faire, toute référence à la crise climatique sur les sites internet de l’État mais également dans les publications des chercheurs rattachés à des agences fédérales ont été supprimés. Ainsi l’utilisation de termes dits “idéologiquement biaisés” sont proscrits, sous peine de perdre leurs financements fédéraux. Par conséquent, les termes liés à l’environnement tels que “justice environnementale”, “émissions de gaz à effet de serre”, “climat”, ainsi que des termes liés à la communaté LGBTQ+ et à la diversité tels que “femme”, “préjugé” et “diversité” ont été bannis. 

Ces évolutions soudaines ont ainsi conduit des entreprises comme Meta, Google et Microsoft à revoir leurs stratégies internes, tout en mettant fin à certains programmes DEI jugés coûteux et controversés. 

C’est pourquoi dans ce climat, les grandes entreprises technologiques se trouvent brouillées entre impératifs juridiques et attentes politiques, tout en essayant de maximiser leur prospérité. Ainsi, le choix est parfois vite fait pour certaines entreprises opportunistes.

Meta et la mise en œuvre du modèle conservateur

Mark Zuckerberg, patron de Meta, a pris la décision au début du mois de février 2025 de dissoudre ses équipes DEI. En effet, après avoir revendiqué ses convictions “masculinistes” et supprimé le système de modération sur ses réseaux sociaux, Mark Zuckerberg s’enclave davantage dans un politique conservatrice, affichant par ailleurs un soutien accru pour le Président Donald Trump. 

Par ailleurs, la vice-présidente des ressources humaines de Meta, Janelle Gale, a justifié cette décision en évoquant un « paysage juridique et politique » en mutation, expliquant que les termes « diversité, équité et inclusion » étaient désormais perçus comme « polarisants ». Selon elle, ces termes peuvent désormais être perçus comme des symboles de favoritisme et de discrimination envers des groupes majoritaires, ce qui a conduit l’entreprise à réorienter sa stratégie. Néanmoins, cette décision a permis de mettre en avant la volonté de Meta de s’aligner avec la politique mise en place par l’Administration Trump depuis le 20 janvier 2025. 

Dans la continuité de ce modèle conservateur, Meta a également annoncé qu’elle abandonnait son approche de recrutement fondée sur des « ardoises diverses ». En effet, cette méthode consiste à garantir un panel de candidats issus de groupes divers pour chaque poste. Cette approche considérée comme un moyen d’assurer la diversité au sein des équipes de recrutement a ainsi été remplacée par des critères de sélection basés davantage sur le mérite et les compétences des candidats, indépendamment de leur origine ethnique ou de leur genre. De cette manière, Meta a souhaité mettre fin à ses objectifs de représentation pour les femmes et les minorités, estimant que de tels objectifs créaient des perceptions de biais dans les prises de décision.

En outre, la nomination de Joel Kaplan, républicain influent, comme responsable des affaires mondiales de Meta, confirme le rapprochement de l’entreprise avec l’administration Trump. D’autant plus que la politique sociale des États-Unis subit aujourd’hui un tournant conservateur. Ces réformes au sein de Meta reflètent ainsi la volonté d’adopter une approche plus conservatrice, tout en se conformant aux nouvelles attentes sociales et politiques jugées majoritaires au sein des États-Unis. 

La révision des objectifs de diversité chez Google

De la même manière, Google a annoncé qu’il supprimait ses objectifs explicites de représentation dans ses recrutements, dans le cadre d’une révision de ses pratiques internes. L’entreprise a souhaité justifier cette décision en affirmant vouloir se concentrer sur l’égalité des chances pour tous, sans tenir compte des quotas ou des objectifs de représentation. Ainsi, en supprimant les mentions spécifiques à la diversité dans son rapport annuel, Google a mis un terme à l’engagement public qu’elle avait pris en 2021 en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion.

Cette décision semble s’inscrire dans un contexte où la politique de diversité au sein des grandes entreprises est désormais perçue comme coûteuse et source de divisions. Les critiques contre les programmes DEI expliquent qu’ils seraient responsables d’un climat de méfiance et de discrimination inversée. D’autant plus que ces critiques se sont intensifiées après la décision de la Cour suprême en 2023. 

Google, bien qu’affirmant que ses équipes continueront de promouvoir une « égalité des chances », a décidé de se distancier de toute approche de recrutement ou de formation axée sur la diversité, considérant qu’il était plus important de se concentrer sur la compétence pure. Cette évolution est symptomatique d’un climat politique de plus en plus hostile à ces initiatives et d’une volonté de Google de se protéger face à d’éventuelles critiques juridiques ou médiatiques.

