Une milice obscure, mais organisée
Le groupe militaire privé russe est fondé en 2014 par l’oligarque Evgueni Prigojine et l’ancien chef militaire Dmitri Outkine. Jusqu’en 2015, le groupe Wagner est discret sur la scène médiatique et personne, ou presque, ne connaît l’identité de ses fondateurs. Il faut attendre septembre 2022 et un communiqué Twitter de Prigojine pour connaître le nom des deux hommes.
À l’origine, la milice est utilisée en parallèle du gouvernement de Vladimir Poutine, afin d’aider les séparatistes pro-russes dans le Donbass. Cependant, le groupe est sous contrôle du ministère de la défense russe selon de nombreux observateurs. Les membres de l’organisation, appelés « musiciens » sont majoritairement d’anciens militaires de carrière russe reconvertis dans le secteur privé. Plus inquiétant, certains recrutements sont faits directement en prison. Le groupe Wagner compterait dans ces rangs quelques 10 000 hommes, surentraînés et équipés comme une armée « conventionnelle ».
C’est une grande première en Russie, un groupe armé a désormais un QG officiel. Les nouveaux locaux, installés en plein cœur de Saint-Pétersbourg, devraient accueillir « informaticiens, designers et inventeurs » selon Prigojine. Pourtant, les milices armées privées sont officiellement interdites en Russie.
Au départ déployé dans le Donbass, le groupe Wagner est aujourd’hui présent sur plusieurs terrains de guerre, surtout en Afrique, ainsi qu’en Amérique Latine.
L’influence grandissante de la milice dans les conflits armés se fait en parallèle de celle de son fondateur Evgueni Progojine, au cœur du Kremlin.
Evgueni Prijogojine, une influence grandissante
L’homme d’affaires Russe, surnommé « le cuistot de Poutine » – son entreprise d’alimentaire livre le kremlin – a le vent en poupe ses dernières années. Après un long temps passé dans l’ombre, l’oligarque s’expose aujourd’hui en pleine lumière. En effet, il devient une pièce maitresse du système de défense russe. Depuis sa révélation sur son rôle au sein de Wagner, sa nouvelle exposition médiatique semble lui plaire. Il se permet même de critiquer la gestion militaire de certains hauts gradés.
Serait-il en train de faire changer de paradigme les milices privées ? En effet, avec l’ouverture du QG, façade officielle du groupe Wagner, l’homme tente de dédiaboliser leur utilisation dans les conflits.
En plus de son influence militaire au sein du gouvernement russe, Prigojine détient une autre agence paramilitaire, l’IRA. L’Intelligence Russian Agency, est connue pour son usage de la propagande mais aussi son goût prononcé pour la désinformation. Toujours dans l’intérêt du Kremlin.
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, quel rôle joue la groupe Wagner ?
Quel rôle en Ukraine ?
Le retour des forces Wagner en Ukraine n’annonce rien de bon. En effet, si les civils russes refusent pour beaucoup de combattre, les « musiciens » dont la guerre est le métier, ne sont pas réticents. En ce sens, la milice s’est déployée vers Bakhmout, l’une des seules lignes de front encore à l’avantage des Russes. Les forces de Wagner combattent en parallèle de l’armée russe et tentent, tant bien que mal, de redorer l’image militaire russe.
Seul problème, même sur ce front, les pertes russes sont colossales. De nombreux observateurs y voient un massacre des membres du groupe Wagner. Cela pourrait paraître étonnant pour des soldats surentrainés, professionnels. Seulement, la plupart des membres de la milice envoyés à Bakhmout ont été recrutés il y a quelques mois à peine. Anciens détenus, les nouveaux soldats sont amadoués par la perspective d’un salaire et d’une remise de peine. En échange, ils sont envoyés comme « chair à canon » sur le front Ukrainien.
Comment expliquer cette tactique militaire sur un front sans véritable importance stratégique ? Serait-ce une manœuvre politique d’un Prigojine qui cherche à tout prix à se faire bien voir par le président Poutine ?
Bien que sacrifiés sur le front Ukrainien, les musiciens font généralement office d’exécuteur. Leurs actions en Afrique s’effectuent avec, selon de nombreux organismes internationaux et ONG, au respect des droits de l’Homme.
Une milice aux techniques barbares
Aujourd’hui présent sur de nombreux fronts, le groupe Wagner fait les gros titres. Il semblerait jamais pour de bonnes raisons. En effet, depuis un an, les rapports sur des exactions pullulent. En point d’orgue, un rapport publié le 3 mai 2022 par l’ONG Human Rights Watch sur la présence de Wagner en Centrafrique, où une guerre civile fait rage depuis de nombreuses années.
L’ONG se concentre sur la période de 2019 à 2021. Période durant laquelle de nombreuses exactions auraient été commises par les soldats du groupe Wagner.
Pour en savoir plus : République centrafricaine : Abus commis par des forces liées à la Russie | Human Rights Watch (hrw.org)
En parallèle, les instances de l’ONU ont également pour ambition d’enquêter sur les possibles crimes de la milice. En mars, la Haute Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, Michelle Bachelet dénonce « de graves violations des droits de l’Homme » en Centrafrique. Parmi les quelques 900 exactions répertoriées, certaines sont déjà attribuées au groupe Wagner. « Les forces bilatérales russes sont également accusées des actes de torture, de traitements cruels, humiliants, inhumains et dégradants. » déclare Yao Agbeste, un expert indépendant de la situation des Droits de l’Homme en Centrafrique.
Côté ukrainien, trois « musiciens » sont activement recherchés pour meurtre et torture. Un article du Guardia explique que les procureurs ukrainiens accusent neuf hommes, dont trois présumés membres du groupe Wagner, d’être les auteurs de crimes de guerre dans le conflit Ukrainien.
Les mises en lumière des exactions présumées du groupe Wagner sont de plus en plus nombreuses, mais ne semblent pas suffisantes pour atténuer l’influence du groupe dans les conflits.