Retour sur les évènements
14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais à Nice. L’ambiance est légère. Touristes et habitants sont rassemblés pour célébrer la fête nationale française. Les feux d’artifices viennent de fendre le ciel de la côte azuréenne. Quelques minutes plus tard, aux alentours de 22h 40, un camion de 19 tonnes entraîne dans ses roues une violence sans précédent. A son bord, Mohamed Lahouaeij-Bouhlel. Ce dernier fonce sur la foule à une vitesse atteignant 90km/h. Sa course folle est fatale à 86 personnes, près de 400 autres sont blessées et des centaines choquées par la violence de l’attaque. Dans l’intervention policière qui s’en suit, le terroriste est tué par les balles de deux agents de la Brigade spécialisée de terrain (BST). Seulement quelques mois après les attaques du 13 novembre, et dans une France encore sous un plan Vigipirate bien en place, le choc est immense.
Dès le lendemain, François Hollande, alors Président de la République, caractérise ces attaques de « terrorisme islamique » avant même une revendication. Celle-ci interviendra deux jours plus tard, lorsque l’Etat Islamique salut le « soldat islamique » et son action. Pourtant, le flou règne autour des liens réels entre l’auteur de l’attaque et le groupe terroriste salafiste. En effet, bien que l’auteur des faits se soit fait pousser la barbe un mois avant l’attaque, qu’il ait prononcé des phrases de plus en plus radicales, rien n’indique clairement un basculement.
Le terroriste était-il un opportuniste qui s’est servi de la menace terroriste pour assouvir ces pulsions sanguinaires ? ou un réel radicalisé ?
Cependant, si le tueur n’est plus présent pour répondre de ses actes, des complices potentiels sont mis en cause.
Les chefs d’accusation
6 ans d’enquête. C’est le temps qu’il a fallu pour juger les potentiels complices du tueur. Des recherches minutieuses, des arrestations qui n’ont pas abouties et au final, huit personnes sur le banc des accusés. Parmi elles, 7 hommes et 1 femme. Chokri Chafroud, Mohamed Ghraieb, Ramzi Arefa, Artan Henaj et sa compagne Enkeldja Zace, Brahim Tritou, Mashim Celaj et Endri Elezi.
Les 3 premiers noms sont les plus importants. En effet, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraeib sont mis en cause pour « association de malfaiteur terroriste » et risquent jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. De son côté Ramzi Arefa, déjà connu des services de police pour cambriolages et trafic de stupéfiants risque la prison à perpétuité pour « association de malfaiteur terroriste et en état de récidive légale pour une condamnation criminelle sans rapport avec le terrorisme ».
Les 5 autres sont mis en cause pour des faits plus « légers ». Plusieurs d’entre eux sont accusés d’avoir aidé le terroriste à se fournir une arme. Soit en tant qu’intermédiaire, soit en transportant cette arme. Parmi eux, le clan des « Albanais ». Artan Henaj aurait fourni l’arme utilisée par le terroriste lors de l’attaque. Tandis que sa femme aurait fait la traduction lors de l’échange. De plus, Maskim Celaj, cousin de Henaj, aurait transporté l’arme par demande de son ce dernier.
En l’absence du tueur et de complices directs « il y a aura des frustrations, c’est inévitable » avait prévenu le Parquet national anti-terroriste. Malgré tout, le procès prend place, très attendu par les victimes et leurs familles.
Le procès
L’ouverture du procès se tient le 5 septembre, à la cour d’assises de Paris. Dans la même salle qui avait accueilli le procès du 13 novembre.
Dès le départ, quelques 485 victimes de l’attaque se sont constituées parties civiles. Cependant, au début du procès, ce sont en fait près de 2000 victimes représentées par 150 avocats qui attendent des condamnations à la hauteur de leur préjudice. Du côté des accusés, seulement 7 des 8 présumés coupables sont présent. Pour cause, Brahim Tritou, est détenu en Tunisie après avoir fui la France. Il est donc jugé en son absence, au même titre que les autres accusés.
Une chose ressort des plaidoiries de la défense. Les accusés ne doivent pas porter les responsabilités d’un tueur qui n’est plus là pour y répondre. « Tous ces accusés méritent d’être jugés indépendamment des faits reprochés à Mohammed Lahouaeij-Bouhlel, avec la rigueur nécessaire de l’administration de la preuve » déclare ainsi lors du procès Karim Laouafi, avocat d’un des accusés.
3 mois d’audience, de nombreux sujets abordés, dont les responsabilités de chacun dans l’affaire. Lors du dernier jour d’audience (le 60ème), les accusés ont eu le droit de s’exprimer une dernière fois. Seul l’un d’entre eux a décidé de rester silencieux. Le reste a fait part de ses excuses aux familles des victimes, déclarant avoir confiance en la justice. Après 3 mois d’audience donc, les juges se sont retirés pour délibérer. Ils ont annoncé leur verdict le 13 décembre.
Les condamnations
Les juges devaient répondre à 81 questions, parmi lesquelles la responsabilité de chacun des 8 accusés. Tous ont été déclarés coupable. Les peines requises vont de 2 à 18 ans d’emprisonnement, au dessus de celles demandées.
En effet, les deux hommes les plus proches du tueur sont condamnés pour « association de malfaiteur à visée terroriste » à une peine de 18 ans d’emprisonnement. « La Cour à eu l’intime conviction que Mohamed Lahoueij Bouhlel avait été associé, dans la détermination puis la réalisation de son projet criminel, tant à Mohamed Ghraeib qu’à Chokri Chafoud ». Pour la cour, les deux hommes ont soutenus le tueur dans son entreprise, et était donc au courant des intentions de ce dernier.
De son côté, Ramzi Arefa écope de 12 ans d’emprisonnement. Le reste des accusés, jugés pour du droit commun, ne sont pas soupçonnés d’avoir eu connaissance de l’attaque à venir. Ainsi, les 5 autres prévenus, ont écopé de peines allant de 2 à 5 ans de prison.
Dès l’annonce des peines requises, une période de 10 jours est ouverte à compter du verdict pour faire appel.
Des réactions mitigées
Les avocats de la défense apparaissent mécontents des décisions de justice, trop sévère selon eux. Tous déplorent un jugement dirigé par « l’émotion nationale ». De ce fait, les avocats des deux accusés pour terrorisme ont exprimés leur intention de faire appel. « Nous considérons que cette décision est une erreur, et en conséquence nous en faisons appel » déclare l’avocat de Chokri Chafoud.
Les parties civiles ont accueillies le verdict avec « un grand soulagement » déclare Me Philippe Soussi, avocat de l’association française des victimes du terrorisme sur France Info.
De son côté, le chef du parquet national anti-terroriste se félicite au micro de France Info que « toutes les parties ont pu s’exprimer, les victimes autant que les accusés ». Même si le procès semble s’être bien déroulé, l’émotion reste vive parmi les familles des victimes. Et bien que les condamnations ne font pas office de résurrection, elles allègent, peut-être les consciences.