Un changement de mentalité dans la Silicon Valley

Ce retournement de situation au sein des géants de la tech n’est pas isolé. Microsoft, qui avait annoncé dès la fin 2023 la réduction de ses équipes DEI, a également pris des mesures pour simplifier sa gestion interne et réduire les coûts associés à la mise en œuvre de ses programmes de diversité. 

Des entreprises comme Amazon, bien que n’ayant pas officiellement supprimé leurs programmes DEI, ont modifié leur approche en mettant l’accent sur des initiatives plus ciblées aux résultats bien présents. En supprimant des termes liés à la diversité de ses politiques internes, Amazon a également pris soin d’ajuster son image publique pour répondre aux attentes d’un climat politique plus conservateur, dans la lignée de ses concurrents de la tech. 

Cependant, malgré les pressions croissantes, certaines entreprises, comme Apple restent attachées à leurs engagements en matière de diversité. En effet, en janvier 2025, l’entreprise a fermement rejeté une proposition d’actionnaires visant à supprimer ses programmes DEI, affirmant qu’ils étaient essentiels à son modèle d’entreprise. 

Ainsi, la divergence de ces approches au sein de la Silicon Valley témoigne des tensions internes sur la manière de concilier rentabilité économique et responsabilité sociale. Les entreprises qui choisissent de maintenir leurs initiatives DEI devront désormais justifier leurs décisions face à un environnement politique de plus en plus hostile à ces politiques.

Conséquences sur les employés et la société américaines

Les conséquences de ces révisions sur les employés sont loin d’être anodines. En effet, les travailleurs issus de groupes sous-représentés, tels que les femmes, les minorités ethniques ou les personnes handicapées, peuvent percevoir cette décision comme un retour en arrière concernant leurs droits et l’égalité en général. 

Dans certains secteurs dominés par des hommes blancs, l’Affirmative Action a toujours été une fierté pour les minorités qui ont, jusqu’à peu, pu accéder à une égalité dans le milieu professionnel. Néanmoins, certains voyant ces politiques comme des formes d’ “injustice inverse”, plusieurs entreprises se félicitent de ce retrait des programmes DEI.

Au-delà des employés, ces décisions ont également un impact sur l’image publique des entreprises concernées. En effet, la suppression des programmes DEI pourrait être vue par les consommateurs, les investisseurs et la société civile comme une trahison envers les valeurs d’inclusion et de responsabilité sociale. Ainsi, les entreprises qui ont pris cette direction pourraient désormais être confrontées à des critiques concernant leur engagement réel envers les valeurs d’égalité des chances et d’équité, alors que leurs priorités sont toutes tournées vers la politique du Président Trump. 

La montée d’une opposition aux politiques de diversité

Les politiques DEI, longtemps défendues comme des programmes nécessaires pour corriger les inégalités dans le monde du travail, sont désormais au cœur d’un débat intense sur la question de la justice sociale. D’un côté, les défenseurs de ces politiques soulignent l’importance de l’inclusion pour le bon fonctionnement des entreprises et de la société. De l’autre côté, les critiques conservatrices dénoncent ces initiatives comme des « discriminations inversées » et des mesures idéologiques. 

Cette opposition, alimentée par des voix politiques comme Donald Trump, a atteint un point où les entreprises se trouvent sous pression pour réévaluer leurs priorités.

Les grands groupes de la tech se retrouvent désormais tiraillés dans un environnement où les enjeux politiques et juridiques autour de la diversité prennent de l’ampleur. Les pressions des conservateurs, notamment après les décisions de la Cour suprême et les critiques des groupes conservateurs rendent la gestion de la diversité d’autant plus complexe pour les entreprises.

Ainsi, ces réformes ne sont pas seulement le résultat de pressions économiques internes, mais sont également l’issue de facteurs juridiques et politiques plus vastes. La Silicon Valley, autrefois perçue comme un bastion de l’innovation sociale, se trouve aujourd’hui confrontée à des dilemmes qui interrogent sur la place de la diversité dans un monde où les valeurs politiques sont de plus en plus polarisées. Les entreprises devront désormais trouver un équilibre entre rentabilité, innovation et inclusion, tout en répondant aux exigences d’un environnement juridique et politique de plus en plus hostile à leurs engagements passés.

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