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Le haut niveau équestre : un monde d’hommes et d’argent ? 

L'univers équestre, largement dominé par les femmes, que ce soit du côté des licenciées ou des monitrices, révèle un déséquilibre frappant au sein de la liste des représentants français aux Jeux Olympiques de 2024, avec seulement cinq femmes contre vingt-six hommes. Cependant, pour appréhender cette disparité, il est essentiel d'examiner la condition financière associée à la pratique de l'équitation.

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Anne-Sophie Brûlé (source: Alpact Medias)

L’univers équestre, largement dominé par les femmes, que ce soit du côté des licenciées ou des monitrices, révèle un déséquilibre frappant au sein de la liste des représentants français aux Jeux Olympiques de 2024, avec seulement cinq femmes contre vingt-six hommes. Cependant, pour appréhender cette disparité, il est essentiel d’examiner la condition financière associée à la pratique de l’équitation.

Bien que l’équitation soit l’un des rares sports mixtes avec des règles et un traitement égaux, il demeure le domaine privilégié des femmes en France. Avec une représentation écrasante de 84,58 % de licenciées féminines, l’espace semble limité pour les hommes. La perception de ce sport, imprégné d’une relation particulière avec les animaux et souvent associé à des caractéristiques jugées plutôt féminines, dissuade de nombreux jeunes garçons de s’y investir.

De plus, les femmes occupent largement les métiers liés à ce sport, avec 63 % des postes dans les clubs occupés par des femmes, dont près de 56 % sont des dirigeantes. Ainsi, cette majorité écrasante laisse peu de place à l’idée de voir des hommes en compétition, ceux-ci s’immergeant généralement dans cet environnement plus tardivement. Anne-Sophie Brûlé nous éclaire sur ce sujet :

« C’est vrai : plus on monte dans la compétition, plus les femmes se raréfient. Je pense que les garçons viennent plus tard que les filles. Ces mêmes garçons sont davantage des cavaliers de compétition que de loisir et restent dans la compétition jusqu’au bout. On voit plus de filles sur les petits niveaux, réservés au plaisir. Je pense que l’esprit compétiteur est perçu comme masculin. »

Originaire de Normandie, Anne-Sophie est enseignante et cavalière professionnelle.

Aujourd’hui gérante du centre équestre Les Écuries de la Salamandre à Vulbens, qu’elle a fondé en 2011.Elle est arrivée dans le métier en rencontrant un jeune cheval de 4 ans avec du potentiel. Ce dernier lui a ouvert les portes du haut niveau avec le Championnat des 7 ans et les compétitions 2 et 3 étoiles des compétitions CCE (Concours Complet d’Équitation)

La compétition, un monde pour l’élite…financière ? 

La pratique de l’équitation, déjà connue pour son coût élevé, devient encore plus exigeante sur le plan financier lorsqu’on s’engage dans le monde de la compétition. En Île-de-France, le coût moyen de participation à une compétition officielle avoisine les 60 euros. Néanmoins, à mesure que le niveau de compétition s’élève, les exigences financières augmentent de manière proportionnelle.

Cette escalade des tarifs atteint son apogée avec la qualification aux Championnats de France, considérée comme l’une des compétitions les plus coûteuses de l’année, étalée sur deux périodes de 7 jours. Ainsi, la pratique de l’équitation, déjà réservée à une classe sociale élevée, devient une barrière financière majeure, limitant considérablement la possibilité pour de nombreuses personnes d’accéder et de progresser dans ce sport. En effet, contrairement à des sports plus accessibles nécessitant simplement un ballon, l’équitation impose des coûts liés à l’équipement et à l’entretien d’un cheval.

Ainsi, le sport équestre n’est pas donné à tout le monde. La part des licenciés qui pratiquent la compétition est très faible et cela ne s’arrange pas lorsque le niveau monte, « C’est d’abord une équitation de loisir », confirme Anne-Sophie. 

Les compétitions de haut niveau sont réservées, non aux plus doués, mais souvent aux plus riches ! Comme le dit l’expression « beaucoup d’appelés, mais peu d’élus », c’est comme un hymne dans le haut niveau. La compétition intense entre les cavaliers pour obtenir un statut de titulaire au sein des cavaliers en décourage plus d’un. Entre argent et talent : en l’absence de l’un, il est essentiel de (grandement) s’appuyer sur celui qu’on possède. 

Lorsque nous interrogeons une cavalière de haut niveau sur les caractéristiques nécessaires pour accéder aux compétitions les plus prestigieuses, sa réponse est claire : « Du soutien et de l’argent »

Elle ajoute : « Pour les personnes qui travaillent dans le milieu, le système français fait que les chevaux sont destinés à la vente. C’est-à-dire que soit on est propriétaire de son cheval de haut niveau et on travaille dans un autre métier, ou les chevaux ne nous appartiennent pas. Il n’est donc pas évident de garder des chevaux de compétition, ce qui limite le haut niveau, homme comme pour femme. » L’argent est un facteur non négligeable dans l’accès au haut niveau. Cela s’applique aux hommes comme aux femmes, ou presque.

Une vie de famille : incompatibilité ou inéluctabilité pour les femmes ?

