En France, parmi les nombreuses manifestations et les mouvements de libération de la parole autour des violences sexuelles, une notion semble être commune à tous ces combats : le respect du consentement.
Le consentement est défini par le Larousse par “l’action de donner son accord” et ce terme est pourtant déjà extrêmement présent dans nos quotidiens de citoyens : l’échange des consentements lors d’un mariage, le consentement éclairé lors d’une intervention chirurgicale, ou même le consentement demandé aux parties lors d’une procédure judiciaire… Ainsi, nous sommes en droit de nous demander pourquoi il est si difficile, dans le cadre des violences sexistes et sexuelles, de définir et d’inscrire cette notion dans les lois françaises.
Le consentement dans le Code Pénal
Faisons d’abord un point sur la notion telle qu’elle est présente aujourd’hui dans notre Code Pénal. L’article 222-22 définit que :
“Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.”
Ainsi, l’absence de consentement est sous entendue, bien qu’elle ne soit pas explicitée. Et plus largement dans le code, la notion de consentement n’est ni mentionnée ni définie (dans le registre des violences sexuelles).
Un manque de précision
Cette absence est pointée du doigt à de nombreuses reprises, suite à différents mouvements comme MeToo, ou plus récemment, lors du procès des viols de Mazan. En effet, ce drame présente un contexte complexe, où les actes ont été perpétrés sur une victime inconsciente et ainsi en incapacité de donner ou non son consentement. Ce flou laisse donc à la partie de la Défense une marge d’exploitation pour alléger le sort de leurs clients. Ainsi, en exploitant ces lacunes, la Partie de la Défense met en lumière une limite de la définition. C’est donc pourquoi, depuis le début de l’affaire, de plus en plus de juristes militent pour l’inscription du “consentement” dans la définition du viol, comme l’ont fait certains de nos voisins européens (Belgique, Suède…).
De plus, si la notion est intégrée dans les textes de lois, cela permettrait aussi à la Cour de Cassation de pouvoir unifier les décisions des tribunaux inférieurs (Tribunaux du 1er degré et Cour d’Appel). En effet, sans définition inscrite dans le Droit Pénal, l’absence de consentement est considérée comme une question “de fait” et est laissée à l’appréciation individuelle de chaque juge. Cette situation provoque donc des incohérences qui peuvent créer un sentiment d’injustice ou d’iniquité, ce qui est à l’encontre des principes fondamentaux du droit pénal.
Certains spécialistes voudraient même aller plus loin en inscrivant la notion “d’absence de consentement positif” dans la définition du viol. La juriste Catherine Le Magueresse s’est engagée pour cet ajout, en assurant que “avec ce changement, les personnes mises en cause ne pourraient pas se défendre en laissant croire qu’ils pensaient que la victime était consentante.”
Cette dernière fait référence aux accusés et leurs avocats au cœur du procès des viols de Mazan, qui affirment que ces cinquante hommes pensaient avoir affaire à un couple consentant, malgré le fait que la femme soit endormie. Ils peuvent ainsi réfuter l’accusation de viol, en se disant trompé eux aussi par M. Pelicot.
Pour plus d’informations sur la notion de “consentement positif”, cliquez sur le lien suivant :
La France, mauvaise élève ?
La réflexion autour du Consentement dans la définition du viol traverse les frontières et a été le sujet de discussions lors de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique de 2011. A la suite de ce rendez-vous européen, la Convention a prévu des mesures qui impliquent des changements légaux pour chaque pays signataire. Cependant, le GREVIO (comité chargé du suivi et du respect du texte), en 2016, 2 ans après sa ratification par la France, a mis en garde la France par rapport aux lacunes dans sa législation du viol; notamment parce que celle ci n’avait toujours pas intégré le consentement dans sa définition du viol.
De plus, en 2023, les Nations Unis ont estimé que la définition française du viol :
“limite les possibilités de condamnation et rend difficile le parcours des plaignantes et des plaignants” et lui ont demandé de “modifier le code pénal de manière à ce que la définition du viol soit fondée sur l’absence de consentement, couvre tout acte sexuel non consenti et tienne compte de toutes les circonstances coercitives, conformément aux normes internationales relatives aux droits humains”.
Ainsi, ces réflexions autour de cette notion démontrent à quel point cette dernière est complexe, et a besoin d’être clairement définie et précise, au sein de notre société. La Justice se nourrit des événements et des évolutions de pensées citoyennes, il est donc primordial de continuer les débats, de se questionner et d’avancer ensemble pour faire du Consentement une notion universelle et indispensable dans chacune de nos actions.
Pour plus d’informations sur la Convention d’Istanbul et le rapport des Nations Unies, consultez les liens suivants:
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2020/659334/EPRS_ATA(2020)659334_FR.pdf