Au-delà de la dimension financière, quels sont les facteurs qui contribuent à la prédominance masculine aux échelons les plus élevés ? Cette disparité s’accroît à mesure que l’on gravit les échelons, et plusieurs explications peuvent être avancées.

Dans un premier temps, la sous-représentation des femmes découle en partie des contraintes familiales. La perspective d’une grossesse constitue une raison fréquente des abandons dans les niveaux de compétition élevés, entraînant une pause totale dans la pratique de l’équitation pendant neuf mois, ainsi que des responsabilités inévitables après la naissance. Après avoir donné naissance, les femmes éprouvent une appréhension accrue de se blesser en pratiquant l’équitation à un niveau élevé, un sport imprévisible. Cette préoccupation est renforcée par les charges importantes qu’elles doivent assumer en tant que mères de jeunes enfants, où toute blessure devient particulièrement indésirable. La pression sociale, particulièrement forte sur les femmes, quant aux responsabilités parentales, vient s’ajouter à ces considérations.

Choisir de vivre de sa passion au détriment de voir son enfant grandir à temps plein est un dilemme qu’Anne-Sophie a su affronter : 

« C’est rarement le père qui s’occupe d’emmener les enfants à l’école, de faire à manger et de les coucher. De plus, une des conditions sine qua non de ce métier-sport, c’est le soutien qu’on a autour, femme ou homme. Et expérience faite, c’est compliqué pour un homme que la femme soit si peu présente quand elle fait de la compétition, à moins qu’il soit aussi dans le milieu. De plus, reviens le problème de concilier enfants et haut niveau. Après, il y a le dilemme que j’ai fait : avoir des enfants et de ne pas les voir grandir. Ce sont des choix de vie discutables pour certains. »

Ainsi, elle termine sur son point de vue dans ce sport, qui peut s’avérer difficile par moment : 

« C’est dur, par la contrainte même de l’exigence d’un cheval, d’avoir son travail à côté, un enfant et de devoir tous les jours travailler son cheval. Avoir plusieurs chevaux, ça augmente la difficulté. Et, quand on travaille dans ce sport, comme avec mon ancien centre équestre, c’est très contraignant et que par rapport à une vie sociale et familiale : ce sont vraiment des choix qui s’imposent. »

Un monde où les femmes ne sont pas les bienvenues ?

Dans un sport où les mêmes règles s’appliquent à tout le monde sans distinction de genre, on s’attend à une certaine ouverture d’esprit. Or, c’est en août 2021 que les Jeux Olympiques nous prouvent le contraire. Ce 6 août 2021, c’est le dernier tour de CSO par équipe, et la France est première ex-aequo au provisoire grâce à trois sans-fautes. Après des Jeux Olympiques avec des résultats en individuel plutôt décevants, ainsi, la phase par groupe redonne espoir.

Cependant, la dernière cavalière qui s’élance aux couleurs de la France tombe, ce qui entraîne la chute de la France dans le classement. Cette dernière, c’est Pénélope Leprevost, grande cavalière qui détient de nombreux prix et qui fait partie de l’équipe de France depuis de très longues années. Suite à cet incident, la misogynie et le sexisme sur les réseaux ne se sont pas fait attendre. Des critiques désobligeantes sur sa monte à cheval sont accompagnées d’une comparaison avec son genre de femme. Les Bleus ont bien évidemment montré leur soutien à leur collègue, car une erreur dans ce sport arrive vite… et à tout le monde !

Pénélope Leprevost lors du dernier tour des JO 2021. (source: Ouest-France)

Anne-Sophie confirme que ces critiques envers Pénélope Leprevost sont absurdes :      « J’ai eu aussi cette croyance qu’il y avait une préférence pour les hommes dans le haut niveau, mais de cette croyance, je me suis bien rendu compte que cela ne reflétait pas la réalité. J’ai vu deux femmes passer en coupe des nations ces deux derniers mois et que tout est une question de résultat et pas de sexe. Les sélectionneurs sont des chasseurs de médailles et peu importe le sexe de la personne, tant qu’elle ramène une médaille. »

Pour mener à bien l’analyse d’un environnement sélectif, il est primordial de considérer l’influence de l’argent en premier lieu. En effet, la facilitation du parcours vers les sommets s’observe, d’une part, à travers le fait d’initier sa propre trajectoire sportive dès le plus jeune âge, démontrant ainsi une aisance financière propice à la progression. D’autre part, la sous-représentation des femmes dans ce milieu s’explique largement par le fait que leur passion est fréquemment entravée par les multiples responsabilités quotidiennes qui découlent de leur engagement professionnel.

Il convient également de souligner que le nombre restreint d’individus élus pour intégrer l’Équipe de France dissuade bon nombre d’aspirants, ces derniers redoutent des pertes financières potentielles. En définitive, il est crucial de prendre en considération ces divers éléments pour comprendre les dynamiques spécifiques à ce milieu sélectif.

Pour Anne-sophie Brûlé, le haut niveau continue et les prochaines échéances ne sont pas attendre. Pour la saison 2024, elle reprend après une année de pause pour changement d’écurie. L’objectif serait de se qualifier sur des épreuves internationales 3 étoiles. 

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